du 27 janvier 2005 |
PLEINS FEUX |
Angers (49) Plus d'une trentaine d'établissements sous franchise, 7 en propre, un atelier de découpe de viandes, une centrale d'achat Bertrand Baudaire, p.-d.g. du groupe La Boucherie, a fait de l'enseigne une valeur économique sûre et montante à l'échelon national. Fidélisation de la clientèle, fidélisation du personnel : il réussit là où les autres baissent les bras.
SYLVIE SOUBES
Bertrand Baudaire, p.-d.g. de La Boucherie
La preuve par l'audace
Pour qu'un concept soit gagnant, on dit en principe qu'il faut aller au bout. Pour Bertrand Baudaire, il s'agit de maîtriser surtout l'ensemble des paramètres commerciaux et de cultiver le produit avec cohérence. Ici, la viande bovine, dans le cadre d'une restauration tout public, sous enseigne La Boucherie. Et pas de recette miracle. Seulement le résultat d'un travail acharné, doublé d'une bonne dose d'audace et de perspicacité. Bertrand Baudaire "en veut" et le reconnaît : "Enfant, mon père me répétait qu'il valait mieux un petit chez-soi qu'un grand chez les autres. Moi, je pensais qu'un grand chez-soi, c'était mieux " Après 4 ans dans une école hôtelière à Saint-Nazaire (44), un BEP et un BTH en poche, le futur p.-d.g. du groupe La Boucherie fait ses armes outre-Manche. Maîtrise de l'anglais oblige. Son épouse, Janine, est à ses côtés depuis les bancs du lycée. "L'avantage d'être à deux, c'est quand l'un baisse les bras, l'autre est là pour lui redonner courage", lance-t-il. Bertrand Baudaire fête ses 20 ans à Sitrling, en Écosse. Le couple travaille dans un petit restaurant-bar, qui offre 4 chambres, grand luxe et confort. "La clientèle était très choyée. C'était à la fois extrêmement rigoureux et familial." De retour en Bretagne, les Baudaire prennent la direction d'un Campanile. "Au bout de 2 jours, les patrons nous ont laissé les clefs et sont partis en vacances." Les voici plongés d'entrée de jeu dans la réalité du terrain. Matériel qui tombe en panne, absentéisme, gestion humaine
|
Être
son propre patron
Un an passe. Ils
s'envolent cette fois pour la Suisse. "J'étais directeur de salle dans un
restaurant gastronomique et j'avais une équipe de 7 personnes sous mes ordres. C'était
du très haut de gamme. Dans ce genre d'établissement, on côtoie des personnes très
performantes. Auprès de ces professionnels, on s'initie aux bonnes attitudes. On apprend
le respect du client et comment lui faire plaisir. On acquiert des valeurs." En
1982, Bertrand Baudaire décide de passer à l'acte. D'être son propre patron. Il habite
alors Annemasse (74), de l'autre côté du lac Léman. Pragmatique, il opte pour un
créneau qu'il connaît par coeur : la crêpe. Ses parents tenaient un bar-crêperie à
Rennes. Audacieux, il tente l'aventure au pays de la raclette et de la tartiflette :
"Pas mal de gens ont prédit que j'allais me planter. Le sarrasin, personne ne
connaissait là-bas. Il est vrai que j'étais un peu fou." À Genève, à cette
époque, le couple gagne 30 000 F nets par mois : "On avait de quoi payer le
pas-de-porte. Ce qu'on a fait. Ensuite, je pensais que les banques allaient me prêter le
reste. Eh bien non, il a fallu faire avec les moyens du bord." Cependant,
Bertrand Baudaire se souvient d'une main qui se tend : "Je suis allé frapper chez
les brasseurs. L'un d'eux, un homme de 70 ans environ, m'a un jour reçu. Il s'appelait
monsieur Ducret et m'a dit :'Tu me plais, petit'. Il m'a fait un chèque de 30 000
F sur son compte personnel, en ajoutant 'tu me le rendras quand tu pourras'."
Installés au fond d'une galerie marchande, les
Baudaire tentent de convaincre les Savoyards. "Si ça n'est pas bon, vous ne payez
pas." Au terme d'une année d'exercice, l'obstination et le savoir-faire
obtiennent des résultats. "On était 5 entre la salle et la cuisine. Comme ça
prenait, j'ai acheté des murs en centre-ville." En février 1984, la nouvelle
crêperie d'Annemasse compte 10 salariés. Bertrand Baudaire, toujours sur le qui-vive,
croise Jacques Salmon : "Il avait repris Le Refuge à Megève. L'affaire
vivotait jusqu'au jour où il a changé le thème, en s'inspirant de son premier métier,
celui de boucher." Toile à matelas rouge et blanche en guise de nappe, faux
carrelage blanc sur les murs, un menu tout viande imprimé dans le cuir, et La Boucherie
pour enseigne. Banco ! Très vite, l'endroit tourne à 3 services par repas pour 30
places. Le succès est au rendez-vous et Jacques Salmon duplique le concept à Annemasse.
"Certes, il n'était pas en centre-ville et nos restaurants ne se faisaient pas
concurrence. Chez lui, néanmoins, les profits étaient supérieurs aux miens. J'avais en
tête de me lancer dans un établissement similaire." Sauf que : "Mieux
vaut être à deux sur un bon cheval que tout seul sur un mauvais.
J'ai discuté avec Jacques Salmon,
puis on s'est associés." Le meilleur plan, comme le prouvera la suite.
Points forts du concept et de la politique commerciale |
Un cadre et une offre parfaitement identifiables, qui ne sont pas figés
dans le temps. La simplification du travail réfléchie en amont (comme la transformation de la viande en fonction de la carte et des recettes : le franchiseur cherche ici à limiter les gestes en cuisine au profit du service. Ou encore la mise en place de bouteilles d'eau PET : les cartes précisent que l'on peut repartir avec sa bouteille. Séduisant aujourd'hui et évite la main-d'oeuvre du consigné. Entre autres. Une plate-forme qui permet d'assurer des produits de qualité régulière (fromages affinés à l'identique pour tous les établissements, lancement spécifique à La Boucherie d'une bouteille de 50 cl d'un grand cru de graves, nombreuses animations tout au long de l'année ). La fidélisation du personnel par la formation interne : dès le départ, il bénéficie d'un encadrement et de formations qui ouvrent les portes d'un plan de carrière. Généralement, les collaborateurs n'ont pas spécialement envie de quitter La Boucherie, sauf pour ouvrir eux-mêmes un établissement. Tout ce qui participe à l'activité des établissements est estampillé La Boucherie ou fait référence à l'univers bovin. Toujours avec humour. Proximité et convivialité sont les mots d'ordre. |
Chambéry
en 1987
En fonds communs avec
un 3e compère, un autre La Boucherie voit le jour à Chambéry en 1987. "J'ai
revendu la crêperie en 1998." D'autres La Boucherie ouvrent à Annecy,
Paris-Montparnasse, Rennes, Nancy
Le développement se fait en participations
croisées dans les différentes affaires. Une sorte de GIE chapote le tout. 10 ans plus
tard, la société possède une dizaine de restaurants quand démarre la première 'vraie'
franchise à Tours (37). "La franchise, c'est une addition de compétences. Il
faut des emplacements, des hommes et un concept de qualité", défend Bertrand
Baudaire, devenu p.-d.g. Le potentiel de La Boucherie est alors connu et maîtrisé. Son
souci dorénavant : donner aux candidats à la franchise des "garanties de
qualité". La priorité porte sur le référencement des produits et des
fournisseurs. Une plate-forme est créée, et en 2000, le groupe La Boucherie monte son
atelier de découpe de viandes à Brive-la-Gaillarde (24). "On voulait un outil
dédié afin que la viande soit préparée de telle manière, avec une maturité précise."
Le 15 septembre, un investisseur extérieur - le Siparex - entre dans le capital. Début
novembre, la crise de la vache folle fait la une des manchettes. "Sans cette
augmentation de capital, je ne pense pas que nous aurions pu tenir le coup",
reconnaît aujourd'hui Bertrand Baudaire. Les baisses de chiffre d'affaires sont brutales.
Jusqu'à - 50 %. "On a puisé dans nos racines : nous avons cherché à élargir
l'offre en proposant de l'agneau par exemple. C'était extrêmement compliqué, car en
quelques jours, nous étions devenus des empoisonneurs aux yeux des gens."
Janvier 2001 : les restaurants La Boucherie repartent à la conquête des consommateurs.
Un redéploiement du parc est orchestré, et 6 restaurants de l'escarcelle sont
franchisés. Les acquéreurs sont issus du groupe. "Nous devions dégager du cash.
La crise a effectivement accéléré le principe de franchise. On s'est aussi serré les
coudes. Même si c'était dur, on a cherché des solutions ensemble et on a réussi à
s'en tirer parce que nous avions, pour nous, un produit solide, dont nous étions sûrs, y
compris dans sa traçabilité." Une traçabilité devenue drapeau : "Nous
n'achetons une viande que si nous pouvons en déterminer l'origine exacte et si nous
connaissons les procédures d'abattage." À l'intérieur de chaque
établissement, la profession de foi est répétée, affirmée, confirmée.
Janvier 2004. Bertrand Baudaire veut élargir son
champ d'action. Il propose un
deuxième concept : La Boucherie Café. Terrasse, nouveau mobilier et coin bar vont de
pair. Que les sceptiques se taisent et laissent faire le maître : Bertrand Baudaire veut
accentuer la convivialité des lieux et s'attaquer aux centres-villes. Janvier 2005 : le
groupe La Boucherie affiche 40 établissements, dont 7 succursales. L'enseigne - qui
s'implante également en dehors des frontières - s'attaque à la Moldavie et à la
Russie. "L'esprit français plaît bien. Quant à la qualité que nous
revendiquons, nous n'allons pas lâcher prise, rassure Bertrand Baudaire. Nous
sommes déjà allés voir comment ils travaillaient la viande et nous sommes en train
d'établir, avec eux, un cahier des charges." Osé, tout de même. Osé ? Qui
sait... < zzz22v
Pour tout savoir
sur le concept La Boucherie et la franchise, rendez-vous sur le site www.la-boucherie.fr
Contact : developpement@restaurants-laboucherie.fr
Les
chiffres-clés sous enseigne à fin 2004
40 établissements
40 ME de CA
800 collaborateurs
18 personnes au siège
(Ces chiffres ne tiennent pas compte des autres activités du groupe.)
En dates
26 novembre 1959 Naissance à
Rennes (35)
Septembre 1982 Création d'une crêperie à Annemasse
(74)
1986 Association avec Jacques Salmon
1997 Première franchise effective
Janvier 2001 Redéploiement du parc et accélération de la franchise
Janvier 2005 Quelque 40 établissements en portefeuille dont 7 en propre
Article précédent - Article suivant
Vos questions et vos remarques : Rejoignez le Forum des Blogs des Experts
L'Hôtellerie Restauration n° 2909 Magazine 27 janvier 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE