du 3 novembre 2005 |
HORIZONS LOINTAINS |
Birmanie Yannick l'Oléronnais et Misuu la Birmane sont complices à la vie comme au boulot. Le couple Borit gère depuis 7 ans avec humanité et réussite un hôtel fort couru, créé à la force des bras et conservé depuis contre vents et marées. Deux personnes, deux personnalités, deux destinées à l'origine d'un projet devenu progéniture.
Gaëlle Girard
À l'hôtel Inle Princess Resort
Une success-story franco-birmane
Arrivée à l'hôtel en barque... calme assuré pour la clientèle. |
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Yannick Borit, fils d'ostréiculteur, ébéniste reconverti pompier, n'avait jamais quitté la France avant de rencontrer sa femme. Il apprend le métier d'hôtelier sur le tas, chez les parents de Misuu en Birmanie. Puis il poursuit sa formation par 1 an de management-training au sein d'une chaîne hôtelière de renom, avec son épouse, bien après les débuts du Inle Princess Resort. Quant à Misuu, vive et volubile, parlant des mains 'à la méditerranéenne', elle s'exile à 17 ans en Suisse puis en France, sans parler un mot de français : les universités de son pays ont fermé. Il faut partir. Se former au métier en école hôtelière ultracatholique, où elle repasse le linge liturgique chaque dimanche avant la messe. Leur rencontre ? Un coup de foudre à Paris, où Yannick Borit fait ses armes de gars de caserne, et Misuu celles d'apprentie hôtelière à la Maison de la Chine et d'Indochine. Deux destins croisés et scellés un soir d'août où la Birmane en exil s'entend annoncer par le pompier en goguette : "Tu seras ma femme." Prémonition ? Yannick préfère parler d'"intuition masculine". Tous deux flattent depuis leurs énergies conjuguées, sans orgueil, du haut de leurs 33 printemps.
S'inspirant d'un temple Shan de la lointaine cité de Kiengtum, la construction imite la pagode, typique de la région du triangle d'or, avec ses toits à triple étagement. |
Complices et complémentaires
Le bar conviviale du Princess Inle. |
Propriétaires
au terme de 7 saisons
Quant à Yannick et Misuu Borit, il
faut les écouter narrer leur aventure d'hôteliers débutants et d'entrepreneurs en terre
de dictature. Car c'est une épopée que ce projet parti de rien, rentabilisé dès ses
débuts puis remboursé intégralement en 7 saisons. Misuu raconte : "On avait 20
000 dollars d'économie, un enfant en bas âge et un permis de construire obtenu de haute
lutte par mon père, sans garantie de propriété tant que les crédits seraient en cours.
Il a fallu emprunter auprès de la famille de Yannick, des amis, hypothéquer les biens de
mes parents, leur maison, celle de mes grands-parents et la guest house qu'ils
possédaient à l'époque, en 1997. En 18 mois, 14 bungalows sont sortis de terre. Puis la
chance nous a souri : une compagnie d'assurance belge souhaitait organiser un séminaire pour
ses cadres sur le lac, mais avait besoin du double en matière d'hébergement. Cette
société, qui avait choisi le Princess, nous a donc financés à taux 0 la construction
de 15 nouveaux bungalows, frais à déduire de leur note à venir ! Aujourd'hui, nous
avons triplé la capacité d'accueil et remboursé intégralement nos dettes : on est
enfin propriétaires et heureux de l'être !" Amortissement et croissance rapides
figurent la bonne santé de cette entreprise qui emploie 170 permanents et 40 saisonniers,
tourne à 65 % d'occupation à l'année et facture ses chambres de 160 à 180 E la nuit.
Tarif élevé, mais nécessaire, à la viabilité du projet : 95 % du taux de remplissage
est redevable aux agences de voyages dont les marges, souvent généreuses, se bâtissent
à la hauteur du service rendu. Quant à la clientèle, à 50 % française, elle semble
ravie de fréquenter ces lieux où elle trouve calme, confort et l'attention d'un
personnel satisfait de travailler pour le couple Borit. C'est que ces 'écopatrons'
cultivent la philosophie du management participatif, de la démocratie insufflée au
négoce, ce qui semble plutôt bien fonctionner. "On réunit tous les jours le
staff en débriefing, et on les pousse à participer aux débats, à proposer des
solutions aux problèmes qu'ils évoquent. La débauche ? Nous n'en souffrons pas",
nous assure Yannick, qui a su vite convaincre ses employés qu'il valait mieux pouvoir
réveiller son patron à 3 heures pour un médicament que de recevoir un salaire, certes
plus élevé, mais sans aucune autre contrepartie. "Le secret réside, à mon
sens, dans l'honnêteté et la justice. La réussite du Princess dépend de nos
salariés ; nous leur devons le respect." Misuu ne dit pas autre chose en reprenant
à son compte une maxime paternelle : "On a toujours du succès quand on met le
coeur à ce que l'on fait." À leurs débuts, elle se charge de traduire tous ses
cours d'école hôtelière en birman pour son personnel débutant.
Côté fournisseurs, la place d'honneur revient de
droit aux artisans locaux qui se retrouvent sur tous les fronts : des primeurs de saison
aux peignoirs de lin fin tissés sur le lac, et tout au Princess vient de l'État Shan.
"Ce sont les villages qui font marcher le resort, pas l'inverse", dit
Misuu.
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L'affectif
au coeur de leur affaire
Alors, on prend soin des "enfants",
comme les Borit nomment leur staff : aménagement d'un terrain de foot et de basket,
autogestion des maisons du personnel, formation continue et stage de 1 mois chaque année
dans les 2 grands hôtels de Yangon. Ce qui s'ajoute aux actions humanitaires annexes
menées sur le lac, comme la participation au financement d'orphelinats et d'écoles dont
le manque se fait cruellement sentir au Myanmar. "Ces projets comptent beaucoup
pour nous, et nous en sommes fiers", assurent les Borit à l'évocation du rôle
presque social qu'ils jouent sur le lac. Une fierté bien méritée, aussi imputable à la
complémentarité du binôme : à Misuu les chiffres et à Yannick les idées. Et des
idées, le Français semble en avoir à foison. Comme celle de fabriquer des abat-jour
géants en toile d'ombrelle pour un éclairage multicolore, ou celle d'un four à poterie
pour une clientèle en mal d'activité manuelle. "Mon mari est un rêveur,
confie Misuu. Il est capable de me réveiller à 2 heures pour me raconter sa
nouvelle lubie." "Ma femme est une bavarde !", rétorque Yannick, pas
fâché pour un sou. Intimité et humour, le couple partage la même philosophie du
métier. Et placent l'affectif au coeur de leur affaire.
Il est vrai qu'on se sent bien au Princess. L'accès
au chenal du resort étant interdit aux bateaux à moteur, le lieu bénéficie d'une
tranquillité inégalée. Un côté paisible qu'apprécie la clientèle en passe
d'allonger la durée moyenne de son séjour. Ce qu'encourage fortement le couple qui
cherche sans cesse à moderniser les installations et à innover en matière de
divertissement. D'où le projet de proposer des cours de reïki et de cuisine birmane,
celui d'agrandir le spa et de voir enfin s'ouvrir la cave à vins-espace de dégustation
en cours de construction. C'est qu'il faut continuellement se renouveler et répondre aux
demandes parfois fantaisistes des clients. Comme celle, par exemple, de Mike Jagger, qui
ordonna qu'on tende sa chambre de noir. Ou plus récemment, quand il fallut déménager la
réception de ses installations informatiques pour qu'un groupe de cadres en séjour
incentive puisse dîner à l'écart des autres clients de l'hôtel
Mais Yannick et
Misuu Borit ne se laissent guère démonter par si peu ! Et s'évertuent à rendre le
séjour de leurs clients le plus agréable possible. < zzz36v zzz22v zzz70
RENCONTRE AVEC DELPHINE GODARD, 21 ANS,
CHEF PÂTISSERIE-CUISINE AU SEIN DE L'ÉQUIPE EXCLUSIVEMENT FÉMININE DU INLE PRINCESS
RESORT HOTEL
L'Hôtellerie Restauration Comment êtes-vous arrivée jusqu'au lac Inle ? Votre rôle
au Princess ? Quelles sont
vos tâches au sein de l'établissement ? Quel bilan
tirez-vous depuis votre arrivée au Princess Inle ? Pensez-vous
que vous resterez ? |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2949 Magazine 3 novembre 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE