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du 1er décembre 2005
PRODUITS

Voyage gourmand à Alba (Italie) Pendant 3 mois, d'octobre à décembre, la truffe blanche est la protagoniste, la reine toute puissante, la valeur ajoutée d'une région, le Piémont, d'une ville, Alba, opulente mais paysanne, moderne mais conservatrice.
Bernard Degioanni

Au pays de la truffe blanche


556 g : soit l'équivalent de 15 000 euros sur la balance d'un ramasseur de truffes blanches à Alba.

Si tout le monde parle de la truffe blanche, peu la voit. Est-elle aussi rare que ce que l'on dit ? En tout cas, elle est de plus en plus chère. Cette année, le 'tartufo bianco' se négocie entre 2 000 et 3 000 E le kilo. "Les plus belles truffes partent à 4 500 E. À 200 E l'hecto, ce sont les petites de 10 à 20 g chacune", dit Andrea Rossano, l'homme qui sait tout de la truffe et de ceux qui en vivent. Il les achète à 3 000 chercheurs ('trifulao' en dialecte piémontais), dont 200 exercent cette seule activité. Andrea Rossano qui a succédé à son père se compare au sélectionneur d'une équipe de football. Au lieu de choisir les meilleurs joueurs, il porte son regard sur les truffes. Alain Ducasse est l'un de ses fidèles clients. "Les truffes blanches de Rossano sont exceptionnelles", dit Franck Cerutti, le chef du Louis XV à Monaco, qui adore venir en automne dans le Piémont sur les traces de l'incontournable champignon blanc. La truffe blanche, c'est d'abord une odeur. Entêtante. Un mélange explosif de parfums de terre, de champignon, d'ail. Contrairement à la truffe noire, on ne la fait pas cuire. Les Italiens l'utilisent comme un condiment, la râpent crue en fins copeaux sur un plat de Tajarin (fines tagliatelles du Piémont), un simple risotto, sans épices ni herbes aromatiques, des oeufs au plat ou sur du fromage local passé au four. Sa couleur tire sur le jaune et le blanc comme la tête d'une brioche au beurre à peine cuite, parfois sur le beige. Sa chair, délicatement veinée, est brun clair ou rose selon les arbres (chênes, noisetiers, peupliers, saules) près desquels elle se développe. Si la chair est blanche, c'est trop tard, la truffe n'a plus de goût. Elle aime les terrains calcaires sans pour autant détester les sols argileux, s'accommode bien de l'humidité, du froid, se plaît à l'altitude (300 m) des vignobles du Piémont qui grimpent sur les collines autour d'Alba. Son nom scientifique est Tuber magnatum Pico, qui indique à la fois son caractère exceptionnel (magnatum) et le nom du médecin turinois qui en fit la description au XVIIIe siècle. 

150 000 E en trois mois
Parler de la truffe blanche, c'est entrer dans un monde secret, à la limite de la conspiration. Jaloux et envieux sont là. Moins on est disert, mieux les affaires se portent. Pas question d'obtenir des statistiques sur les kilos récoltés, les revenus générés au fil des ans. De toute façon, les chiffres donnent le vertige. Un chercheur de truffes peut gagner jusqu'à 150 000 E en 3 mois. Personne n'affiche pour autant son aisance. "Un trifulao vit modestement, ne change pas de voiture même si elle a plus de 30 ans", dit Andrea Rossano. Il existe un marché officiel organisé par la municipalité les 4 week-ends d'octobre, plus pour les touristes que pour les connaisseurs. Les transactions se font loin des regards, dans la brume et le froid des matins d'automne, quand de vieux paysans aux ongles noircis par la terre sortent les précieux tubercules de mouchoirs ou de bouts de papiers qui permettent de conserver l'humidité. Les paiements se font en espèces. L'argent est plus souvent dissimulé dans les maisons que déposé sur un compte en banque. "80 % des truffes que j'achète sont vendues à l'étranger. Elles quittent le Piémont souvent dans l'heure où elles ont été récoltées", dit Andrea Rossano. Les chauffeurs des sociétés de transport rapide changent régulièrement. Une truffe est si facile à dissimuler qu'il faut diminuer les risques de vol. La suspicion conduit les chercheurs à transmettre les endroits où ils trouvent les truffes uniquement à leurs fils, et le plus tard possible. "Certains meurent avant", dit Andrea Rossano. Les lieux, les itinéraires qui y conduisent ont requis des dizaines d'années de patience, d'expériences. Si les chiens, souvent de simples bâtards choyés pour leur odorat, ont une muselière, ce n'est pas par crainte qu'ils mangent une truffe, mais de peur que d'autres ramasseurs, jaloux, laissent sur leur passage des aliments empoisonnés. On ne cherche pas les truffes blanches comme les champignons. On doit avoir un permis (180 E par an) pour aller sur les terrains domaniaux. Les autres, délimités, donc privés, sont bien sûr interdits d'accès.


Barolo, le village éponyme du célèbre vin piémontais.

'Nourriture de gens pauvres'
La truffe blanche d'Alba a connu un premier essor en 1928. Mais c'est Giacomo Morra, restaurateur dans cette bourgade, qui la rendit célèbre à l'étranger lorsqu'il en expédia une de 2,5 kg au président américain Harry Truman, en 1951. Jusque-là, 'nourriture de gens pauvres', elle était conservée dans de la saumure, consommée sur place, parfois accompagnée d'anchois, ce qui, dans les deux cas, lui ôtait son goût dense et subtil à la fois. Située à 60 km au sud de Turin, Alba doit son opulence à la truffe blanche mais aussi à ses vins, Barolo et Barberesco, et à la société Ferrero qui, grâce aux noisettes de la région, y fabrique depuis 60 ans le Nutella. La cuisine de ce terroir, qui a su garder une âme paysanne, est une référence en Italie, au même titre que celle de Toscane. C'est une cuisine qui, avec ou sans truffe blanche, ne s'embarrasse d'aucune fioriture, s'appuie sur des produits de grande qualité déclinés sobrement. "C'est la cuisine d'un territoire attaché à ses traditions. Le Piémont est une région bénie des dieux pour un cuisinier, car les gens y ont le culte des produits", dit Davide Palluda, jeune chef-propriétaire du restaurant l'Enoteca à Canale (1 étoile Michelin). "On peut faire une cuisine du terroir et être moderne, respecter un plat classique tout en l'abordant avec un oeil neuf", ajoute Davide qui, dans son menu tradition, propose la pintade de la tête aux pieds, la côte de boeuf cuite rosée, moelle, pignons, Tatin d'oignons. Elide et Enrico Cordero du restaurant Il Centro à Priocca d'Alba partagent cette analyse. Elide, cuisinière autodidacte, sublime les plats de la tradition en les épurant. Ses pâtes fraîches (40 jaunes d'oeufs par kilo de farine) n'ont pas besoin de sauce d'accompagnement tant elles sont subtiles. Sa crème d'oignons, son foie de lapin caramélisé sont autant de classiques revisités. Enrico Crippa, ancien de Gualtiero Marchesi, prend le risque de bousculer les traditions en proposant depuis 6 mois, au restaurant Piazza Duoma à Alba, des plats comme le Pop-corn de riz sauvage, les Agnolotti (pâtes) farcis à l'encre de seiche, essence de pommes de terre. "Le Piémont est tellement lié à ses racines que les gens ne vont pas spontanément vers d'autres sources d'inspiration. Tous les restaurants de la région ont les mêmes plats à leur carte", déplore-t-il, lui qui rêve d'étoiles au Michelin, de clients curieux et avides de nouveautés. < zzz22v zzz44h zzz99

SOSIES
Il n'est de truffe blanche que d'Alba, les petites cousines en provenance des Balkans ou ramassées dans les collines de Toscane font pâle figure à ses côtés, même si des petits malins arrivent à vendre les secondes au prix des premières aux néophytes et aux naïfs.

RISOTTO À LA TRUFFE BLANCHE

Ingrédients pour 4 personnes
- 250 g de riz Carnaroli
- 80 g de truffe blanche
- 30 g de parmesan
- 2 litres d'un excellent bouillon de boeuf
- 1 oignon blanc
- 1 verre de vin blanc (de préférence un Arneis du Piémont)
- Huile d'olive extra-vierge
- Sel, poivre

Progression
- Porter le bouillon à ébullition. Râper le parmesan. Éplucher et hacher très finement l'oignon.
Le faire fondre dans une casserole avec un peu d'huile d'olive.
- Ajouter le riz, bien mélanger, le laisser revenir quelques minutes à feu doux jusqu'à ce que les grains soient transparents.
- Mouiller avec le vin blanc.
- Laisser évaporer.
- Ajouter peu à peu le bouillon, en remuant souvent. En fin de cuisson, éteindre le feu, incorporer le parmesan et mélanger énergiquement.
- Couvrir. Attendre quelques minutes avant de servir. Puis, râper la truffe en fines lamelles sur chaque assiette.

Les bonnes adresses à Alba

Il Centro
Tél. : 00 39 0173 616 112

L'Enoteca
Tél. : 00 39 0173 93 857

Piazza Duomo
Tél. : 00 39 0173 366 167

I Piaceri del Gusto
Tél. : 00 39 0173 440 166

Pettiti
Tél. : 00 39 0173 441 612

VinCafé
Tél. : 00 39 0173 364 603

Hôtel Savona
Tél. : 00 39 0173 440 440

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L'Hôtellerie Restauration n° 2953 Magazine 1er décembre 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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