du 31 mars 2005 |
À LIRE |
Valence (26) Au nom du père, tel est le titre du premier livre d'Anne-Sophie Pic. La fille de Jacques revendique à la fois une "légitimité en cuisine" et un "devoir de mémoire" vis-à-vis de son père.
PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-FRANÇOIS MESPLÈDE
En hommage à Jacques Pic
Anne-Sophie Pic, 'Au nom du père'
L'Hôtellerie Restauration :
Comment l'idée de ce livre est-elle née ?
Anne-Sophie Pic : Elle trottait dans ma tête depuis pas mal de
temps. En fait, depuis le décès de mon père Jacques, qui n'avait jamais eu le temps
d'écrire un livre sur notre maison. J'en ai longuement parlé avec David, mon mari. Cet
hommage à mon père est une sorte d'aboutissement de son travail.
Parleriez-vous
de devoir de mémoire ?
Complètement. Au début, c'était cela. Mon père n'était pas très médiatique et
j'avais peur qu'on l'oublie, ce qui - j'ai pu le constater - n'est absolument pas le cas.
Le choix du titre n'est pas anodin, car si j'entends légitimer ma place en cuisine, je ne
veux pas oublier le passé. Je travaille en revendiquant un réel héritage paternel,
même si peu de recettes qui lui sont propres figurent dans ce livre. Ma cuisine est
différente de la sienne, mais l'histoire continue.
Vous n'avez
jamais eu l'occasion de travailler avec votre père. Cela dit, que vous a-t-il apporté ?
Je suis revenue à la maison au printemps 1992, quelques mois avant son décès (N.D.L.R.
: le 19 septembre 1992).
Il connaissait mon envie d'entrer en
cuisine et s'était même renseigné sur les possibilités qui me seraient offertes en
passant un CAP.
Nous avions eu de longues discussions à ce sujet.
Lorsque j'étais toute petite, il m'en parlait déjà, et me mettait une sorte de pression
que je supportais difficilement. Je fuyais alors la discussion et cela justifie sans doute
mon choix vers une une autre trajectoire professionnelle (lire encadré ci-contre). À la
fin de mes études, mon père connaissait mon goût pour la mode et le domaine créatif,
mais il savait également que je trouvais ce milieu très superficiel. Un jour, je lui ai
téléphoné pour lui dire que j'avais envie d'apprendre la cuisine avec lui. Il était
très ému et a même pleuré. Il avait vraiment envie d'avoir ses enfants autour de lui.
Où
situez-vous le déclic ?
Si, la première fois, tout ne s'est pas très bien passé, je sentais confusément que ma place était en cuisine. Au printemps 1995,
après la perte de la 3e étoile, mon choix était fait, sans doute toujours à
cause de ce devoir de mémoire. Et au fil des ans, ce métier est devenu une véritable
passion.
Même si ce
métier n'est pas aussi simple qu'il n'y paraît pour une femme ?
Pour moi, la cuisine, qui est un véritable terrain d'expression, n'est ni masculine ni
féminine ! Une cuisine est vraiment un lieu où une femme peut s'exprimer. À la grande
époque des Mères avec une cuisine très familiale, cette place était tout à fait
légitime et naturelle. Je suis certaine que mon grand-père André, dont la mère était
cuisinière, ne s'est jamais posé la question à propos d'Eugénie Brazier et des autres.
Lorsque la cuisine est devenue plus technique, le regard a changé. Aujourd'hui où elle
s'est raffinée en devenant plus graphique, cela semble de plus en plus naturel, même si je sais que nous serons toujours
minoritaires. C'est peut-être aussi le message de ce livre, où j'évoque ma démarche.
Chaque femme cuisinière trouve en elle ce qui peut la motiver. Ensuite vient la passion. < zzz22v zzz18p zzz82
AU NOM DU
PÈRE
Aux Éditions Glénat
Prix conseillé : 45 E
PARCOURS EXPRESS Née le 12 juillet 1969, Anne-Sophie Pic a grandi dans l'univers du restaurant familial dont elle s'est éloignée en 1987 pour suivre ses études (prépa HEC, ISG Paris) et travailler dans le commerce de luxe. Elle est revenue chez elle en 1992 pour s'installer définitivement en cuisine fin 1998. Avec son mari David Sinapian en charge de la gestion, elle dirige aujourd'hui la Maison Pic, dont le restaurant est noté à 2 étoiles par le guide Michelin et à 4 étoiles par le Bottin Gourmand. Il le fut à 3 étoiles de 1935 à 1939 avec André Pic (au Pin, puis à Valence), avant que son fils Jacques ne les reprenne en 1973. |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2918 Magazine 31 mars 2005 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE