du 23 février 2006 |
CONJONCTURE |
ENTRETIEN AVEC PHILIPPE GAUGUIER, DIRECTEUR ASSOCIÉ BDO MG HÔTELS & TOURISME
"La hausse des chiffres d'affaires en 2005 résulte pour l'essentiel d'une amélioration de la fréquentation"
Le cabinet BDO MG Hôtels & Tourisme dévoilera officiellement - jeudi 2 mars - son analyse détaillée des performances 2005 du secteur hôtelier en France. Quelques commentaires en avant-première.
Propos recueillis par Claire Cosson
Philippe Gauguier : "Les récentes tendances de cessions d'actifs immobiliers à des fonds d'investissement ont une double origine : celle d'alléger le bilan et l'endettement." |
L'Hôtellerie
Restauration : Quel constat tirez-vous
de l'année qui vient de s'écouler ?
Philippe Gauguier :
Trois
qualificatifs optimistes me viennent à l'esprit pour commenter la manière
dont le secteur hôtelier a évolué en France l'an passé : croissance,
créativité et globalisation. S'agissant la croissance, l'observatoire
BDO/L'Hôtellerie Restauration
révèle clairement une reprise de l'activité, même si les performances
ne retrouvent certes pas encore le niveau de 2002. Question créativité,
le secteur n'a pas été en reste. Un important travail est de fait entrepris
par de nombreuses chaînes et indépendants tant au niveau des produits
que des concepts.
Au-delà des concepts,
c'est d'ailleurs de la créativité que l'on attend de la part du nouveau
directeur général d'Accor comme des repreneurs de Louvre Hôtels.
À ce titre, le rachat de Louvre Hôtels par Starwood Capital a été
symptomatique de la globalisation croissante de l'industrie hôtelière
qui touche désormais la France. On peut malgré tout s'interroger pour
savoir si cette globalisation plus prégnante suffira à confirmer et
accélérer la croissance tant attendue.
Nous estimons pour l'heure que la globalisation
doit faciliter la gestion et l'anticipation des phénomènes exogènes,
susceptibles d'impacter le secteur. En effet, si l'heure est à l'optimisme,
il ne faut pas oublier les incertitudes liées à la multiplication des
problèmes sanitaires (grippes aviaires, chikungunya, SRAS…), aux conflits
et aux risques économiques (pétrole, parité monétaire, etc.).
À noter cependant que ces phénomènes exogènes ont des impacts
de plus en plus circonscrits et limités dans le temps.
Quelles sont les grandes tendances qui se dégagent
en matière d'activité au terme de l'exercice 2005 ?
À partir de données collectées
auprès d'un échantillon représentatif de l'hôtellerie française,
nous avons globalement constaté une reprise en 2005 qui s'est traduite par
une progression des chiffres d'affaires. Cette dernière résulte pour l'essentiel
d'une amélioration de la fréquentation. Ce qui sous-entend que le prix
moyen n'a que rarement augmenté. En tout cas, jamais de façon significative
! Presque toutes les catégories ont vu leur RevPar (revenu par chambre disponible)
évoluer positivement en 2005.
L'analyse par catégories d'hôtels
indique que ce sont les établissements 2 étoiles qui ont le mieux tiré
leur épingle du jeu en 2005, toutes régions confondues. De là à
voir un rapport avec l'engouement sur l'acquisition de l'hôtellerie économique
en 2005 (rachat de B & B, reprise de Louvre Hôtels - dont le pôle
économique avec Première Classe, Campanile et Kyriad - par Starwood Capital…),
le raccourci est peut-être
osé. J'ajoute qu'au sein de BDO MG Hôtels & Tourisme, nous pensons
que les tendances doivent aujourd'hui non seulement s'analyser par catégorie,
mais aussi et surtout par région. Paris et PACA se distinguent en effet traditionnellement
assez nettement du reste de l'Hexagone. Ce phénomène s'étend maintenant
aux grandes métropoles régionales qui affichent des évolutions sensiblement
différenciées. On note ainsi que Toulouse et Marseille sont les agglomérations
leaders en 2005. En forte progression ces dernières années, ces agglomérations
ont acquis une véritable stature internationale. Un peu à l'image de
Lyon ou Nice, il y a déjà quelques années. Par contre, la montée
en puissance de villes comme Strasbourg ou Bordeaux apparaît comme moins rapide
notamment en matière hôtelière.
Quelles sont vos prévisions pour 2006 ?
Permettez-moi de ne pas répondre dans le
détail à cette question, car elle constitue une des informations majeures
qui sera présentée lors de notre conférence annuelle 'Les Tendances
de l'hôtellerie'. Néanmoins, il est évident que l'année 2006
va dépendre de ces maladies et autres guerres dont on nous parle au quotidien
ainsi que de l'économie et de la valeur de l'euro contre le dollar. La création
de nouvelles destinations, les ouvertures d'unités, la rénovation des
hôtels existants, la bonne application des schémas de développement
-sur lesquels nous travaillons beaucoup aussi - sont autant d'éléments
qui auront également une influence sur 2006.
Pour faire court, 2006 devrait confirmer
les résultats enregistrés en 2005 avec une croissance plus généralisée
dans l'Hexagone, mais sans à-coup brutal.
Parmi
les thèmes abordés lors de votre prochaine conférence figure celui
des loyers en hôtellerie. La tendance actuelle des opérateurs du secteur
vise de fait à se séparer de leur patrimoine hôtelier. Que pensez-vous
de cette politique ?
Nous considérons que l'hôtelier qui
est propriétaire à la fois de ses murs et de son fonds de commerce pratique
en fait 2 métiers. Celui d'investisseur immobilier ainsi que de gestionnaire
de patrimoine et celui de chef d'entreprise. Chacun des 2 métiers fait appel
à des techniques fondamentalement différentes. Autant il semble cohérent
que l'hôtelier maîtrise toutes les facettes du métier de services
(restauration, loisirs, gestion de salles de réunion…), autant il ne
semble pas nécessaire que le patrimoine soit possédé en pleine propriété.
La possession des murs ne devrait pas être, en effet, au coeur de la stratégie
d'un hôtelier. Pourquoi ? Parce que celle-ci va tendre à freiner son
développement, et ainsi influencer l'accompagnement marketing que l'indépendant
comme la chaîne pourrait mettre en oeuvre envers sa clientèle.
Les récentes tendances de cessions
d'actifs immobiliers à des fonds d'investissement ont une double origine
: celle d'alléger le bilan et l'endettement. Cette stratégie s'applique
depuis plusieurs années, mais s'accélère actuellement pour des groupes
intégrés comme InterContinental. D'un point de vue plus conjoncturel,
cette stratégie répond aussi aux nouvelles dispositions liées à
la présentation comptable des bilans (IFRS), qui changent les donnes des crédits-baux.
Rappelons qu'en France, le loyer est
la contrepartie d'un vrai droit de propriété (le fonds de commerce) et
que le locataire est globalement mieux défendu que le bailleur. Cela peut expliquer
que des hôteliers n'hésitent pas à se séparer de la partie
immobilière de leur hôtel. Viendra ensuite le moment de se poser la question
de la répartition des risques entre opérateurs et investisseurs et des
niveaux de rémunération attendus par l'investisseur immobilier.
En fonction de la qualité de la
'signature', et donc de la notoriété de l'exploitant (chaîne), le
bail classique 3/6/9 peut évoluer, soit vers des durées plus longues,
soit vers une forme de variabilité. L'investisseur s'interrogera aussi vis-à-vis
de la fongibilité du bien, et pourrait alors s'orienter vers un contrat de
gestion à la place d'un bail, dont les termes peuvent être plus contraignants.
Nous parlions de créativité
au début de notre entretien, et celle-ci est continuellement sollicitée
dans l'élaboration des montages juridiques ou financiers. En la matière,
les experts de BDO ne font pas exception à la règle. En attendant, je
crois que l'hôtellerie demeure et demeurera pour longtemps encore un secteur
où les ressources sont immenses. Reste à savoir les canaliser.
zzz36v
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L'Hôtellerie Restauration n° 2965 Hebdo 23 février 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE