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du 16 mars 2006
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LES RENDEZ-VOUS DU SENS

Libres propos entre André Daguin et le Dr Frédéric Saldmann

Le président confédéral de l'Umih, André Daguin, n'aime pas les interdits. À table, ils peuvent conduire à tout et n'importe quoi. Le docteur Frédéric Saldmann partage cette opinion en insistant sur la nécessité d'être davantage à l'écoute des gens et de leurs attentes.
Propos recueillis par Sylvie Soubes


André Daguin, président confédéral de l'Umih, aux côtés de Frédéric Saldmann, cardiologue et nutritionniste.

André Daguin : Ce qui m'ennuie aujourd'hui, c'est qu'on a tendance à vouloir tout interdire. On va fabriquer des générations de gens totalement assistés. Si on veut fabriquer des gens de qualité, il faut laisser un espace de liberté. Ce qu'il faut, c'est prévenir. En matière d'alimentation, c'est pareil.

Frédéric aldmann : Le vin rouge, dans la prévention des maladies cardiovasculaires, ça marche vraiment bien. Comme de manger deux ou trois fois par semaine des omégas 3, c'est-à-dire des poissons gras. Les Esquimaux comme les Japonais ne font quasiment jamais d'infarctus du myocarde, tout simplement parce qu'ils mangent régulièrement des poissons crus gras.

A. D. : C'est quoi le bon équilibre ?

F. S. : Il y a un vrai travail à faire, une vraie réflexion à avoir sans tomber dans le régime. Aujourd'hui, on a fait des tests. Un consommateur sur deux prend son café sans sucre. Les gens ne veulent plus autant de sucre, et ils envoient un signal en disant, faites attention, on ne veut pas se détruire. Un véritable moteur s'est mis en route. J'ai fait une conférence sur ce que j'ai appelé les 'nouveaux standards'. Il y a 20 ans, le lait était entier. Aujourd'hui, 98 % des produits laitiers sont demi-écrémés ou écrémés. Coca-cola, à 50 % il est light. Les chewing-gums Hollywood, à 100 % sont light. Le porc en 20 ans a perdu 25 % de graisse par la sélection de son alimentation. Les gens attendent des produits adaptés à leurs besoins.

A. D. : Ce sont les mêmes qui ne prennent plus de digestif ou d'apéritif. Mais, je suis certain qu'ils veulent autre chose. Et, en restauration, ce n'est pas un problème de prix. Ce qu'il faut, c'est leur proposer quelque chose d'autre. On est confronté à une spirale descendante. Le consommateur qui n'est pas content d'une prestation va dans un autre restaurant. Et s'il ne trouve pas toujours ce qu'il attend, il n'ira plus au restaurant.

F. S. : Si on n'écoute pas le message, c'est ce qui va se passer. Si on les oblige à boire du café sucré, ça n'ira pas. Il faut trouver quelque chose qui ne soit pas diététique, tout en ne faisant pas de désastre. Il faut 7 km de jogging pour perdre l'équivalent d'un croissant. Un enfant de 7 ans actuellement a consommé autant de sucre que son grand-père durant toute sa vie. Pourquoi toujours ne pas mettre un jus de citron sur des framboises fraîches…

A. D. : Les restaurateurs doivent réfléchir. Il existe plein d'astuces. Moi, sur les framboises, je suggère un tour de poivre du moulin, plus régime qu'une couche de crème et de sucre.

F. S. : En fait, il ne faut pas mettre quelqu'un au régime, mais lui apprendre à manger autrement. S'il n'y a pas de plaisir, ça n'ira pas.

C'est le cas avec la sexualité. Si vous n'êtes pas satisfait, vous cherchez tout le temps ailleurs. Quand on est bien, on ne cherche pas ailleurs. Quand on est bien dans son 'manger' on ne va pas grignoter toute la journée.

A. D. : Les goûts et les couleurs…

F. S. : Le gigot fort, les gibiers faisandés, les gens n'aiment plus ça. Les fromages qui puent n'existent plus. On a des fromages neutres. Les endives amères, c'est fini. Il y a un déplacement des goûts, du fort vers le doux.

A. D. : S'il fallait boire des vins d'il y a 30 ans, on ne pourrait plus. Je me souviens de mon grand-père. Quand il faisait chaud, il buvait un petit vin blanc de chez nous, et il disait que c'était aigrelet. Il mettait un peu d'eau dedans et ça passait. C'est terminé tout ça.

F. S. : On a tendance à moins mâcher également. Une enquête montre d'ailleurs que la taille de la mâchoire a diminué depuis plus d'un siècle. Regardez le nombre de bavarois, de charlottes et autres fondants. On mastique moins. La texture d'un animal d'élevage est plus douce que celle d'un animal élevé en liberté.

A. D. : Quand on parle régime, j'ai des doutes. Il y avait chez nous un guérisseur, qui s'appelait Mességué, et il avait toujours plein de trucs dans les tiroirs. Une fois, il m'a dit, si tu veux maigrir, tu manges 6 pommes par jour pendant 6 jours. J'ai essayé. J'ai mangé 1 pomme au petit-déjeuner, 2 à midi, 1 à quatre heures et 2 à la place du dîner. Je m'étais fermé l'estomac. Alors pendant 8 à 10 jours, j'ai mangé beaucoup moins. J'ai perdu 5 kilos. Mais après, j'ai recommencé. J'ai aussi l'impression que plus on pense à maigrir, moins on réussit à maigrir…

F.S. : Un régime, dès que c'est fini, c'est comme si on sortait de prison. On a envie de tout.

A. D. : On a quand même l'impression que tout ou presque est mauvais pour la santé.

F. S. : J'entends souvent, attention, le sel est dangereux pour la santé. Or, il n'y a qu'une petite fraction de gens génétiquement sensibles au sel. L'erreur qu'on fait, c'est de mettre la totalité de la population au régime. C'est comme pour l'allergie, c'est pas parce qu'on a quelqu'un qui est allergique aux fraises qu'il faut interdire la consommation de fraises à la terre entière. Il faut du bon sens. Au nom de quelques-uns, on casse les pieds à tout le monde. L'erreur qui est faite, c'est de tout mélanger. Et puis, quand on parle de ce qu'il faut manger et boire, entre un bûcheron et une secrétaire, il n'y a pas les mêmes besoins. Le poids, c'est quoi ? Ce sont les entrées et les sorties. On devrait tous les jours faire de la marche à pied ou du vélo. C'est vital. Trop de gens font des régimes, mais ne se dépensent pas. Je préfère quelqu'un qui mange plus mais qui a une activité physique.

A. D. : Choisir l'escalier plutôt que l'ascenseur… En France aussi, le principe de précaution poussé à l'extrême est politique et non pas de santé publique. Le politique a tellement peur, qu'il tombe dans l'extrême…

F. S. : On le voit dans le réflexe des Français en matière d'eau minérale embouteillée, ceux qui veulent bien payer plus cher s'ils ont en face d'eux un produit de qualité, qui répond à leurs attentes. Dans l'assiette, il faut appliquer la même démarche et répondre à leurs attentes par des recettes et des produits qui correspondent à ce qu'ils veulent. zzz44s zzz74v

Sens par la Compagnie des Comptoirs Paris
23 rue de Ponthieu
75008 Paris
Tél. : 01 42 25 95 00

Repères

Le docteur Frédéric Saldmann est spécialiste de diététique et d'hygiène alimentaire. Cardiologue et nutritionniste, il est attaché des Hôpitaux de Paris et maître de conférences à l'université de New York.
Il est l'auteur de nombreux ouvrages, dont Les nouveaux risques alimentaires et omégas 3, aux Éditions Ramsay.

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L'Hôtellerie Restauration n° 2968 Hebdo 16 mars 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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