du 30 mars 2006 |
HÉBERGEMENT |
RENCONTRE AVEC HENRI GISCARD D'ESTAING, PRÉSIDENT DU CLUB MED
LE CLUB MED MISE SUR UN CONCEPT 'TOUT COMPRIS' À LA CARTE ET HAUT DE GAMME
L'inventeur du club de vacances, le Club Med, est en pleine mutation. Une mutation qui se concentre sur 2 axes majeurs : une montée en gamme des Villages et une innovation dans la conception de son offre. Après 4 années de perte, la stratégie porte ses fruits. Explications détaillées.
Propos recueillis par Claire Cosson
"97 % des villages seront positionnés haut de gamme d'ici 3 ans." |
L'Hôtellerie
Restauration : Malgré une
année difficile pour le tourisme en raison notamment des multiples catastrophes
naturelles, le Club Med affiche des bénéfices au terme de l'exercice 2004-2005.
Que pensez-vous de ces performances ?
Henri Giscard d'Estaing
: Compte tenu du contexte
très défavorable au tourisme (cyclones, tsunami…) dans lequel nous
avons évolué, je considère ces performances plutôt satisfaisantes.
Notre chiffre d'affaires est certes stable entre 2004 et 2005 s'élevant à
1,59 milliard d'euros, mais il a progressé en réalité de 2,7 % si
l'on déduit l'impact négatif de 49 ME liés aux effets des catastrophes
naturelles en Asie et en Amérique. Rappelons d'ailleurs que 5 de nos villages
les plus profitables ont été provisoirement fermés dans ces zones.
Notre résultat d'exploitation s'est sensiblement amélioré (+ 28 %)
à 22 ME, preuve du bien-fondé du changement en profondeur de notre modèle
économique. Enfin, les opérations immobilières réalisées
sur le dernier exercice (40 ME), ont contribué à revenir à un
résultat net positif, pour la première fois depuis 2000, à 4 ME.
Je vois là les signes
d'un retour de la croissance et de la rentabilité. D'ailleurs, cette tendance
haussière se poursuit puisqu'au terme du 1er trimestre 2006, nos
recettes augmentent de 9,1 % à 347 ME contre 319 ME au 1er janvier
2005. Quant au niveau de réservations pour l'activité Villages de l'hiver
2006, il a grimpé lui aussi de 9 % par rapport à la même date
de l'année précédente. Tous ces éléments confirment la
pertinence de notre stratégie de positionnement haut de gamme, convivial et
multiculturel.
Vous avez choisi de miser sur une montée en
gamme de vos Villages (93 en opération durant l'exercice 2005). Ce n'est
évidemment pas une décision qui a été prise au hasard ?
Non, bien sûr. Tout est parti en fait de
l'observation du marché et de l'évolution des comportements de nos clients
à travers toute une série d'études que nous avons réalisés
depuis 2 ans. Entre 1997 et 2001, le Club Med avait adopté une politique de
volume. Le rachat de l'enseigne Aquarius (Villages d'entrée de gamme) incitait
à opter pour une telle stratégie. Tout comme la formidable hausse des
dépenses des Français pour leurs vacances que l'on avait constatée
à l'époque : + 14 % hors inflation. Au fil des ans, toutes nos spécificités
ont malheureusement été imitées, copiées, galvaudées…
Le tout générant une désaffection d'une certaine clientèle et
une forte déperdition d'image. Avec les événements de septembre 2001,
ce mouvement s'est accéléré. D'autant plus fortement que la croissance
du marché touristique s'est ralentie. Reste que derrière cette tendance
de fond, nous avons observé un phénomène de bipolarisation du marché.
À savoir que les clients à hauts revenus attendaient davantage de
services et de qualité.
Mieux. Ces derniers n'hésitaient pas à dépenser plus pour obtenir
satisfaction.
Résultat : nous avons travaillé sur
notre modèle économique. Rapidement, nous nous sommes rendus compte que
nous ne gagnions plus d'argent sur les Villages bas de gamme. Avec la hausse des
coûts salariaux, celle des matières premières, flux…, il n'y
avait plus de marge ! Côté clientèle, elle était loin d'être
heureuse. Quant à nos GO, leur fierté d'appartenance à l'entreprise
s'émoussait sérieusement. Ajoutons à cela que notre offre perdait
son caractère 'd'exception'. Forts de tous ces éléments, nous avons
réagi en nous orientant vers un repositionnement haut de gamme, sans pour autant
renier l'esprit Club Med.
Un repositionnement qui fonctionne
bien selon les premiers résultats enregistrés. À titre d'exemple,
le taux de clients satisfaits a augmenté en moyenne de 57 % par rapport à
2004, en particulier dans les Villages 4 Tridents. Autre fait parlant, sur notre
premier marché, la France, nous avons gagné 4 000 clients et accru
de 5 % le chiffre d'affaires à la journée hôtelière en 2005.
Une première depuis 8 saisons.
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Aujourd'hui, où en êtes-vous réellement
de votre mutation ?
À ce jour, l'essentiel de la restructuration
du parc est accompli. Nous avons ainsi rénové 70 Villages, 20 autres ont
été ouverts (Peisey-Vallandry…) et 20 sont montés en gamme
(Val-d'Isère, Chamonix, Agadir, Les Boucaniers…). Parallèlement,
nous avons fermé ou vendu une cinquantaine de sites que nous ne considérions
plus comme des sites stratégiques. Dans les 3 années qui viennent, 97
% des Villages seront positionnés en haut de gamme. La répartition que
nous visons est la suivante : 50 % en 4 Tridents, les 50 % restants en 3 Tridents.
En 2008, les cases auront totalement disparu de notre offre tandis que nous compterons
3 % du parc en 2 Tridents.
Cette mutation nécessite bien
entendu de lourds investissements. En 5 ans, nous avons mobilisé un montant
de l'ordre de 1 milliard d'euros à cet effet. Jusqu'en 2008, on peut évaluer
nos besoins à 300 ME. Ces investissements seront financés en fonds propres
et avec nos partenaires.
Prenons
l'exemple de la rénovation d'Opio et de La Plagne 2 100. Elle sera cofinancée
par Gecina, première société foncière française. La construction
du Village d'Albion à Maurice sera pour sa part réalisée avec un
consortium réunissant la Banque Européenne d'Investissement, l'Agence
Française de Développement, Orascom Hotel Holdings et un organisme bancaire
mauricien la State Bank of Mauritius.
Le club propose désormais 5 catégories de chambres et 3 niveaux de confort. |
Comment se traduit concrètement la montée
en gamme du Club Med ?
La montée en gamme de nos Villages se traduit
bien sûr par une nouvelle décoration plus raffinée, offrant davantage
de confort et de convivialité. Menée en profondeur, cette cure de jouvence
est conduite - selon les sites - par des architectes aussi célèbres que
Jacques Garcia (à Chamonix), Jacques Champsaur (à Val d'Isère)
ou encore Marc Hertrich (à Agadir). Le tout dans le respect des traditions
locales. De quoi obtenir désormais un très haut niveau de prestation hôtelière
capable de rivaliser avec les grandes enseignes du secteur. Mais notre repositionnement
ne se limite pas à ce que l'on appelle dans le jargon de notre métier
le 'hard'. Fidèle à son esprit pionnier, le Club Med réinvente
en réalité la formule du 'tout compris' dans
sa
globalité en proposant du sur mesure à ses clients. Cela signifie que
nous réintégrons la notion d'individualité dans notre concept de
vacances à travers l'idée de choix.
Concrètement, ce nouveau concept 'tout compris'
permet à chacun de choisir son niveau de confort de chambre. Nous proposons
ainsi 5 catégories de chambre, et 3 niveaux de confort. Il y a la traditionnelle
chambre Club (13 m2 et salle de bains séparée), la chambre
Club avec vue, la chambre Deluxe (au moins 30 m2 avec minibar et télévision
à écran plat), la chambre Deluxe avec vue, et pour finir la Suite (plus
40 m2, lits grande taille, salle d'eau plus spacieuse, salon, écran
plat, minibar…). Les prix ont été bien entendu modulés en fonction
de ces catégories. Cette revalorisation par la qualité et l'espace constitue
pour nous un potentiel de création de valeur. En Europe, à taux de majoration
et volume de vente constant, un point d'occupation en logements majorés peut
générer 1 ME de chiffre d'affaires additionnel.
Outre l'hébergement, que comprend votre nouveau
'tout compris' ?
À côté du confort à la
carte, nous avons mis au point une offre plus généreuse en matière
de restauration et de choix d'activités. Grâce à la formule 'Bar
& Snacking inclus' - qui équivaut à 10 E/jour et sera généralisée
à tous les Villages dès l'été 2006 - les vacanciers peuvent
ainsi assouvir leurs petites faims tout au long de la journée au bar. Cela
procure un véritable sentiment de liberté et de convivialité auprès
des clients. Qui plus est, il se développe de l'animation autour du bar. Sans
oublier un autre avantage conséquent : une meilleure gestion des flux. Autre
nouveauté en restauration : la création du label 'Table coup de coeur'
qui récompense les meilleures tables du Club Med. À noter que dans le
même temps, nous avons abandonné les fameux 'colliers' au profit du Club
Med Pass, à la fois clé de la chambre et carte de paiement.
S'agissant des activités, nous
les avons portées au nombre de 60, avec la généralisation des Académies
pour le golf et le tennis. Nous développons par ailleurs des activités
culturelles, issues des traditions locales : atelier de chant ou cours de cuisine
à Marrakech, cours de danse latino… Nos sites sont par ailleurs systématiquement
dotés de spas que nous réalisons avec nos partenaires tels Nuxe et Spa
des Cinq Mondes.
Parmi nos innovations majeures, je
dois encore citer le Club Med Baby Welcome et celle du Password Club Med Teen Access.
La première a pour objectif d'aider les jeunes parents à voyager sans
contrainte. Incluse dans notre forfait, cette option met à leur disposition
tout le nécessaire pour le confort et le bien-être de bébé
(petit lit, matelas, chaise haute, biberons…). La seconde s'adresse aux ados.
Huit de nos Villages bénéficient d'un lieu spécifiquement dédié
à ces derniers où ils peuvent écouter de la musique, pratiquer
des ateliers vidéo, suivre des cours de danse africaine… Autant d'éléments différenciant
qui font du Club Med un produit vraiment à part.
"Nous n'avons clairement aucun avantage à être aujourd'hui propriétaire des murs de nos villages. Cela ne signifie pas pour autant qu'il n'y a pas certains cas où cela peut être intéressant." |
Vous avez effectué un programme de cessions
d'actifs important au cours des derniers mois. Estimez-vous que le Club Med
n'a plus vocation à détenir les murs de ses
exploitations ?
Nous n'avons clairement aucun avantage à
être aujourd'hui propriétaires des murs de nos villages. Cela ne signifie
pas pour autant qu'il n'y a pas certains cas où cela peut être intéressant.
Actuellement, nous avons la chance d'évoluer
dans un marché qui valorise les actifs immobiliers. Or, il est clair que nous
possédons des sites magnifiques pouvant séduire certains investisseurs.
Ainsi, avons-nous d'ailleurs cédé les murs du Village de Peisey-Vallandry
avec une plus-value de 5 ME avant même l'ouverture.
Autrement dit, nos villages détenus en pleine
propriété -dont l'évaluation est estimée à près
de 1 milliard d'euros - constituent un réservoir financier de ressources conséquentes
pour l'avenir du Club Med. D'autant plus grand que l'attractivité de notre
marque se renforce.
Gilles Pélisson a récemment déclaré
qu'une OPA de Accor sur le Club Med n'était pas à l'ordre du jour.
Cette annonce change-t-elle le plan de synergie développé avec
le leader de l'hôtellerie européenne ?
Nous avons convenu de poursuivre notre programme
initial présenté le 14 décembre 2004. La dynamique des synergies
est en marche entre Accor et le Club Med. Du reste, nos équipes se sont fortement
rapprochées et travaillent maintenant quotidiennement ensemble.
Sur le terrain, nous avons ainsi fusionné
notre call center en Australie avec celui d'Accor. À Buenos Aires, c'est
notre centre d'appels qui devrait héberger celui du groupe Accor. Les échanges
de savoir-faire se multiplient également : l'essentiel de nos pâtissiers
a été formé par Lenôtre ; un nouvel espace fitness chez Sofitel
et Novotel a été conçu avec le concours du Club Med Gym…
À noter enfin la mise en place réciproque des marques avec des liens
entre les sites internet des 2 groupes, la programmation des hôtels Accor
dans les brochures Jet Tours. Enfin, nous avons bénéficié de la force
de frappe de Accor en termes d'optimisation des achats. Au total, 11 ME de synergies
ont été réalisées dont 5 ME pour le Club Med et 6 ME pour Accor.
Ce rythme va s'accélérer. Notre objectif commun est de plus que doubler
le montant des synergies en 2006.
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Renforcement
des métiers de contact et de services
À
la recherche d'un nouveau look, le Club Med révise également son mode
de management et ses organisations internes. Dix villages ont inauguré l'an
passé une nouvelle manière de travailler où le client est au
coeur
des priorités de chacun des collaborateurs. Dans cette démarche, le chef
de Village s'est vu entourer de nouvelles 'compétences' qui sont : un responsable
hôtelier, un responsable loisirs, un responsable des stocks et un contrôleur
de gestion. Chacun est évidemment garant de la qualité de prestation de
son domaine d'activité. À noter que préalablement, les organisations
avaient accueilli des responsables des ressources humaines ainsi que des gestionnaires
financiers et de maintenance.
Nombre de clients (en milliers)
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Taux d'occupation (évalué en nombre de lits)
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Mode d'exploitation
des villages
(en nombre de villages exploités : 93)
Zones géographiques | Propriété | Location de gestion | Mandat | Total |
Europe | 20 | 41 | 5 | 66 |
Amérique | 12 | 4 | / | 16 |
Asie | 5 | 4 | 2 | 11 |
Total | 37 | 49 | 7 | 93 |
39,8 % | 52,7 % | 7,5 % | 100 % |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2970 Hebdo 30 mars 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE