du 6 avril 2006 |
ÉDITO |
Le mépris
Au
début du XXe siècle, Anatole France écrivit un jour :
"Je pardonne à la République de gouverner mal car elle gouverne
peu." Cent ans plus tard, la République, vous l'avez remarqué,
gouverne de plus en plus mal, mais elle gouverne beaucoup, se mêlant de tout
et de rien, surtout de ce dont elle ferait mieux de ne pas s'occuper.
Ainsi, dans la pitoyable affaire de ce maudit CPE qui illustre les maux les plus profonds dont souffre notre société, au-delà
des maladresses bureaucratiques auxquelles nous avons fini par nous habituer, c'est le mépris affiché à
l'égard des uns et des autres qui aura servi de déclencheur à
l'une de ces crises comme le pays les adore. Mépris vécu par les intéressés
à qui on n'a pas, en haut lieu, pris la peine d'expliquer de quoi il
s'agissait vraiment, laissant ainsi la place aux experts en démagogie qui ont
trouvé là un terrain d'expérimentation inespéré.
Et aussi, ce fut moins abordé par des médias obsédés par l'image et fascinés par les hérauts de la contestation, mépris à l'égard des entreprises et des entrepreneurs pourtant concernés au premier chef par toute mesure concernant le droit du travail. On relèvera d'ailleurs le paradoxe de manifestants, protestataires et autres encagoulés, qui défilent contre une disposition qui ne les concerne pas vraiment, les étudiants et futurs fonctionnaires (le rêve pour 75 % des jeunes selon les sondages) n'étant pas concernés au premier chef par les difficultés d'emploi que rencontrent bien d'autres.
Ce mépris, les employeurs le ressentent doublement : dans la plupart des discours des politiques, ils sont perçus comme d'authentiques exploiteurs assoiffés du sang du peuple, et dans les faits, tenus pour des quantités négligeables soumis aux injonctions d'un ministre des Finances qui a oublié ses anciennes fonctions, quand ce n'est pas aux effets de scène d'un président fâché avec la langue de Shakespeare comme il sied aujourd'hui à tout défenseur d'une illusoire francophonie.
Mais le comble est atteint cette semaine avec la lettre - ou
plutôt les 5 lignes - adressée aux présidents des fédérations
professionnelles par MM. Borloo et Larcher, respectivement ministre de l'Emploi
et de la Cohésion sociale pour l'un, et ministre délégué à
l'Emploi et au Travail pour l'autre, pour expliquer que signer un contrat 'première
embauche' met en cause la sécurité juridique des contrats de travail !
En d'autres termes, si vous appliquez un texte validé par le Conseil constitutionnel
et promulgué par le président de la République, vos ministres de
tutelle ne manqueront pas de vous rappeler à l'ordre. On croit rêver
: les députés, dont on semble soudainement se souvenir qu'ils peuvent
être utiles, feront-ils preuve de bon sens et de respect dont nous manquons
singulièrement ces temps-ci ?
L.
H. zzz80
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L'Hôtellerie Restauration n° 2971 Hebdo 6 avril 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE