du 27 avril 2006 |
VIE PROFESSIONNELLE |
LE PRÉSIDENT DU SYNHORCAT MONT AU CRÉNEAU
"Nous ne voulons pas que le tabac soit l'amiante de la restauration", affirme Didier Chenet
Alors que le gouvernement ne s'est toujours pas prononcé sur l'interdiction totale de fumer dans les lieux accueillant du public, le président du Synhorcat, Didier Chenet, se dit inquiet par cette "reculade". Il revient aussi sur les travaux de l'Hotrec, dont l'assemblée générale a eu lieu la semaine dernière en Finlande.
Propos recueillis par Sylvie Soubes
L'Hôtellerie
Restauration : Vous n'êtes
pas satisfait de l'évolution du dossier tabac. Pourquoi ?
Didier Chenet :
Beaucoup de choses ont été dites, un peu dans tous les sens. Il y a eu
ce qu'on pensait être la proposition du gouvernement, avec la création
de fumoirs ou de lieux dédiés dans les restaurants et les hôtels,
intégrant un moratoire de deux ans pour les cafés, les bars-tabac et les
discothèques. Un laps de temps qui aurait permis à la profession de
se concerter, notamment sur la spécificité commerciale française
que représentent chez nous les bars-tabac. Aujourd'hui, la reculade du gouvernement
est pire que tout. J'estime que c'est vraiment une très mauvaise chose pour
la profession. D'abord au niveau de l'image. On donne l'impression que notre secteur
ne se soucie aucunement de la santé de ses salariés. Or, c'est faux. On
l'a dit et répété lors de notre dernier congrès, nous ne voulons
pas que le tabac soit l'amiante de la restauration.
Vous craignez donc le pire ?
Si les choses restent en l'état,
ça va se retourner contre nous. On sait parfaitement qu'à Bruxelles
ça va tomber. Ne rien faire, c'est reculer pour mieux sauter. Et à
mettre tout le monde dans le même sac, tout le monde va y perdre. Je pense
aux buralistes qui doivent bénéficier de mesures spécifiques. L'État
ne doit pas s'exonérer comme ça, c'est lui qui a mis en place ce canal
de distribution. Et puis, si l'on ne protège pas nos salariés, les jugements
vont être catégoriques.
Vous savez, je n'ai pas le droit de dire à mes adhérents de se mettre
la tête dans le sable.
Vous avez participé à la dernière assemblée
générale de l'Hotrec. Quelles sont les préoccupations européennes
du secteur ?
Je voudrais d'abord rappeler ce qu'est l'Hotrec.
C'est une association qui regroupe l'ensemble des syndicats CHR de l'Union européenne.
Elle recueille notamment tout ce qui se fait dans chaque pays et cela permet au
secteur d'être en 'amont' de tout ce qui est législatif à Bruxelles.
Nous faisons deux assemblées générales par an. Actuellement, nous
travaillons sur le dossier des normes Iso. L'ensemble des membres de l'Hotrec est
opposé à l'obligation de ces normes. Cessons de mettre des certifications
partout et n'importe comment. Parce que c'est ce qui se passe. Je sais que la France
avait émis un avis favorable, mais s'est rendue compte que ce n'était
pas viable. Un manifeste va être mis en place à l'Hotrec pour dire
non à cette surenchère dans le secteur CHR.
La préconisation d'une classification générale
des hôtels est-elle toujours d'actualité ?
Malheureusement. On ne peut pas vouloir mettre
sous la même toise tous les hôtels. L'idée a pourtant germé
dans la tête des technocrates. On est en pleine utopie. Et si ça se
faisait, ce ne serait bon ni pour les pays émergents ni pour les pays développés.
L'Hotrec fait tout pour que ça n'arrive pas. On se penche aussi sur les paiements
par carte bancaire. Savez-vous que l'hôtellerie et la restauration représentent
le 2e plus gros chiffre d'affaires par carte bancaire en Europe ? Et
on bénéficie des moins bons taux. Ce qui n'est pas logique du tout. Il
y a aussi la sécurité incendie, les normes de traçabilité.
L'Hotrec est une force de lobbying essentielle pour notre secteur.
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INTERDICTION COMPLÈTE DE FUMER DANS LES CHR
Extraits du texte adressé au gouvernement par le Synhorcat
Si "les CHR sont des lieux de
travail pour les salariés, ils sont aussi des lieux accueillant du public ayant
l'habitude de fumer. […] Une interdiction totale de fumer aurait l'avantage
d'être claire pour tous : employeurs, salariés et clients. Elle serait
applicable à une date donnée. Elle permettrait aux professionnels du
secteur d'être en position 'd'égalité' au regard de la concurrence,
car aujourd'hui, certains peinent ou d'autres ne peuvent pas appliquer la loi Evin
en raison de l'exiguïté des lieux, ou de leur configuration, ainsi que
du coût des extracteurs de fumée.
Elle permettrait aux CHR d'éviter toute mise en cause de
leur responsabilité tant au regard des clients, que des salariés au titre
de la mise en danger de leur santé. […] La clientèle n'est pas encore
prête pour une interdiction totale dans notre secteur, il faut la préparer,
l'amener à perdre ses mauvaises habitudes, lesquelles sont parfois encore
plus ancrées dans notre secteur que par ailleurs : une tasse de café sans
cigarette, c'est pour certains impossible. […] D'autre part, les exploitants
craignent une perte de chiffre d'affaires. Le Synhorcat a mené, conjointement
avec la mairie de Paris, une action basée sur le volontariat, dans le cadre
du label 'Ici, c'est 100 % sans tabac'. L'analyse de cette campagne permet de constater
: qu'il est plus facile pour un créateur de restaurant d'afficher son établissement
dès le début de son activité 'non-fumeur' que pour un restaurateur
en exploitation de transformer son établissement en espace totalement non fumeur
: dans le 1er cas, le créateur prend pour cible de clientèle
les non-fumeurs, les fumeurs étant a priori exclus d'un lieu qu'ils ne fréquenteront
pas… alors que dans le second cas, l'exploitant
se
voit inviter par les fumeurs à composer pour leur permettre de continuer
à fréquenter le lieu, cela pouvant se conclure en altercation, en raison
d'une interdiction/exclusion mal perçue. Dans tous les cas, l'interdiction
de fumer dans les CHR est perçue comme étant de nature à entraîner
une perte de chiffre d'affaires importante.
Modalités de mise en oeuvre de l'interdiction :
L'interdiction de fumer, à la différence des endroits
fumeurs et non-fumeurs organisés par la loi Evin, serait d'application pleine
et entière dans les CHR. Cela posera inévitablement des problèmes
chez certains professionnels de la branche, et notamment les bars-tabac, qui vendent
du tabac et pour lesquels une interdiction de consommer les produits vendus n'est
pas facile à accepter. Les cafés et bars à ambiance (ou encore
les discothèques) où alcools et cigarettes sont 'accrochés' aux lieux.
[…]
Le Synhorcat suggère la mise en place de 'fumoirs', endroits
entièrement clos uniquement réservés aux fumeurs, comme cela se pratique
en Italie, où les salariés n'auraient pas à intervenir. Une campagne
d'information préalable sur les méfaits du tabac de nature à sensibiliser
l'opinion publique paraît indispensable. Celle-ci devrait être particulièrement
axée sur les particularités de la branche ainsi que sur le tabagisme passif.
Le Synhorcat considère que l'interdiction totale de fumer ne devrait pas être
mise en place immédiatement, et plus précisément, pas avant 2007
: le temps que la clientèle et les salariés 'se fassent' à cette
interdiction."
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L'Hôtellerie Restauration n° 2974 Hebdo 27 avril 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE