du 8 juin 2006 |
ÉDITO |
Faites du sport
Pour un peu, on envierait les journalistes et éditeurs spécialisés dans le sport. À peine terminés les divers championnats de France qui tiennent tout un peuple en haleine pendant l'année, nous voici en ce printemps béni où les événements se suivent sans discontinuité. À croire que la France entière est composée de clones de Laure Manaudou, Amélie Mauresmo et autres Fabien Barthez ou Raymond Domenech. Un esprit chagrin pourrait voir dans cette prédominance du muscle sur l'intellect quelques signes de déséquilibre social fâcheux, il n'en est rien.
Et puis, le sport, c'est comme Sciences Po, ça mène
à tout, ou presque. Regardez Guy Drut : d'accord, vous ne vous souvenez
peut-être pas exactement de ses exploits sur la cendrée, mais lui a su
faire valoir que sa vélocité pédestre représentait un tel service
'éminent' à la nation qu'il est ainsi éligible à cette amnistie
que le petit peuple ne peut espérer de la part des puissants.
L'argument n'a certes pas convaincu tout le monde, loin s'en faut,
sauf le principal intéressé, qui a jugé le plaidoyer de l'ancien
champion olympique suffisamment convaincant pour le dispenser d'une peine infligée
à la suite d'une sombre histoire d'emploi fictif, dont il n'est certes pas
le premier ni le seul prébendier.
L'affaire prêterait à sourire, mais l'automobiliste à qui l'on ne pardonne le moindre stationnement illicite, le contribuable impitoyablement 'redressé' par le fisc à la moindre erreur, le commerçant sanctionné pour une irrégularité de comptabilité ou l'agriculteur poursuivi pour avoir contrevenu à un texte obscur sur la protection des végétaux, ne peuvent s'empêcher de songer que rien n'a changé depuis La Fontaine.
Vous l'avez compris, la France qui travaille en essayant de
gagner sa vie en a plus qu'assez de ces arrangements insupportables, surtout quand
les bénéficiaires ne relèvent pas exactement de ce qu'on appelle
un cas social. Notre ancien champion s'était fait rétribuer sur l'argent
des contribuables à hauteur de près d'un million de francs pour une
année durant laquelle il n'a strictement rien fait en contrepartie. Lors du
procès, le procureur avait eu des mots très durs envers le prévenu
qui avait réglé, la même année, plus de 1,2 million de francs
d'impôt sur la fortune. Les matheux en déduiront aisément, avec
un taux maximal d'imposition de 1,80 %, que l'intéressé n'était pas
vraiment dans le besoin.
De là à songer que le sport est une garantie pour une impunité dont vous ne
bénéficierez jamais…
L.
H. zzz80
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L'Hôtellerie Restauration n° 2980 Hebdo 8 juin 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE