du 8 juin 2006 |
L'ÉVÉNEMENT |
PLUSIEURS MILLIERS DE BISTROTS DISPARAISSENT CHAQUE ANNÉE
LE COLLECTIF 'SAUVONS LES CAFÉS FRANÇAIS' VEUT ALERTER L'OPINION PUBLIQUE
Les bistrots français vont mal, au point qu'un collectif vient de se créer pour les 'sauver'. En lançant une pétition auprès des consommateurs, il plaide pour une revalorisation des fonds de commerce mais aussi le retour des machines à sous au coin du zinc…
De gauche à droite, les comédiens Husky Kihal et Alain Zef, Hervé Lambel, président du Cerf Île-de-France (Créateurs d'emplois et de richesses de France), Jean Dorman, vice-président de la Confédération des professionnels en jeux automatiques, et Hervé Dijols, vice-président du Syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers, traiteurs (Synhorcat) lors de la présentation du CSCF. |
On estime qu'il reste aujourd'hui en France entre 45 000 et 50 000 bistrots. Une filière en difficulté, symbole pourtant 'd'un art de vivre' portant en soi des valeurs de convivialité, de mixité sociale et de rencontre entre générations, rappelle le tout récent Collectif Sauvons les Cafés Français (CSCF), qui regroupe des représentants des commerçants de France, des professionnels en jeux automatiques et des membres de syndicats patronaux CHR. Chaque année, plusieurs milliers d'établissements ferment leurs portes devant une baisse de fréquentation récurrente, due principalement aux évolutions de consommation et à l'incapacité d'une partie des établissements à s'adapter, que ce soit en termes d'offre ou d'investissement. Les résultats de l'étude 'Usages et Attitudes sur les circuits de consommation hors domicile', réalisée par TNS Sofres pour France Boissons parue le mois dernier, confirment la tendance. "Moins d'un Français sur deux fréquente les cafés. De 81 % de Français qui déclaraient les fréquenter en semaine ou en week-end en 1997, ils ne sont plus que 41 % en 2006". Cette "désertion", selon l'étude, s'explique par un niveau de satisfaction des consommateurs moindre, ayant pour "conséquence une proportion croissante d'occasionnels sur le circuit". Même si les cafés sont reconnus moins chers que les restaurants et les grandes brasseries, "80 % des sondés sortent moins ou ont modifié leur mode de consommation en consommant plus à domicile en réponse à la hausse des prix". La fumée est également pointée du doigt. "Le manque de véritables espaces non-fumeurs agit comme un frein important à la fréquentation, surtout dans les cafés. 27 % des Français n'y vont jamais parce que c'est trop enfumé", constate encore l'enquête. Bref, le décalage entre l'offre et la demande s'accentue. Pour le CSCF, "l'enjeu" des cafés consiste d'ailleurs à s'ouvrir "aux nouvelles technologies" et à proposer "des divertissements et une convivialité en adéquation avec l'air du temps". Une relance de l'activité qui ne peut se faire, selon les porte-parole du collectif, qu'avec le soutien des pouvoirs publics.
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Machines à sous au coin du zinc…
Le CSCF entend ainsi
défendre 3 axes : "La valorisation des fonds de commerces" par des aides
spécifiques et un crédit d'impôt sur l'investissement, la "simplification de
la législation des débits de boissons". Le CSCF évoque ici l'abrogation de
certaines zones protégées, le contrôle des buvettes temporaires ou encore une
limitation géographique aux transferts de licences. Et la modernisation de la
législation sur les jeux avec "l'autorisation de machines récréatives à mises
et gains limités" au coin du zinc. Le CSCF a lancé une pétition nationale
sur ces thèmes auprès des consommateurs "afin d'alerter l'opinion publique"
et un site web
www.sauvonslescafes.com sur lequel est diffusé un film réalisé par les
comédiens Alain Zef et Husky Kihal, dans lequel l'humour dérape quelque peu au
détriment de l'objectif…
Pour Hervé Dijols, vice-président du
Synhorcat, ce collectif est "un moyen de se prendre en mains. On nous dit
qu'il faut s'adapter et c'est bien dans cet esprit qu'on veut travailler".
Les débits de boissons sont les 'parents pauvres' du contrat de croissance
récemment signé entre l'État et la profession : ils doivent bénéficier de "mesures
spécifiques", selon lui. En particulier dans les zones rurales. D'où la
réapparition dans le débat des bandits manchots, version édulcorée. Dans un
rapport sur 'Les Jeux de hasard et d'argent en France' effectué entre 2000 et
2001,
François Trucy, sénateur du Var,
pèse le pour et le contre. Il analyse d'un côté le phénomène mafieux qui entoure
l'activité des machines à sous clandestines en France avec un parc estimé à
l'époque à 6 000 machines et un chiffre d'affaires avoisinant les 2 milliards de
francs (plus de 30 millions d'euros). Et de l'autre, les "inconvénients d'une
prohibition qui singularise le pays" et les "arguments des partisans
d'une légalisation sous condition" qui mettraient fin, d'après eux, au
caractère criminogène en place. José Hody, président de la Confédération
française des professionnels en jeux automatiques, assure d'ailleurs que "la
technologie actuelle permettrait de suivre sans problème le fonctionnement de
chaque machine" évitant ainsi tout dévoiement possible des systèmes. Et pour
ne pas s'inscrire dans une "concurrence" avec la Française des Jeux ou
les casinos, la Confédération considère que le Bingo (sorte de flipper) serait
plus adéquat en cas de légalisation. Interrogé sur ce dossier, le président de
la Fédération de l'industrie hôtelière des Bouches-du-Rhône (Umih 13), confronté
au développement des machines à sous illicites dans son département, se
positionne différemment. "Il ne faut pas mettre un plâtre sur une jambe de
bois", dit-il agacé. "Effectivement, il faut maintenir les petits bars
parce qu'ils représentent l'âme d'un quartier ou d'un village. Mais en
s'attaquant au vrai problème, à ce qui empêche leur propriétaire de gagner de
l'argent. Les machines à sous, c'est un autre débat. Il ne faut pas l'occulter
mais je crois qu'il serait plutôt urgent qu'on réfléchisse, par exemple, à un
impôt forfaitaire pour ces très petites entreprises comme il en existe en
Espagne. Il faut réduire pour eux les charges salariales, afin qu'ils puissent
embaucher. Avant l'arrivée de la TVA, les patrons de bistrots étaient des
notables avec un maillage économique qui marchait. Aujourd'hui, l'État doit
empêcher les faillites et favoriser la reprise avec des dispositions qui
redonnent dignité, courage et consommation." Sauver les bistrots est donc
bel et bien d'actualité. Mais comment ? Là est la question.
Sylvie Soubes zzz76v
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L'Hôtellerie Restauration n° 2980 Hebdo 8 juin 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE