du 6 juillet 2006 |
GÉRER SON ENTREPRISE |
AVANT DE RACHETER UN FONDS DE COMMERCE
Pour réussir une reprise, attention au volet social !
Pour Agnès Bricard, expert-comptable, commissaire aux comptes et membre du Conseil national de la création d'entreprise, et Élisabeth Lacroix-Philips, manager du cabinet d'expertise comptable ABC, la réussite financière d'une reprise d'entreprise passe aussi par l'analyse du volet social. Interview.
Propos recueillis par Tiphaine Beausseron
L'Hôtellerie
Restauration : Pourquoi est-il
important pour le repreneur d'une entreprise d'apprécier les risques
liés au volet social ?
Agnès Bricard et
Élisabeth Lacroix-Philips :
Parce que tout repreneur a l'obligation de poursuivre les contrats de travail en
cours au moment de la cession (art L.122-12 du Code du travail), que cela fait partie
de 'l'héritage' à analyser sérieusement compte tenu des engagements
financiers lourds propres à la réglementation en vigueur.
Comment peut-il faire ?
Tout d'abord, il ne doit pas se limiter
à une vue générale de l'effectif. Il doit aussi consulter le registre
unique du personnel (entrées et sorties) qui lui donnera un aperçu individualisé
de l'ancienneté et du statut de chaque salarié. L'examen individuel des
rémunérations est aussi nécessaire. Pour cela, il peut demander au
cédant les fiches de paie, ou en cas de refus, les DADS (déclaration annuelle
des données sociales) toujours communicables puisqu'adressées chaque année
aux organismes sociaux et aux impôts.
Le repreneur doit aussi se consacrer
à l'étude des compétences, expériences et aptitudes, de chaque
salarié pour vérifier qu'ils s'adapteront bien à son projet. Il
ne doit pas hésiter pour cela à demander les dossiers individuels des
salariés (CV, fiches d'entretien annuel d'évaluation, copies des diplômes,
formations suivies au cours de la vie professionnelle, arrêts de travail et
avertissements). Plutôt que sur les déclarations du cédant ou une
entrevue rapide avec le salarié, ces documents permettront au repreneur de
s'appuyer sur des éléments tangibles et objectifs pour mesurer la qualité de l'équipe en place.
La richesse d'une entreprise transmise est indissociable de la qualité de l'équipe
en place et conditionne son développement pérenne.
Enfin, il ne doit pas oublier de vérifier
qu'il n'existe pas de conflit existant ou latent avec un ou plusieurs salariés
et s'assurer que l'entreprise respecte bien ses obligations au vu de la convention
collective, du règlement intérieur et des contrats de travail.
S'agissant de la rémunération des salariés
que doit-il regarder hormis le salaire brut ?
Le repreneur doit apprécier le coût
global (salaire + charges sociales) ainsi que tout autre avantage. Pour cela, il
doit connaître le mode de rémunération pratiqué (fixe ou au
pourcentage), et ses avantages sociaux complémentaires (ex : régime de
prévoyance devenu obligatoire depuis le 1er janvier 2005, retraite
complémentaire, etc.), primes diverses (ancienneté, travail de nuit…).
À cet égard, le versement de primes régulières est souvent
révélateur d'une situation particulière à examiner attentivement.
Il peut s'agir par exemple d'un dépassement de l'horaire légal de travail.
Le repreneur doit alors être conscient que si cette pratique fonctionne avec
le cédant, ce ne sera peut-être pas le cas avec lui. D'autant que le
salarié a 5 ans pour réclamer le paiement des heures supplémentaires
et du repos compensateur, et que le repreneur ne pourra pas arguer de l'existence
de primes pour éviter de les payer. Le repreneur pourra alors être amené
à embaucher plus que ce qu'il avait prévu, et pour maintenir le volume
du chiffre d'affaires en adéquation avec le niveau des rémunérations,
il devra revoir totalement la
structure de son prévisionnel 'dépenses de personnel'.
Contre quel autre 'mauvais' indicateur le mettriez-vous
en garde ?
De fréquentes absences répétées
sont souvent signes de problèmes relationnels et le repreneur aura à
gérer une 'remotivation' des salariés ou des licenciements, qu'il devra
prendre soin de motiver légalement.
Que lui conseillez-vous pour qu'il puisse être
légitimé comme leur nouveau patron ?
De ne pas changer l'esprit de la maison et d'user
de toutes ses compétences professionnelles pour faire admettre à l'équipe
en place qu'il est au service d'une ambition commune : le développement de
l'entreprise et le maintien des emplois qui y sont attachés !
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Article
L.122-12 alinéa 2 du Code du travail "S'il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise." |
La semaine prochaine, retrouvez dans 'Gérer son entreprise' l'avis d'un avocat sur l'article L.122-12 et ses conséquences pour le repreneur d'un fonds de commerce.
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L'Hôtellerie Restauration n° 2984 Hebdo 6 juillet 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE