du 26 octobre 2006 |
APRÈS LES TRENTE GLORIEUSES
EN ROUTE VERS LE RESTAURANT DURABLE
Nous n'en sommes pas forcément conscients, mais nous sommes entrés dans une ère totalement nouvelle pour la restauration. Et même si la restauration est un domaine totalement à la traîne par rapport à d'autres secteurs, le Développement Durable (DD pour les connaisseurs) commence à intéresser sérieusement les chaînes de restaurants.
Par Jean-Luc Fessard, directeur du cabinet de formation Le Temps du Client, et Nelly Rioux
Jean-Luc Fessard propose une formation qui aide les entreprises à impliquer leurs collaborateurs dans une démarche de 'Développement Durable'. |
La restauration actuelle est issue des trente glorieuses où les ressources naturelles semblaient inépuisables. L'énergie était abondante, l'eau quasi gratuite, la chimie triomphante. Aujourd'hui l'énergie, l'eau deviennent rares et chères, et les produits chimiques sont suspectés d'être responsables de la plupart des cancers. Avec l'épuisement des ressources, le réchauffement climatique, les menaces sur la santé, toutes les bases de la restauration actuelle vont être bouleversées : le choix de l'emplacement, le bâtiment, les équipements, les approvisionnements, la carte, le management des hommes et le comportement des clients.
Le bon emplacement se situera
aux carrefours des transports en commun
Un cycle entamé au
début des années 1960 s'achève. Lors de voyages organisés aux
États-Unis pour les dirigeants d'entreprises françaises, Marcel Fournier,
Denis Defforey, Paul Dubrule et Gérard Pélisson vont rencontrer Eduardo
Trujillo qui, avec son slogan favori "No parking, no shopping", va les convaincre
de révolutionner le commerce et l'hôtellerie-restauration. À cette
époque où l'automobile est reine, l'avenir se trouve à la périphérie
des villes. Aujourd'hui, avec le pétrole cher, ce cycle se termine et le bon
emplacement se situera aux carrefours des transports en commun, des gares et même
dans les centres des villes qui devraient se densifier et se redynamiser (plus de
commerces, d'espaces verts…) pour éviter les déplacements. Un arrêt
de tramway, une voie piétonne et un garage à vélos seront préférables
à un immense parking.
Le bâtiment sera de
haute qualité environnementale ou ne sera pas
Désormais le bâtiment
se devra d'être HQE® (terme déposé signifiant Haute Qualité
Environnementale), et si ce label ne convient pas, il sera néanmoins nécessaire
de construire des bâtiments avec des matériaux bénéfiques pour
la planète. À l'intérieur, on gérera toutes les consommations
d'énergie et les productions de déchets. L'insertion du bâtiment
dans le paysage devra être harmonieuse, respectueuse du contexte architectural
et culturel local. Fini le bâtiment aux couleurs criardes qui, dans une débauche
de lumière, drague le chaland. À partir de demain la sobriété
primera pour l'éclairage, le chauffage, la climatisation, la réfrigération,
les consommations d'eau, les émissions de Gaz à effet de serre. À
l'instar de Starbucks qui se lance dans son Project Green Belt, si l'énergie
consommée ne peut être réduite elle devra au moins provenir de sources
d'énergies vertes renouvelables.
Les équipements seront
économes et performants
Le Syndicat national de
l'équipement des grandes cuisines (Syneg) informait récemment les professionnels
des très fortes augmentations des matières premières liées à
la hausse du pétrole. Les équipements vont être tributaires de la
rareté des ressources, mais également d'un contrôle accru de leur
origine, par exemple : le bois devra provenir de forêts certifiées. Enfin
de même que pour le bâtiment, ces équipements devront être
sobres en consommation
d'énergie, d'eau pour leur fonctionnement et leur entretien. Ils devront être
conçus pour limiter les rejets et permettre une maîtrise des déchets.
Par exemple, tout comme Promocash propose des seaux pour la récupération
des huiles usagées, nous verrons probablement apparaître des dispositifs
encore plus sophistiqués que ce qui existe aujourd'hui, pour permettre la récupération
des eaux de plonge ou des emballages. Quelques exemples ouvrent la voie comme les
premiers fourneaux HQE® (nécessitant 30 % de matières premières
en moins) qui viennent d'être lancés par le constructeur français
HMI Thirode. Winterhalter avec sa nouvelle gamme de lave-vaisselle offre aux utilisateurs
la possibilité de faire des économies de produits lessiviels, mais aussi
des économies d'eau et d'énergie. Enfin, les restaurateurs devront intégrer
une bonne fois pour toutes, lors de leurs achats, la notion d'ACV (Analyse de Cycle
de Vie) qui prend en compte l'aspect environnemental et pas seulement celui des
économies d'énergie.
Les approvisionnements seront
équitables ou bio
Nous avons tous en tête
l'exemple du yaourt aux fraises qui parcourt au travers de ses différents ingrédients
près de 10 000 km avant d'arriver sur la table du consommateur. Cette époque
est révolue. Désormais, pour limiter les émissions de Gaz à
effet de serre, le restaurateur sera bien avisé de s'approvisionner localement
auprès de fournisseurs qui regroupent leurs livraisons. De même, les
approvisionnements seront de plus en plus sous le signe du bio et du commerce équitable.
Déjà un traiteur événementiel 'Té' en fait sa marque
de fabrique. Les torréfacteurs proposent maintenant aux restaurateurs des cafés
aux origines reconnues et équitables. Les produits d'entretien et d'hygiène
devront être respectueux de l'environnement tout au long de leur cycle de
vie. Par exemple le groupe Werner & Mertz propose des produits de nettoyage
avec le label Sustainale Cleaning (nettoyage durable). Des petites PME se lancent
dans les produits d'entretien respectueux de l'environnement comme Attila'Net ou
JLD Promotion.
Les bons produits de la carte
seront sains, locaux et de saison
Avec une orientation de
plus en plus prononcée vers le développement durable, le bon produit à
la carte sera sain, local et de saison. Depuis la maladie de la vache folle, les
restaurateurs sont totalement conscients de l'importance de la garantie d'origine
de leurs produits, mais avec le réchauffement climatique ils devront en plus
être, si possible, locaux et de saison. Selon la Mission Climat, à
partir du Bilan Carbone (Ademe), un menu composé de 1 L d'eau minérale,
150 g de boeuf, 200 g de haricots verts surgelés et de l'ananas frais de Côte
d'Ivoire livré par avion, rejette 10 fois plus de Gaz à effet de serre
qu'un menu composé de 1 L d'eau de ville, une cuisse de poulet, 200 g de haricots
verts frais et de l'ananas frais de Côte d'Ivoire livré par bateau. Plus
généralement les productions végétales produisent 10 fois moins de Gaz à effet
de serre que les productions animales, avec des variations importantes selon les
espèces : le poulet en émet 10 fois moins que le boeuf. De même pour
la consommation d'eau : il faut environ 1 000 litres d'eau pour produire 1 kg de
blé et 15 fois plus pour 1 kg de boeuf. Si le réchauffement climatique
devient synonyme de pénuries d'eau c'est toute la composition de nos repas
qui devra être reconsidérée. La viande deviendra plus rare et les
recettes végétariennes vont fleurir. Dans les restaurants de demain la
carafe d'eau sera peut-être payante, l'offrir sera un vrai geste commercial.
Enfin, puisque nos produits devront suivre les saisons, les changements de carte
se feront au gré des saisons.
Demain, les équipes comme
les clients seront sensibles à une démarche durable
La mutation que nous évoquons
ici se fera avec le soutien et l'adhésion des collaborateurs qui se sentiront
directement concernés par la démarche initiée par leur entreprise
pour être encore plus éthique, écologique et citoyenne. Dans l'hôtellerie,
certaines chaînes intègrent déjà dans les contrats de travail
le respect du référentiel 14001 dans les actions quotidiennes. Les enseignes
qui mettront le devenir de la planète au coeur de leurs enjeux développeront
la fierté d'appartenance et leur attractivité. Une génération
extrêmement sensibilisée à ces thèmes émerge de nos
grandes écoles. De plus en plus nombreux sont les futurs ingénieurs et
cadres qui effectuent leurs stages de fin d'études dans des entreprises éthiques
ou mieux dans des ONG oeuvrant dans des pays défavorisés.
Les clients, eux, sont de plus
en plus sensibles au lien entre la nourriture et la santé. Cette tendance va
non seulement s'amplifier, mais elle va s'élargir de plus en plus à
la qualité de vie sur la planète. Le consommateur deviendra encore plus
exigeant. Selon les spécialistes, nous n'en sommes pas encore au niveau d'actions
de boycott collectif, mais nous le savons, le client "vote avec ses pieds".
Bien avisé sera le restaurateur qui, loin de toute communication artificielle
sur son éthique, démontrera quotidiennement que la qualité de vie
de ses clients est sa vraie raison d'être. En revanche, ce sont les clients
qui jugeront si son restaurant est digne d'être durable.
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Emmener ses équipes dans une démarche
Développement Durable Le Temps du Client est un cabinet de formation qui aide les entreprises à impliquer leurs collaborateurs dans une démarche 'Développement Durable'. L'objectif est de motiver le personnel le plus rapidement possible pour déclencher un changement d'attitude et favoriser l'émergence d'idées du terrain. L'approche proposée par Jean-Luc Fessard - en collaboration avec Caroline Gervais de l'Agence The Natural Step (TNS) qui a travaillé sur le projet Scandic/Hilton -, c'est dans un premier temps de sensibiliser les collaborateurs pour les emmener vers l'Action avec un grand A. Comme toujours avec Le Temps du Client, cette formation utilise une pédagogie originale et ludique pour donner envie à chacun de s'investir. À l'issue des stages, Jean-Luc Fessard propose aux entreprises de les accompagner dans la mise en oeuvre des projets issus de la formation. Le Temps du Client |
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L'Hôtellerie Restauration n° 3000 Hebdo 26 octobre 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE