du 26 octobre 2006 |
BONNE NOUVELLE : LE CLIENT N'AURA PLUS RIEN À FAIRE
L'HÔTEL DE DEMAIN EST DÉJÀ SUR 'PLANCHES À DESSIN'
Il sera high-tech, intelligent, écologique, économique, propre, sain, ergonomique et même rentable. Sera-t-il également humain ?
Mark Watkins, président de Coach Omnium et du Comité pour la modernisation de l'hôtellerie française
Mark Watkins : "Plus orienté vers les utilisateurs, mais aussi plus facile à gérer, à entretenir et à faire évoluer, tel sera l'hôtel de demain." |
L'Hôtellerie
Restauration m'a demandé
de vous écrire ce qui serait, pour moi, l'hôtel du futur. Voilà
un exercice difficile, alors que je connais un grand nombre de gens (ils sont très
forts) qui parlent de l'avenir comme on parle du passé. Ne souhaitant pas jouer
le futurologue de service, je vais tenter d'évoquer les grandes tendances d'évolution
possible de l'hôtellerie, à savoir de l'hôtel de demain plutôt
que celui du futur. Car ce futur, sur les 15 à 25 ans à venir, est
en partie déjà disponible. Beaucoup des applications hôtelières
de demain, d'ordre technologique, existent en effet. Sans compter celles qui seront
inventées d'ici là. Dans leur majorité, elles sont simplement encore
trop chères pour être adoptées ou pas encore entièrement au
point. Ainsi, disposer de murs à cristaux liquides dans les chambres et les
espaces communs, pouvant changer instantanément de couleur et montrer à
l'envi des paysages ou n'importe quelle autre image, est déjà réalisable.
Il en va de même pour l'énergie solaire…
Quoi qu'il en soit, l'hôtel de demain s'adaptera
aux attentes, aux besoins, goûts et comportements de sa clientèle. Ou
plutôt, de ses clientèles suivant leur motif de séjour. Avec l'individualisation
des comportements, avec le changement de la morphologie des populations (on gagne
en moyenne 1 cm tous les 8 ans et 0,8 kg), avec la modernisation de l'habitat et
des technologies, avec les changements dans les structures familiales (explosion
des familles monoparentales et recomposées), et enfin avec le besoin de 'rassurance'
du public… les hôteliers doivent impérativement s'adapter. Parallèlement,
avec les incessantes hausses de coûts du personnel et des énergies fossiles,
l'hôtellerie devra adopter une nouvelle façon de penser sa prestation.
Plus orienté vers les utilisateurs, mais aussi plus facile à gérer,
à entretenir et à faire évoluer, tel sera l'hôtel de demain.
L'hôtel de demain sera
high-tech et intelligent
Notre ère informatique
et électronique nous rend bien des services. La domotique sera omniprésente dans
l'hôtel de demain. Maîtriser à distance par commande tactile ou vocale (ou par
programmation) les températures, l'occultation, l'éclairage, etc., par zones
dans la chambre, régler le téléviseur et la radio (programmes, volume sonore en
fonction de la distance à laquelle on se trouve…), contrôler au degré près la
température de l'eau de son bain ou de sa douche, ajuster le niveau d'humidité
dans la chambre… sera possible le plus simplement du monde. Bien entendu, finis
les câblages et connectiques : le wifi s'impose partout. Côté sécurité et
contrôle des allers et venues, la biométrie est là comme un précieux auxiliaire,
avec les contrôles à distance par détection de l'iris ou par effleurement du
doigt.
Comme les grands hôtels
tenaient autrefois des 'kardex' notant les habitudes et désirs de leurs clients
fidèles, ces derniers disposeront d'un 'pass' normalisé doté de renseignements,
qu'ils remettront à leur arrivée s'ils le souhaitent, dans n'importe
quel établissement. Un outil de marketing de pointe pour tracer le client,
mais surtout pour connaître son profil, son poids en termes de consommation,
sa fidélisation, voire s'il est porteur de risques à surveiller comme,
par exemple, une fragilité cardiaque. Bien entendu, les enregistrements à
l'arrivée et les paiements des notes seront informatisés avec des bornes
électroniques auto-activés par les voyageurs. On devrait pouvoir payer avec son
téléphone portable et ainsi gagner beaucoup de temps. Ce qui devrait permettre
de se passer des imposants comptoirs de réception et libérer, en principe, le
personnel en faveur d'un accueil personnalisé.
Enfin, le high-tech s'inscrit dans la facilité de gestion de
l'hôtel.
Ainsi, on peut savoir automatiquement à distance, n'importe où dans
le bâtiment, si un appareil électrique ou une ampoule (et laquelle) est
en panne. La technologie agrémentera la vie du client. Il peut par exemple
brancher son baladeur (c'est déjà possible aujourd'hui) sur la chaîne
hi-fi de la chambre, et écouter sa propre musique avec une qualité d'écoute
optimale et modulée dans chaque espace. Dans tous les cas, le high-tech sera
omniprésent, quasiment invisible. Sauf dans l'offre télévisuelle.
Les écrans devraient devenir dans les chambres d'hôtel de plus en plus
grands, de plus en plus plats, avec des images et du son haute définition.
Évidemment, ce seront des terminaux de
services, offrant le maximum de chaînes de télévision, y compris
ciblées, de stations de radio, de journaux en temps réel, de jeux, de
films à la commande, internet et l'accès aux services de l'hôtel
(room service, conciergerie, réveil, réception…). Interactif, il
permettra aussi de formuler rapidement des avis sur les services de l'hôtel
pour que son responsable puisse agir presque dans l'immédiat. Pour respecter
l'individualité et la tranquillité de chaque occupant de la chambre, le
grand écran pourra être complété par un petit écran que
l'on place face à soi dans son lit ou ailleurs, comme dans les classes affaires
des avions.
L'hôtel de demain sera
confortable
Même si le modèle
hôtelier (tant par les chambres que par les services périphériques)
n'a quasiment pas évolué au cours des 40 dernières années, on
peut penser et espérer qu'il proposera, dans un avenir proche, un confort nouveau,
adapté aux clients et non plus au seul service de l'hôtelier. Les lits
pousseront vers du 2,1 m à 2,2 m de large et de long. La salle d'eau sera
davantage valorisée : plus spacieuse, mieux éclairée, plus ergonomique…
La chambre devrait devenir modulable et modifiable à la commande, avec des
systèmes mouvants mécaniquement, en fonction des besoins et des envies
du client. Car si aujourd'hui les chambres sont universellement les mêmes,
on peut imaginer sans peine une polyvalence à géométrie variable
dans le mobilier et les décors. Murs qui changent de teintes, de texture et
de luminosité, meubles plurifonctionnels qui s'ouvrent et s'escamotent pour
proposer toutes sortes de rôles (lit, plan de travail, espace de lecture…),
diffuseur d'ambiance, éclairages naturel et artificiel évolutifs…
La chambre pourra être standardisée, elle n'en demeurera pas moins personnalisable
à souhait. Bien sûr, les chambres bénéficieront d'une isolation
phonique maximale, d'autant que le son haute définition sera généralisé.
L'hôtel de demain sera
propre, sain et 'écolonomique'
Qui pourrait imaginer le
contraire ? Les consommateurs sont extrêmement attentifs à leur santé.
L'hôtel de demain respectera donc la nature et s'inscrira dans le développement
durable. Sans oublier d'être propre. La guerre à l'asthme, aux acariens,
à la saleté sera de mieux en mieux gagnée. Les matériaux de
décoration (revêtements, tissus, etc.),
la literie, les garnitures, seront traités antibactériens, anti-allergie
et anti-acariens, voire anti-poussière. Des équipements seront autonettoyants,
nécessitant peu d'entretien. Le retour de la moquette - que les gens haïssent
aujourd'hui - n'est pas à exclure.
L'hôtel de demain utilisera au mieux les
énergies renouvelables. Son fonctionnement sera de plus en plus autonome, fabricant
lui-même l'essentiel de ses besoins en énergie ou encore en recyclant
au maximum les eaux usées et les déchets solides. Le linge à laver
devrait à terme disparaître au profit de linge recyclable ou produisant
de l'énergie. Pour l'instant, le jetable est inutilisable dans les salles de
bains, sa texture n'étant pas au point. Les choix de construction et d'équipement
prendront en compte la durabilité. Autrement dit, on acceptera qu'un investissement
puisse être plus coûteux à l'achat s'il se montre plus économique
en termes d'entretien et de renouvellement dans le temps. C'est un calcul que nos
aînés effectuaient autrefois, et qui s'était un peu perdu avec la
société de consommation.
Enfin, comme pour les aliments avec
les DLC, on peut imaginer un marquage des matériaux, indiquant à quel
moment ils devront être changés ou renouvelés. Quant à
ce mystérieux mot 'l'écolonomie',
c'est bien sûr la contraction de l'écologie et de l'économie qui
caractérisera l'hôtellerie de demain. Faire attention aux ressources
de la planète tout en faisant baisser ses factures de charges. Le rêve.
Enfin, il faut ajouter la dimension bio dans les hôtels, qui va peut-être
pousser la porte avec force (pour l'instant, cela reste encore timide). Sans oublier
le souci d'ergonomie, même si ce volet peut paraître futile. Faciliter
l'utilisation des objets et des équipements en les adaptant aux capacités
et caractéristiques corporelles de l'homme n'est pas juste fait pour plaire.
Il va aussi dans le sens d'un respect de l'autre et d'une aide à la personne,
y compris au personnel dans son travail quotidien. Tous les designers d'aujourd'hui
prennent en compte cet aspect, qui fait partie du confort, au-delà du seul
souci esthétique.
L'hôtel de demain sera-t-il
humain ?
J'entends dire certains
que les hôtels dans 20 ans n'auront plus de chambres avec fenêtre, car
tout le monde sera rivé sur celle d'internet. Passons. La nature humaine a
besoin de la nature, et rien ne peut remplacer des espaces verts, des jardins, le
ciel… et les fenêtres pour les voir. Plus que jamais, les consommateurs
et voyageurs ont besoin d'émotion, de dépaysement et d'être rassurés.
Un besoin vital qui ne changera pas dans les 2 prochaines décennies. Est-ce
que l'hôtel du futur sera minéral (acier, verre, aluminium…) au
détriment des matières plus chaleureuses ? Peut-être. Même
si l'on sait que les designers sont sensibles au bien-être de ceux qui vivent
dans leurs créations. Il se peut aussi que les femmes de chambre soient remplacées
par des robots nettoyeurs mobiles programmés, comme le conçoivent actuellement
des entreprises de haute technologie japonaises. Quant à l'hôtel intelligent,
jusqu'où ira cette capacité à contrôler tout ce qui s'y trouvera
et s'y déroulera ? Si la 'mémoire et le cerveau' de l'hôtel pourront
jusqu'à connaître
le mode de vie des clients dans leur chambre, est-ce que ce risque de pseudo-voyeurisme
n'ira pas à l'encontre des libertés individuelles ? Mais le piège
réel viendrait d'une technologie à outrance, certes tentante pour améliorer
la rentabilité, la productivité et les conditions d'exercice des hôtels,
mais qui pourrait prendre le pas sur les aspects humains. Je me souviens qu'il y
a plus de 20 ans, on disait que l'informatique allait permettre au personnel hôtelier
de réception d'être libéré de bon nombre de tâches administratives,
et de pouvoir ainsi mieux se consacrer à la clientèle. Tout comme les
cuisiniers n'épluchent plus leurs légumes pour se consacrer plus directement
à la fabrication de plats et à leur assemblage, leur vrai métier,
les personnels hôteliers allaient pouvoir se consacrer davantage au client.
Si l'informatique a plus ou moins bien rempli ce premier rôle, le personnel
de réception n'est pas pour autant plus accueillant et disponible. C'est un
des premiers regrets actuels qu'exprime la clientèle hôtelière.
Il s'agit à la fois d'un problème lié au fossé des générations,
de formation et de stimulation. Il va de soi qu'en même temps qu'elle profitera
de tout ce qui se termine par 'ique' (domotique, robotique, informatique, électronique,
etc.), il faudra que la profession développe davantage la compétence et
le potentiel humain dans les hôtels.
Un hôtel humain est fatalement un endroit
où l'on s'ouvre à l'autre, où l'empathie règne, où l'on échange. Un hôtel humain
est communicant et convivial. C'est le personnel qui fera la différence. Voilà
le prochain chantier qui attend les hôteliers. Reste que leurs fournisseurs
traditionnels ne pourront cette fois-ci que difficilement les aider à le
réaliser. zzz36v
Quelques estimations… (sources
multiples) Le nombre des plus de 60 ans sera doublé d'ici à 2010 et quadruplé d'ici à 2050. La connaissance et le savoir de notre société doublent tous les 7 ans. Les 20 prochaines années produiront autant de progrès que l'ensemble du XXe siècle. |
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L'Hôtellerie Restauration n° 3000 Hebdo 26 octobre 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE