du 26 octobre 2006 |
AVEC LE RÉCHAUFFEMENT DE LA PLANÈTE
VERS UN 'TOURISME DE FRAÎCHEUR'
Les scientifiques du monde entier étudient à la loupe le climat de notre planète. Une chose est acquise : le globe se réchauffe. Un réchauffement qui atteindra probablement 2,5 °C en 2050 sur le Vieux Continent, et qui aura de fortes incidences sur le tourisme. Inutile 'd'enterrer' le problème !
Claire Cosson
Températures
caniculaires en juillet, mois d'août à ne pas mettre un chat dehors,
été indien en octobre… Il n'y a plus de saisons ! Normal. Le réchauffement
climatique se ressent aujourd'hui partout dans le monde. Diminution de 40 % en 40
ans du volume de la calotte glaciaire dans l'Arctique, disparition de 95 % des caribous
canadiens depuis 1961 à cause, notamment, de la fonte des glaces, fin de
l'hibernation des marmottes avancée de 23 jours en moyenne par rapport à
1980 aux États-Unis, étés particulièrement chauds en 2000
et 2003 entraînant plus de 20 000 décès en Europe… Aucune
région n'est épargnée. Et à en croire les modèles informatiques
établis par les plus éminents scientifiques de la planète pour prédire
l'avenir climatique, le thermomètre n'est pas prêt de redescendre. D'autant
que, pour beaucoup, l'homme est le principal responsable du réchauffement planétaire.
Évidemment, la France - actuelle première
destination touristique mondiale - n'échappe pas au phénomène. D'ailleurs,
au cours du XXe siècle, la température moyenne de l'Hexagone
a augmenté de 0,1 °C tous les 10 ans. Hausse qui s'est accélérée
à raison de 0,6 °C par décennie entre 1976 et 2003. Autant dire
que l'avenir s'annonce 'chaud' sur le territoire français avec des paysages
qui vont sûrement se modifier, et des incidents climatiques qui pourraient
être plus fréquents. Les chercheurs travaillent sur 2 modèles en
la matière - celui de Météo-France (Arpège) et celui du CNRS
(LMDZ) - et établissent leurs prévisions à partir du scénario
A2 du Giec (Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat).
Selon ces scénarios, la température moyenne en France augmenterait au
moins d'environ 2,5 °C d'ici à la fin du siècle.
En fait, le nombre moyen de jours de
canicule va progressivement s'accroître pour atteindre près de 10 jours
sur la majeure partie de la France. Un été sur 2 serait au moins aussi
chaud que celui de 2003. À titre d'exemple, le nombre de jours consécutifs
sans pluie dans l'Ouest s'élèverait à plus de 25.
Fonte des neiges
Parallèlement, les
précipitations intenses vont probablement gagner du terrain en hiver de part
la douceur des températures. Précipitations qui varieront selon les régions
avec une hausse sur les 2/3 nord du territoire français. Quant aux jours
de gel, ils seront de moins en moins nombreux sur l'ensemble de notre pays.
Des changements dont les effets
modifieront également l'écosystème et les paysages. À commencer
par les massifs alpins. D'après un rapport d'Éric Martin (chercheur
au CRNM de Météo-France), on passerait ainsi de 5 à 4 mois d'enneigement
à 1 500 m dans les Alpes du Nord, et de 3 à 2 mois dans les Alpes
du Sud et les Pyrénées. Le tout induisant une chute du manteau neigeux
de 40 à 50 %. Fonte des neiges qui devrait logiquement impacter les régimes
hydroliques des rivières de montagne, de la végétation à haute
altitude et de l'enneigement des stations de sports d'hiver. Les études récentes
suggèrent même "une remise en cause de l'existence des stations de
sports d'hiver de moyenne montagne".
Les forêts françaises
vont, elles aussi, changer de
visage,
et ce, plus ou moins rapidement suivant la vitesse d'augmentation de la concentration
atmosphérique en Gaz à effet de serre (GES). "Cette modification
présentera des variations géographiques importantes. D'ici à 2050,
le Nord serait avantagé, et le Sud plus menacé. Plus exposées à
de futures sécheresses, dans le Sud et l'Ouest, la production des forêts
est amenée à être remise en cause", estiment Denis Loustau
et Jean-Luc Dupouey dans un document réalisé pour Greenpeace. D'autant
plus vite que c'est actuellement que l'on plante les arbres des années futures.
Vendanges en juillet
Du côté de l'agriculture,
tout porte à croire que la progression des cultures vers le Nord va s'accentuer.
Les experts de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) pensent ainsi
que "les grandes cultures et les prairies devraient être plutôt favorisées,
sauf dans le Sud, où la sécheresse risque de s'installer". Concrètement,
on pourrait cultiver des oliviers sur les bords de la Loire, et du maïs-grain
dans le Nord, ou bien observer l'arrivée d'abricotiers au-dessus de Paris.
Les dates de floraisons seront globalement avancées avec des risques de gel
accrus. "Pour la vigne, la période de la maturation sera décalée
après le 15 août à courant juillet, avec des conséquences
certaines sur la qualité de la vendange…", avance Bernard Seguin
(Inra). Ce qui ne sera pas sans poser problème à la typicité des
productions traditionnelles (AOC).
Dans ce contexte, la faune ne
restera, bien entendu, pas 'de glace'. Les hirondelles ne feront ainsi plus du tout
le printemps. Tout comme des milliers de grues cendrées venues de Sibérie,
qui s'installent déjà en Champagne-Ardenne sur le lac du Der Chantecoq,
elles ne migreront plus. Si écouter le chant des oiseaux est agréable,
les piqûres d'insectes seront sans aucun doute moins appréciées,
risquant de se multiplier au cours des prochaines années. Un phénomène
d'autant plus désagréable que la population aura beaucoup vieilli.
Repenser le voyage
Autant d'éléments
- certes pas encore suffisamment régionalisés - qui auront des impacts
'potentiels' ou 'possibles' sur le secteur touristique. Jean-Paul Céron (Centre
de recherche interdisciplinaire en droit de l'environnement, de l'aménagement
et de l'urbanisme), et Ghislain Dubois (directeur de Tourisme, Transports, Territoires,
Environnement Conseil), en ont listé quelques-uns qui ont de quoi faire réfléchir
les professionnels du secteur. "Un premier effet, auquel on pense spontanément,
serait pour une partie du territoire l'allongement de la saison propice au tourisme,
bien au-delà de l'été et de l'extension des conditions favorables
au Nord", expliquent les deux scientifiques.
Et d'ajouter : "Les potentialités
des intersaisons actuelles seraient globalement accrues : beaux automnes (secs)
et printemps pluvieux, mais doux. Par contre, les régions méditerranéennes
pourraient souffrir d'un excès de chaleur, et ainsi accueillir plutôt
des populations jeunes et bien portantes." À l'opposé, les montagnes
(ou boisées si préservées des incendies) pourraient voir se développer un 'tourisme de fraîcheur'.
Avec le manque de neige en basse et moyenne altitude, la base territoriale du ski
alpin devrait largement se réduire.
Plus important encore, les politiques de limitations
des GES peuvent conduire à "repenser le rapport au voyage, dans une perspective
de remise en cause de l'hypermobilité". Et pour cause. Le tourisme représente
entre 8 et 10 % des GES générés par le transport qu'il produit. Avec
une croissance de l'ordre de 5 % par an, les avions pourraient être montrés
du doigt, sachant que les émissions de transports internationaux sont actuellement
exclues du protocole de Kyoto. "Si le tourisme doit continuer à se développer,
il faudra que ce soit de manière sélective", préconisent les
scientifiques. En clair, les consommateurs vont devoir changer leur comportement
en termes de déplacement. Une sacrée révolution en perspective qui
ne se réaliserait qu'à la condition d'une vaste campagne de sensibilisation,
d'un large développement des activités de loisirs de proximité et
"d'un vigoureux transfert modal des modes de transport les plus polluants vers
le train essentiellement". À suivre !
zzz52 zzz70
Plus d'infos
www.ipcc.ch
Quels impacts sur la France ? www.greenpeace.org/france
"L'évaluation de l'ampleur des changements climatiques,
de leurs causes et de leur impact prévisible sur la géographie de la
France
à l'horizon 2025, 2050 et 2100", Sénat, Paris
www.meteo.fr
www.cnrm.meteo.fr
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