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du 9 novembre2006
GÉRER SON ENTREPRISE

EN CAS DE LIQUIDATION JUDICIAIRE

QUELLES SANCTIONS FINANCIÈRES PEUVENT ÊTRE MISES À LA CHARGE DU DIRIGEANT ?

Une action en comblement de passif peut atteindre le patrimoine personnel d'un gérant de SARL. Pour vous prémunir contre ce risque, des assurances existent.
Propos recueillis par Tiphaine Beausseron

Au moment de créer leur entreprise, certains choisissent de constituer une SARL plutôt qu'une entreprise individuelle, entre autres, parce qu'en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, le sort du patrimoine de l'entreprise est bien distinct de celui du chef d'entreprise. Cependant, un dirigeant fautif (ou présumé fautif) peut être condamné à supporter les dettes de la société dans le cadre d'une action en comblement de passif. Pour faire le point sur cette action, Jacques Varoclier, avocat à la cour, et Élisabeth Lacroix-Philipps, expert-comptable associée du Cabinet ABC, souvent en charge de la défense de dirigeants dont la responsabilité est mise en cause.

Qu'est-ce que l'action en comblement de passif ?
À la suite d'une liquidation judiciaire, s'il est établi que le dirigeant a commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif constatée (L.651-2 du Code de commerce), il peut être condamné à combler, en tout ou partie, le montant du passif de la société liquidée.

Qui est concerné dans une SARL : le gérant, son conjoint collaborateur, son associé ?
Tout dirigeant de droit (celui apparaissant sur le Kbis) ou de fait. Cette notion jurisprudentielle désigne en général toute personne assumant en fait la gestion d'une société, c'est-à-dire l'exercice en toute indépendance et liberté, de façon continue et régulière, d'actes de gestion et de direction (relations avec le personnel, les fournisseurs, les banques et signatures sur les comptes bancaires…).

Dans quelles circonstances cette action peut-elle être intentée ?
Toutes fautes de gestion ayant aggravé le passif de l'entreprise, même légères telles de simples négligences ou imprudences, suffisent à poursuivre un dirigeant. Les fautes le plus souvent retenues sont le défaut de déclaration de cessation de paiement dans les délais légaux (45 jours de la naissance depuis le 1er janvier 2006) ou encore l'absence de tenue de comptabilité.

Y a-t-il une limite dans les montants auxquels le chef d'entreprise peut être condamné à rembourser dans ce cadre ?
Le montant de l'insuffisance d'actif, c'est-à-dire la différence entre le montant du passif né avant le jugement de liquidation judiciaire (les dettes) et les actifs réalisés, sachant que le tribunal peut condamner le dirigeant au paiement de tout ou partie de ce montant.

Et s'il ne dispose pas personnellement de cette somme ?
Sous l'empire de l'ancienne loi, un dirigeant
condamné sur le fondement d'une telle action qui n'assumait pas la sanction financière ainsi mise à sa charge pouvait être mis en liquidation judiciaire à titre personnel emportant vente de son patrimoine par le liquidateur, et, s'il était insuffisant, la procédure de liquidation judiciaire du dirigeant condamné était clôturée. Le patrimoine personnel qu'il pensait avoir protégé en créant sa société était ainsi entraîné dans la déconfiture de la société. Il avait certes tout perdu mais pouvait 'repartir de zéro', après la clôture de la procédure.
Aujourd'hui, au nom d'un allégement des sanctions, la liquidation judiciaire personnelle à titre de sanction du dirigeant n'existe plus. Cependant, le législateur a introduit une nouvelle sanction patrimoniale ('obligation aux dettes sociales') très sévère qui permet au tribunal, dans certains cas exceptionnels, de condamner des dirigeants (très malhonnêtes ou très imprudents) à payer la totalité du passif de l'entreprise même si les actifs vendus par le liquidateur ont permis de l'apurer partiellement. En pratique donc, cela revient à ce que le dirigeant puisse être condamné sa vie entière à devoir assumer les sommes mises à sa charge, notamment par voie de saisie sur salaires. Autrement dit, c'est son avenir qui pourra être 'hypothéqué'.

Le dirigeant condamné au comblement du passif peut-il déduire de ses revenus les sommes qu'il doit rembourser pour combler les dettes de son ex-société ?
Oui, un gérant majoritaire (mais aussi un p.-d.g. ou directeur général de SA), condamné en comblement de tout ou partie du passif en raison d'une faute de gestion, peut, dans sa déclaration de revenus générale (2042), déduire de la rémunération perçue au titre de ses activités professionnelles (revenu catégoriel et non global), les paiements qu'il est contraint d'effectuer en exécution de sa condamnation.
Cette faculté de déduction fiscale vaut aussi quand le dirigeant de société est poursuivi pour le paiement de dettes en sa qualité de caution personnelle de la société.
Toutefois ces facultés n'existent que si trois conditions sont réunies :
• L'engagement de caution doit se rattacher directement à la qualité de dirigeant qui doit exister lors de la signature du cautionnement (même si tel n'est plus le cas au moment de la mise en oeuvre).
• La caution doit avoir été souscrite dans l'intérêt social (autrement dit pour garantir les intérêts de l'entreprise).
• Le montant du cautionnement ne doit pas être disproportionné avec les revenus du dirigeant au moment où l'acte de caution est signé ; cette condition est réputée remplie si le montant de la caution n'excède pas 3 fois la rémunération annuelle du dirigeant. En cas de dépassement, les sommes versées ne sont déductibles qu'au prorata de la fraction n'excédant pas cette limite. zzz62 GE0607 FC0607

Conseil d'expert
Une question à Agnès Ricard, expert-comptable, commissaire aux comptes et membre du Conseil national de la création d'entreprise

Que conseillez-vous aux hôteliers-restaurateurs désireux de se prémunir contre le risque d'une condamnation financière supportée en raison de
leur qualité de dirigeant ?

Un dirigeant de société (quelle qu'en soit la taille) peut se protéger contre toute condamnation pécuniaire résultant d'une réclamation mettant en jeu sa responsabilité civile individuelle, imputable à des fautes professionnelles (réelles ou alléguées), commises dans l'exercice de ses fonctions de dirigeant. Pour se prémunir contre le risque d'une telle sanction financière, les hôteliers-restaurateurs ont la faculté de souscrire une assurance responsabilité civile (RC) du mandataire social personne physique. À ne pas confondre avec la responsabilité civile de la personne morale inscrite dans un contrat d'assurance Iard. En effet, celui-ci ne couvre que les fautes ou négligences des préposés (salariés) à l'exclusion de la responsabilité civile du dirigeant personne physique, qui, dans le cadre de ses fonctions de dirigeant, est 'responsable de tout'. L'assurance responsabilité civile du dirigeant personne physique permet à ce dernier de faire face aux sanctions financières prononcées personnellement à son encontre, et notamment à une condamnation au comblement du passif.
Ces produits d'assurance sont proposés pas plusieurs compagnies d'assurances : à ce jour, la compagnie d'assurances AIG Europe en propose un, regroupant une assurance responsabilité des dirigeants et un fonds de prévention des difficultés des entreprises*.

* Pour en savoir plus sur l'assurance prévention des difficultés des entreprises et responsabilité des dirigeants, retrouvez l'article intitulé En cas de difficultés financières, demandez à votre assurance de payer un mandataire ad hoc

 

Bon à savoir
Dans le cadre d'une action en comblement du passif, la sanction financière est habituellement prononcée contre le dirigeant à la suite d'une audience privée du tribunal de commerce (audience en chambre du conseil). Cela est souvent apprécié des dirigeants qui tiennent à préserver une certaine confidentialité.
Toutefois, en cas de difficultés relationnelles avec des intervenants à la procédure, un dirigeant peut toujours demander à ce que l'audience du tribunal de commerce soit publique afin de s'assurer que son dossier est jugé sereinement.

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L'Hôtellerie Restauration n° 3002 Hebdo 9 novembre 2006 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE

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