du 18 janvier 2007 |
ÉDITO |
La haute cuisine face à son avenir
L'occasion
était trop belle. Avec leur élégance naturelle, certains plumitifs
autoproclamés spécialistes de la gastronomie n'ont pas hésité
à commenter sur le ton démagogique du "on vous l'avait bien dit !"
la mise en liquidation judiciaire de la société de Marc Meneau.
Jamais on n'avait assisté à un tel déploiement
(osons le mot) de 'nullitude' à propos d'une décision de tribunal de
commerce. Certes, le chef triplement étoilé de Vézelay fait partie
du 'star-system' de la cuisine, et s'expose donc à l'observation critique
de ses faits
et gestes. La rançon d'une gloire trop éphémère
sans doute.
L'intéressé ayant pris le sage parti de garder le silence,
il ne nous appartient évidemment pas de nous exprimer pour son compte : l'homme
a du caractère, il l'a prouvé lors de la reconquête de sa 3e
étoile, et n'attend après personne pour assurer son devenir. D'autant
qu'en périodes difficiles, qui n'épargnent à vrai dire personne
ou presque, les amis se font rares.
Pour rester dans le monde de la haute cuisine, souvenons-nous
de l'énergie farouche déployée par Pierre Gagnaire ou Marc Veyrat
afin de demeurer au sommet malgré les vicissitudes d'une gestion parfois
délaissée au profit de l'expression de leur art.
Chaque entreprise, surtout à un tel niveau d'excellence
professionnelle, est un cas particulier qui mérite bien évidemment une
analyse approfondie de ses forces et de ses faiblesses pour assurer sa pérennité.
Et ce n'est pas un 'cost killer' expédié par un fonds d'investissement
qui trouvera la solution susceptible de préserver l'âme d'un restaurant
gastronomique.
Le regretté Claude Terrail, qui savait de quoi il parlait,
avait lancé un jour, sous forme de boutade - mais en était-ce vraiment
une ? -, "que La Tour d'Argent ne pourrait survivre qu'avec des subventions
publiques !" Certes, des exemples viennent fort heureusement contredire ces
sombres prédictions, des réussites individuelles exemplaires comme celles
de Paul Bocuse, Pierre Troisgros, Michel Guérard, et plus récemment de
Michel Bras, Régis Marcon ou Olivier Roellinger jusqu'aux développements
planétaires d'Alain Ducasse ou des frères Pourcel, la haute cuisine
française a encore un avenir, n'en déplaise à ceux qui, avec
une joie mauvaise, se délectent des mésaventures d'un cuisinier qui est
aussi un chef d'entreprise.
Et à ce titre, c'est l'ensemble de la profession qui doit
s'interroger sur le devenir de ce métier passionnant de l'hôtellerie-restauration,
où rien n'est jamais définitivement acquis face à une clientèle
parfois imprévisible. Et ce ne sont pas les digressions de ceux qui trouvent
toujours le champagne pas assez frais, les mignardises trop chiches et comparent
les prix d'un bistro avec ceux d'un 3 étoiles, qui détiennent une quelconque
once de vérité.
L.
H. zzz80
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L'Hôtellerie Restauration n° 3012 Hebdo 18 janvier 2007 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE