du 15 mars 2007 |
RESTAURATION |
Les 2 étoiles de Léon de Lyon s'éteignent à la fin de l'année
Jean-Paul Lacombe : "Il y aura pour moi une vie après la gastronomie." |
La nouvelle est tombée ce jeudi 8 mars, Journée internationale de la femme, lors d'une conférence de presse donnée par Jean-Paul Lacombe pour la première fois en 35 ans de carrière : le chef doublement étoilé de Léon de Lyon a décidé de reposer sa toque. Très vite, il rassurera son auditoire : "Il y aura pour moi une vie après la gastronomie." La solennité du moment n'a d'égale que l'émotion suscitée par cette annonce dans le milieu de la haute gastronomie lyonnaise.
"Partir la tête haute"
La décision a été
mûrement réfléchie sur une période de 3, 4 ans. Elle n'est
pas liée à un quelconque sentiment d'échec ni à une baisse
du chiffre de Léon de Lyon (actuellement de 2 ME, soit 20 % du chiffre d'affaires
total du groupe). Bien au contraire, "la maison n'a jamais été aussi
belle et la cuisine est à son meilleur niveau, tout comme les bilans, positifs",
insiste Jean-Paul Lacombe. Alors qu'est-ce qui a motivé son départ d'un
métier de passion et de rencontres ? Cette légère amertume de n'avoir
pas atteint la 3e étoile au guide Michelin ? Une grande fatigue
? Rien de tout cela non plus, assure le chef. Simplement la volonté "de
partir la tête haute". En effet, les 2 étoiles sont au zénith
et brillent plus que jamais. Pourtant, Jean-Paul Lacombe ne nie pas le caractère
difficile d'une telle décision : "C'est un métier si prenant et la
maison est à son apogée. Je suis chez Léon de Lyon du matin au
soir depuis toujours, faisant le marché tous les matins." Et d'évoquer
ses inoubliables pauses café avec Bocuse et d'autres chefs lyonnais. Quant
à l'absente au tableau, la 3e étoile : "Elle ne constituait
pas un objectif, et si nous avons constamment essayé d'améliorer le décor,
le confort avec 45 couverts, c'était avant
tout pour la clientèle et pour nous." Mais en fait de 3e étoile,
les 1 400 m2 de Léon de Lyon ont reçu tous les chefs d'État
en exercice : Valéry Giscard d'Estaing, par deux fois François Mitterrand,
Jacques Chirac et, en juin 1996, le dîner du G7 avec tous les chefs d'État,
dont Bill Clinton.
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"Des projets plein la tête"
De riches perspectives pour
son groupe qui constitué de 11 'adresses gourmandes' dont Le Bistrot du Palais,
le Comptoir des Marronniers, la Maison Villemanzy, La Terrasse de Saint-Clair, Le
Petit Léon, le Gailleton et le Bistrot de Lyon, ce chef cuisinier et chef d'entreprise
n'en manque pas. Celui qui, selon Bernard Pivot, "ne sera jamais l'homme des
excentricités gastronomiques, mais se lance le défi de bouger tout en
restant fidèle, de moderniser tout en maintenant la tradition", relèvera
d'autres défis. Jean-Paul Lacombe qui, il y a 57 ans, naquît rue Pléney
sur la presqu'île, là même où il travailla, 35 ans durant,
à entretenir la tradition gastronomique lyonnaise, aussi bien en chef cuisinier
qu'en 'aubergiste du centre-ville' avec ses bistrots, compte bien nous gratifier
de nouvelles formules dont lui seul a le secret. Déjà propriétaire
d'un hôtel en plus de ses restaurants, il n'envisage cependant pas d'élargir
son champ hôtelier. Mais à Lyon ou ailleurs, Jean-Paul Lacombe agrandira
son groupe par la création d'autres 'adresses gourmandes'. Les 25 employés
de Léon de Lyon, pour la plupart, tiennent à poursuivre l'aventure dans
les établissements de leur chef. "Il faut donc trouver une solution en profitant
des possibilités qu'offrent les petits bistrots du groupe", songe celui-ci.
En parallèle, Jean-Paul
Lacombe pourra enfin se consacrer davantage à celle qui n'a jamais failli
dans son accompagnement de tous les instants, son épouse, Fabienne Lacombe.
L'avenir de Léon de Lyon
Qu'adviendra-t-il précisément
de cette prestigieuse adresse, nul ne le sait encore. Pas même le principal
intéressé. Quelles convoitises, quelles ambitions gourmandes pourrait
susciter cet ensemble si harmonieux d'ambiances cosy et rétro, cette farandole
de salons dans une atmosphère intimiste et feutrée où tableaux de
maîtres (Truphémus, Chevrette), et galerie de portraits de cuistots,
côtoient les mets les plus fins ?
Léon de Lyon devra faire
son dernier service le 31 décembre 2007. "Pour l'instant, je ne prends pas
de réservation, précise Jean-Paul Lacombe, Je ne pense pas une
seconde à cette soirée. On aura peut-être à refuser des
demandes, en tout cas, on ne doublera pas les prix, en laissant plutôt aux
gens quelque chose en souvenir de Léon de Lyon, quelque chose qui fasse plaisir."
Car ce n'est pas le plaisir qui a manqué, chez Léon de Lyon, avec des
plats et des spécialités qui ont régalé les plus grands, flattant
des papilles présidentielles, comme cette Printanière salade de pigeon
farci au foie gras, cette Palombe cuite en cocotte, ou, plus hivernal, le Cochon
fermier du Cantal au foie gras
et aux oignons confits, sans oublier la Poularde de Bresse truffée du chef,
encore inégalée. En effet, Monsieur Lacombe, vous pouvez partir la tête
haute, et encore merci d'avoir ainsi éveillé les sens de plusieurs générations.
Sonia
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Léon de Lyon,
plus d'un siècle de gastronomie
Créée en 1904 par le Père Léon, décédé en 1929, la maison fut reprise en 1949 par Paul et Gisèle Lacombe, les parents de Jean-Paul, après trois faillites successives. En 1955, la maison reçoit sa 1re étoile au guide Michelin. À peine 20 ans plus tard, alors qu'il était chef de partie chez Lasserre à Paris et sur le point de rejoindre l'équipe de Maxim's, Jean-Paul Lacombe doit rentrer précipitamment et reprendre en main le restaurant suite au décès de son père. Il se voit accorder une 2e étoile en 1978, ce qui fait de lui, à 28 ans, le plus jeune chef doublement étoilé de France. Ce fut alors un véritable événement pour Lyon. Aujourd'hui, la maison ne peut que se flatter de ses 27 années de 2 étoiles Michelin, ses 25 ans de Relais & Châteaux et ses 15 ans de Tradition et Qualité (les grandes tables du monde) qui comptent seulement 100 membres. Il a fallu 35 ans pour que ce 'petit groupe familial' prenne forme, avec 10 'bistrots de cuisiniers', un hôtel de 30 chambres, un total de 140 employés et un CA de 11 ME. À noter que toutes les sociétés sont bénéficiaires. |
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L'Hôtellerie Restauration n° 3020 Hebdo 15 mars 2007 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE