du 22 mars 2007 |
LE BAIL COMMERCIAL |
SUR LA BASE D'UNE CLAUSE RÉSOLUTOIRE
Expulsion du repreneur du fonds qui en a fait un bar de nuit
Vous allez reprendre un fonds de commerce et le
contrat de bail qui y est attaché. Avez-vous pensé à vérifier que la destination
des lieux, telle que définie dans le contrat de bail, vous autorise à exercer
votre activité ? Illustration à partir d'une affaire récemment jugée par la cour
d'appel de Paris*.
Par
Tiphaine Beausseron et Marc Gaillard, auteur du sujet interactif
Le bail commercial
en CHR sur lhotellerie.fr
L'histoire
L'exploitant d'une
activité de bar et de produits à emporter a vendu son fonds de commerce à une
société qui change d'enseigne et modifie l'activité pour en faire un bar-club de
nuit.
En achetant le fonds de commerce,
l'acquéreur a repris la licence IV et le contrat de bail commercial qui précise
que les locaux sont destinés à être exploités pour une activité
de "vins, liqueurs et vente de produits à emporter (sandwiches, crudités,
plats à réchauffer)".
Le propriétaire des murs estime
que le nouvel exploitant ne respecte pas la destination commerciale des lieux telle
que décrite dans le contrat de bail. Il lui demande de cesser son activité
de bar de nuit sous peine de faire jouer la clause résolutoire du bail, et
donc de mettre fin au bail sans aucune indemnité.
L'exploitant estime qu'il n'a pas modifié
la destination commerciale des lieux dans la mesure où son activité de
bar de nuit permet à la clientèle de consommer sur place des boissons
alcoolisées, et que le bail n'interdit pas de vendre des consommations la nuit.
Il refuse de modifier son activité.
Le propriétaire l'a donc assigné
en justice pour que les juges constatent la résiliation du bail et ordonne
son expulsion.
1re difficulté
d'interprétation
L'activité de "vins,
liqueurs et vente de produits à emporter (sandwiches, crudités, plats
à réchauffer)" interdit-elle de proposer uniquement des boissons
à consommer sur place ?
Non. La cour d'appel estime
que dans la mesure où le fonds cédé comprend une licence IV, et les
mots 'vins, liqueurs' utilisés dans le contrat de bail pour définir l'activité
autorisée, n'interdit pas la seule vente de boissons consommables sur place.
2e difficulté
d'interprétation
L'activité de "vins,
liqueurs et vente de produits à emporter (sandwiches, crudités, plats
à réchauffer)" permet-elle d'exploiter le local comme bar de nuit
?
Non. La cour d'appel juge que
la destination des lieux, ainsi rédigée, exclut totalement une activité
de bar de nuit, d'autant que celui-ci ouvre à partir de 1 heure du matin
et accueille des hôtesses
qui consomment avec une clientèle recherchant leur compagnie sur le mode du
libertinage. Elle constate donc que le nouvel exploitant ne respecte pas la destination
des lieux telle que décrite dans le contrat
de bail. Elle souligne le fait que, même si le nouvel exploitant est en possession
des autorisations préfectorales l'autorisant à ouvrir la nuit, cela
n'y change rien. Le nouvel exploitant n'ayant pas respecté la destination des
lieux, le bailleur est bien fondé à mettre en jeu la clause résolutoire
insérée dans le contrat de bail. L'expulsion du locataire est dès
lors ordonnée sans délai et sous astreinte (*Cour d'appel de Paris, 5.10.2005
16e chambre - section 1).
zzz62 FC0607
Notre conseil Que vous soyez propriétaire de murs sur le point de conclure un bail commercial, créateur ou repreneur d'un fonds de commerce de CHR, ne négligez pas les conseils de spécialistes en baux commerciaux ou en transmission d'entreprises (avocat, expert en évaluation de fonds de commerce de CHR). Même si cela peut vous sembler coûteux et inutile au premier abord, il s'agit pourtant d'un investissement qui peut vous prémunir contre de bien mauvaises surprises. |
L'AVIS DE L'AVOCAT 5 questions à Marc Gaillard, avocat au barreau de Paris et auteur du sujet interactif Le bail commercial en CHR consultable sur lhotellerie.fr
Ce jugement est-il conforme à
la jurisprudence en vigueur ? Quelles leçons doivent en tirer les acheteurs de fonds
de commerce ? Dans cette affaire, les juges ont ordonné l'expulsion du
nouvel exploitant parce qu'il a changé la destination commerciale des lieux
sans autorisation du propriétaire. Comment aurait-il dû procéder
pour avoir le droit d'exploiter un bar-club de nuit sans risquer une telle condamnation
? La solution aurait-elle été la même en l'absence
de clause résolutoire ? Tous les baux commerciaux comportent-ils une clause résolutoire
?
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