du 2 août 2007 |
EN DIRECT DE GRANDE-BRETAGNE |
DE PARIS À LONDRES EN PASSANT PAR DUBAÏ
MOURAD MAZOUZ, MOMO, SKETCH ET LES AUTRES
Mourad Mazouz, 45 ans, entrepreneur autodidacte, restaurateur dans l'âme et de coeur a lancé Momo, il y a dix ans, à Londres, et en a fait une institution. Également créateur de l'indéfinissable Sketch, où il est associé à Pierre Gagnaire, il est devenu une figure incontournable de la scène gastronomique londonienne. Grand angle sur un homme d'instinct qui a soif d'apprendre.
Mourad Mazouz, propriétaire de Momo et Sketch à Londres. |
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Pour Mourad Mazouz, tout a commencé par un voyage. Celui qu'il fit à 15 ans, quand il quitta son Algérie natale à la recherche de ses racines maternelles en France. C'est bien connu, les voyages forment la jeunesse. Et celui-là, lui fit faire ses premiers pas dans le monde des adultes. Très vite, il commence à travailler en laissant de côté la voie des études. Mais cela ne l'empêche pas d'apprendre. De petits boulots en petits boulots, il découvre l'école de la vie, et commence à se créer un réseau de relations amicales et professionnelles. "On apprend de toute expérience, même en faisant le ménage dans les bureaux", affirme-t-il, convaincu qu'il n'est pas bon de monter trop vite les échelons. "Beaucoup de jeunes sortis d'écoles hôtelières briguent des postes de manager à peine leur diplôme en poche et après seulement 2 ou 3 stages. Ils n'ont pas conscience qu'à vouloir grimper trop vite, ils ratent des choses importantes. Rien ne vaut de solides fondations. Pour cela, il faut être prêt à tout pour apprendre le métier", renchérit-il. Et Mourad sait de quoi il parle. À 20 ans quand il s'envole pour l'Amérique, il débute comme 'boss boy' à Los Angeles dans le restaurant de Patrick Terrail (le neveu de feu Claude Terrail ancien propriétaire de La Tour d'Argent à Paris). Il alterne ensuite, au gré des rencontres et des opportunités, des jobs de serveur en Californie, Colorado, New York, Hawaï… Passage de l'autre côté du Pacifique, visite de l'Asie, puis retour en France, cinq ans plus tard, car refoulé par la douane américaine.
Moderniser l'image de la cuisine
nord-africaine
"Des amis m'ont alors
proposé de travailler dans des lieux branchés, mais j'ai refusé.
J'ai préféré aller au plus difficile en travaillant au Petit Lutetia
(Paris VIe) comme serveur, barman, homme de
ménage…" Il a déjà en tête d'ouvrir son bistrot…
ce qu'il fait un an plus tard. Il n'a que 26 ans. Et, avec l'association de son
ami Smaïn, il reprend Le Bascou près de la République : "Un restaurant
de cuisine bistrot parisienne à tendance basque. Mais mon idée était
de le revendre deux ans après pour avoir les moyens de repartir en voyage.
Les six premiers mois, l'établissement était vide, puis il n'a plus désempli.
J'ai fini par le vendre en 1993 parce qu'on m'avait fait une offre intéressante
qui me libérait, et me permettait de voyager à nouveau comme je l'avais
souhaité au départ." Entre-temps, il crée le 404 en 1990. "Je
voulais un restaurant où la cuisine traditionnelle nord-africaine ait toute
sa place sans forcément faire écho au temps des colonies." Le jeune
homme est convaincu qu'on peut savourer des spécialités régionales de son pays natal dans une ambiance jeune et
moderne. Le résultat : décor berbère, lumières tamisées,
boiseries mauresques, dans une bâtisse du XVIe siècle en plein
Marais. Un appel au voyage des sens avec un menu plus spécialement influencé
par l'Algérie et le Maroc. Le succès est immédiat. Le resto devient
très vite un rendez-vous incontournable pour les jeunes branchés du milieu
du spectacle et de la musique. "À l'époque je n'avais pas l'impression
d'innover, je n'avais juste pas envie de me plier à une norme. Je n'ai jamais
cherché à créer un resto branché. Je ne les aime pas,, car
ça se démode, je préfère les valeurs sûres", confie-t-il.
Et pourtant, l'homme, malgré lui, séduit les stars. Après Paris,
c'est Londres qui lui fait un accueil inattendu, et qui dépasse tout ce qu'il
avait imaginé. Aidé d'un partenaire financier britannique, il transforme
d'anciens bureaux d'imprimeurs, en un restaurant 'familial' d'inspiration marocaine.
C'est Momo. Pour l'ouverture, il demande à la quinzaine d'amis qu'il connaît
à Londres d'inviter leurs propres amis. Le restaurant est bondé et la
fête réussie. Quelques jours plus tard, Madonna veut réserver le
restaurant… Mourad n'est pas prêt, mais il se débrouille. L'engrenage
du succès branché est enclenché. La fortune suit.
Momo's en Bref
Effectif :
92
Capacité :
90 places + 1 bar + 50 places pour le Mo Tea Room et Bazaar
Prix à la carte :
9,50
£ (14 E) 19,50 £ (29 E)
CA
:5,3 M£ (7,85ME)
Un minifestival en guise d'anniversaire
Aujourd'hui, la rue est
peuplée de nombreux restos, Momo s'est agrandi d'un salon de thé-brasserie-brocante
à côté, et son bar au sous-sol accueille chaque semaine des concerts
de musique berbère, raï, africaine… Et, dix ans après, le resto
est toujours là, authentique. Comme son créateur. Malgré la gloire
et l'argent, il n'a pas pris la grosse tête. Exigeant, sûrement. Mais
aussi humble, attentif, respectueux de son personnel, et
toujours fidèle à ses convictions. "Pour les dix ans, je ne voulais
pas d'un cocktail classique comme on en voit partout. On a organisé un minifestival
de 12 heures avec concerts et dégustations. 1 700 invités de tous les
horizons étaient présents", raconte-t-il avec l'oeil qui pétille
de plaisir.
Mourad Mazouz est définitivement un restaurateur
au coeur ouvert. "Je reçois 2 à 3 propositions d'ouverture de restaurant
par mois. Encore dernièrement, en Russie on voulait acheter le nom de Momo
pour en faire concept commercial et le décupler… Cela ne m'intéresse
pas. Je suis un artisan, et je n'aime pas reproduire." Il préfère
soutenir des initiatives originales. Comme celle de Vincent Labeyrie et Pascal Aussignac
qui ont créé, grâce à son partenariat en 1998, le Club Gascon,
un restaurant 100 % Sud-Ouest, 100 % tapas… inédit à l'époque,
aujourd'hui 1 étoile Michelin. D'autres projets de resto ? "Oui,
avant la fin de l'année 2007, on va ouvrir 'Derrière', juste 'derrière'
le 404, une sorte d'appartement-bar à mezze plus spécialement dédié
à des fêtes et soirées privées", explique-t-il en avouant
que rien n'est encore très précis. Il laissera les choses évoluer
naturellement…
Rien d'autres ? Il esquive, et préfère
parler de ces jeunes créateurs de vêtements et chaussures qui ont ouvert
grâce son soutien la boutique B-Store qui vend fringues et chaussures sur
Savile Row et le web (bstorelondon.com ) ou encore l'initiative de l'artiste allemand
Carsten Höller qui devrait ouvrir très prochainement à Londres
un restaurant-club de musique zaïroise durant trois mois. "Cette exposition
vivante conçue comme une oeuvre d'art éphémère me séduit",
confie-t-il. Et si non, pas d'autres projets de resto ? À Paris comme on le
murmure ? Il ne veut rien planifier. Mais il reste ouvert. Il rêve à quelque
chose d'un peu fou, de différent, de novateur et d'enrichissant, quelque chose
de stimulant pour l'esprit et les sens, quelque chose qui réinvente la façon de
concevoir la restauration. À bon entendeur…
Tiphaine
Beausseron
zzz99 zzz22v zzz18p
Momo
25 Heddon Street
London W1B 4BH
Tél. : 00 44 (0) 20 743 434 040
momoresto.com
Mourad
Mazouz en resto et en dates
1988
Reprise
du Bascou, à Paris |
PORTRAIT EXPRESS Pascal Sanchez, 38 ans, 'Executif chef' de Sketch Cet originaire ancien élève de l'école hôtelière de Soissons (02) est le premier chef de cuisine à qui Pierre Gagnaire a osé déléguer les rênes de l'un de ses restaurants. Son CAP de cuisine en poche le jeune homme a commencé fort dans les cuisines de Gilles Epié à Paris au restaurant Le Miraville (1 étoile à l'époque) où il a travaillé cinq ans. Puis, c'est Cap Ferrat, la Suisse toujours dans des restaurants 1,2, ou 3 étoiles. Il entre chez Gagnaire en 1996, deux semaines après l'ouverture de son établissement parisien. Ils ne se quitteront plus. Avant de poser ses valises à Londres, il part en stage pendant un an en Espagne, histoire de s'inspirer de la créativité des Espagnols (La Broche, 2 étoiles à Madrid, et El Celler de Can Roca, 2 étoiles à Gérone). Chez Sketch, il commence comme chef de cuisine pour le restaurant gastronomique 'The Lecture Room and Library'.Depuis qu'il est executif chef, il dirige une équipe de 45 cuisiniers et pâtissiers. La moyenne d'âge est de 25-30 ans. Près de la moitié est française, les autres se partagent entre des Australiens, Japonais, Canadiens, Américains, Italiens, Espagnols… Sketch · 9 Conduit Street · London Mayfair, W1S 2XG · Tél. : 00 44 870 777 4488 · sketch.uk.com |
Sketch, entre découverte gustative et voyage de l'esprit
S'il y a bien un endroit à Londres qui
ne ressemble à aucun autre, c'est Sketch. Sketch est un endroit complexe
où se mêlent gastronomie inventive, art en mouvement, décoration
éphémère, expositions permanentes, dans un magnifique immeuble du
XVIIIe siècle de Conduit Street (entre Piccadilly Circus et Oxford
Street). Imaginé par Mourad Mazouz, Sketch fait la part belle à l'invention osée et au plaisir des sens.
Côté papilles, ça émoustille. Aux commandes des 4 différents
restaurants, Pierre Gagnaire, couronné 3e Meilleur chef de cuisine
au monde*, et son chef exécutif et complice sur place, Pascal Sanchez.
Audacieux et persévérants, les deux hommes n'ont pas
abandonné le navire malgré la critique britannique qui s'est déchaînée
contre le concept à l'ouverture
en
décembre 2002. "Nous étions soit trop en avance, soit trop en retard,
soit trop à côté", explique Mourad Mazouz, le propriétaire
des lieux. Aujourd'hui la tempête s'est calmée, et Sketch commence à
devenir une institution comme presque tous les restaurants de Mourad Mazouz.
*Classement 2007 de Restaurant Magazine
Pierre Gagnaire
Pierre Gagnaire est un artiste cuisinier qui cherche à s'émouvoir et à partager dans la création culinaire. Art éphémère dans l'assiette, ces recettes sont conçues pour faire frémir les 5 sens et laisser l'esprit voguer dans la découverte sensorielle. Triplement étoilé pour son restaurant de la rue Balzac à Paris, il a également été classé 3e restaurateur du monde par le magazine britannique 'Restaurant' en 2007. Comme l'art n'a pas de frontière, le talent de Pierre Gagnaire ne pouvait pas se limiter à l'Hexagone. Il se décline ainsi à Tokyo, à Hong-Kong, à Londres, et bientôt à Dubaï et Courchevel. |
Sketch en bref
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Conseils et reportages sur le Royaume-Uni : cliquez ici
Complément d'article 3040p25
Pour retrouver la présentation par Pascal Sanchez des cuisines de The Lecture Room and Library : cliquez ici
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L'Hôtellerie Restauration n° 3040 Hebdo 2 août 2007 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE