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Le marronnier de l'été

A la saison estivale, mais pas seulement, le journaliste s'ennuie devant sa feuille blanche. Le rédacteur en chef, qui a cessé d'écrire depuis des lustres, lui a bien expliqué que c'est l'occasion de faire preuve de créativité et d'originalité, rien à faire. Entre le 1^er et le 15 août, c'est un vide sidéral qui règne sur des rédactions où l'ennui le dispute à la langueur. Dans de telles conditions d'apathie intellectuelle, impossible de stimuler ses neurones au-delà des sempiternelles considérations sur la météo, l'imprudence des vacanciers, le prix de la baguette et le sexe à la plage. Bref, de s'adonner aux paisibles considérations qui permettent de noircir des colonnes à peu d'efforts. Dans le métier, tout folliculaire débutant connaît la pratique dite du 'marronnier' qui ne fait pas vraiment honneur à l'art du journalisme.

Enfin presque, à moins que surgisse inopinément, un dimanche 12 août à 12 h 53, au desk de l'AFP, un rapport de 2005 (il a mis du temps à arriver…) qui dénonce les fraudes aux cotisations sociales dans la profession de l'hôtellerie-restauration.

Et voilà enfin une idée originale, une 'info' percutante sur un thème porteur : mais bien sûr que les hôteliers, cafetiers, restaurateurs passent leur temps à frauder la Sécu, à échapper à l'impôt, à s'abstraire des règles d'hygiène, à rouler le client dans la farine des arrhes et des no shows !

D'ailleurs, le rapport de l'Acoss (Agence centrale des organismes de Sécurité sociale) rédigé, rappelons-le, à l'été 2005, vient opportunément rappeler que les professionnels sont, pour plus de 25 % d'entre eux, des habitués de la fraude aux cotisations sociales - ces affirmations résultant d'une étude dont on ignore la méthodologie (ce point de détail ne semble pas avoir interpellé le permanencier de l'AFP, qui, dimanche dernier, n'était peut-être pas un statisticien confirmé) -, mais qui, selon ses auteurs, qui n'ont pas peur des certitudes, "donne un reflet relativement révélateur de la réalité". Qu'en termes mesurés ces choses-là sont dites…

Bon, vous avez compris qu'il ne s'agit pas ici de prendre le parti des fraudeurs, dont le nombre sera toujours trop élevé en raison des distorsions de concurrence engendrées par le phénomène, et surtout du manquement à la solidarité nationale ainsi constaté. D'autant que les 75 % d'entre vous qui respectent la loi sont les premières victimes des agissements des moins scrupuleux.

En revanche, il est pour le moins surprenant qu'au cœur de l'été, un rapport réalisé, rappelons-le, il y a deux ans, remonte à la surface de l'actualité avec pour seule justification sa qualité de superbe marronnier de la belle saison. Faut-il absolument que la profession fasse ainsi les frais de l'absence d'imagination des médias ? Elle ne mérite certainement pas l'amalgame inévitable qui suivra la publication de ce rapport, dont on voit mal la justification, dans la mesure où il ne propose aucune solution pour résorber ce regrettable phénomène.
L. H. zzz80