du 15 novembre 2007 |
ÉDITO |
La table et le politique
En organisant pendant deux jours, les 12 et 13 novembre, un colloque intitulé
'Gastronomie et politique', la Fondation Auguste Escoffier a visé juste.
La salle, réservée au centre universitaire méditerranéen de
Nice, a accueilli un public nombreux et attentif sur un thème a priori
difficile, à la confluence des sciences politiques, de la sociologie, et
de l'art culinaire qui font finalement bon ménage. Et c'est tout le mérite
de l'équipe conduite par Dario Dell'Antonia et Pierre Gouirand d'avoir motivé
un 'plateau' de qualité pour animer ces journées qui ont également
mis en valeur le rôle public de la profession dans
la vie de la cité, au sens de la Grèce antique, s'entend.
Bon, revenons au centre de vos préoccupations en ce domaine
: aujourd'hui, la politique locale, régionale, nationale et souvent diplomatique
se passe à table. Ce qui ne signifie pas, et André Daguin a eu raison
de le souligner, que le restaurateur est devenu le faiseur de roi ou de conseiller
général. Plus simplement, mais également plus fortement en ces temps
de 'pipolisation' intense du politique, la place de l'hôtel, du restaurant,
voire du bistro, s'est accrue dans les colonnes généralement plus austères
des pages politiques de nos gazettes.
Ce furent le sens des témoignages délivrés à
Nice par les représentants du corps diplomatique, dont deux anciens ambassadeurs
de France qui furent chefs de poste en des représentations prestigieuses à
Londres, Tokyo, Vienne, l'ONU ou Brasilia. Pas moins ! Et les anecdotes ne
manquent évidemment pas sur les convergences indéniables entre les arts
culinaires et les subtilités des relations internationales. Et monsieur
l'ambassadeur d'évoquer la déception d'un président servi par 2 geishas
les plus prisées de Kyoto, mais évidemment d'un âge avancé,
les difficultés à faire preuve d'enthousiasme face à un Chou
En-Lai, Premier ministre de Mao en pleine 'Révolution culturelle' qui servait
abondamment son hôte français de morceaux d'holothuries, une infecte
bestiole de la mer de Chine absolument immangeable, sans oublier les 36 plats d'un
caïd du Tafilalet qu'il ne fallait surtout pas contrarier.
Ou encore des épisodes plus émouvants avec Golda
Meir faisant elle-même la cuisine pour Kurt Waldheim, alors secrétaire
général de l'ONU qui fut bien injustement accusé d'antisémitisme
à la grande surprise des gouvernants israéliens, ou les 'bonnes bouffes'
régulières que diplomates arabes et israéliens, comme ambassadeurs
pakistanais et indiens ou autres ennemis jurés, pratiquent régulièrement
au 'Delegates Restaurant' des Nations Unies à New York. Et pour revenir
à l'Hexagone, la conférence publique animée avec son talent
habituel par André Daguin sur le thème 'La Table et La Politique' nous
ramena à de saines considérations sur le rôle essentiel que la
profession joue dans la vie publique en accueillant sans parti pris tous les
détenteurs d'une représentation ou d'un pouvoir qui aiment tant aller
au bistro, au restaurant ou à l'hôtel.
L.
H. zzz80
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L'Hôtellerie Restauration n° 3055 Hebdo 15 novembre 2007 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE