du 13 décembre 2007 |
VIE PROFESSIONNELLE |
FACE AUX ATTENTES DES JEUNES
FIDÉLISER ET VALORISER, PAS SI SIMPLE !
Les jeunes ont une approche nouvelle de l'entreprise. Ils recherchent en son sein, par exemple, le développement de soi. Le Leaders Club a organisé la semaine dernière à Paris, au restaurant Noura (Ier arrondissement), un débat sur ce thème suivi par une cinquantaine d'adhérents. L'essentiel des débats.
Frédéric Bas (groupe Buffalo Grill), Cécile Sauveur (Synhorcat), Catherine Augereau-Leloup (Groupe Flo) et Philippe Py (Groupe Buffalo Grill). |
Le Leaders Club organise régulièrement des tables rondes sur les sujets d'actualité. La semaine dernière, le recrutement des jeunes était au coeur des débats. Pour en parler : Catherine Augereau-Leloup, directrice emploi/formation Groupe Flo, Cécile Sauveur, directrice adjointe du Synhorcat, Sylvie Soubes, journaliste à L'Hôtellerie Restauration, Frédéric Bas, responsable emploi/formation et Philippe Py du groupe Buffalo Grill. Photo et animation Daniel Majonchi.
• Sylvie
Soubes :
"Nous avons voulu savoir
comment les jeunes percevaient nos métiers, en différenciant trois tranches
d'âges* : les 15/19 ans, les 20/24 ans et les 25/30 ans. On peut dire aujourd'hui
que les 15/19 ans sont attirés par la restauration à près de 54
%. La profession s'est adressée ces cinq dernières années aux collégiens
et les campagnes réalisées ont permis d'autres regards, d'autres lumières
sur la profession. En revanche, les 25/30 restent sur des idées reçues.
La restauration rapide ne passe pas du tout, ce n'est pas une vocation quelle que
soit l'âge. En revanche, ils estiment que la profession est créatrice
d'emplois à 82 %. 80 % pensent qu'un jeune formé à ces métiers
peut obtenir un emploi ; là encore, on est sur d'excellents scores. Les jeunes
pensent aussi que le secteur offre de réelles perspectives de carrière,
on est là sur des fourchettes de 55 à 66 %."
Rémunération et
conditions de travail à revoir
"Là où le
bat blesse, c'est à propos de la rémunération : ils estiment que
l'hôtellerie-restauration est un secteur qui paye mal ses employés et
lorsqu'on les interroge sur les conditions de travail, c'est encore pire. Ils sont
encore restés sur des stéréotypes et, dans les trois tranches d'âges,
la profession est difficile pour eux. Autre question posée à ces jeunes
qui ont 'l'esprit de clan' : 'Conseilleriez à un ami de travailler dans
le secteur ?' Eh bien, et c'est paradoxal compte tenu des clichés qui demeurent,
ils répondent oui à 53 %. Ce sont les plus jeunes qui sont les plus
enthousiastes avec 60 % de réponse affirmative. Seulement 48 % des 25/30 conseilleraient
à un ami de venir travailler dans l'hôtellerie et la restauration.
On s'est aussi intéressé au problème des prix proposés aux clients
dans la restauration. La réponse a été 'trop élevés'
à 61 % , 'comme il faut' à 3 % avec un clivage géographique
auquel on pouvait s'attendre. C'est en région parisienne que les prix sont
jugés les plus sévèrement. Ce qu'il faut retenir, c'est que les 15/19
ans ont une image beaucoup plus proche de la réalité des métiers,
je pense qu'en fait tout le travail qui a été effectué ces trois
dernières années vis-à-vis des jeunes a porté ses fruits.
Et qu'il faut continuer dans ce sens."
"Le 5e employeur
de France"
Cécile
Sauveur, Synhorcat
:
"Je voudrais
d'abord rappeler les chiffres du secteur : c'est une grande famille qui compte 800
000 actifs, plus de 650 000 salariés. Et est aujourd'hui le 5e employeur
de France avec 110 000 entreprises de plus d'un salarié. Au niveau du chiffre
d'affaires, ce sont 42 milliards d'euros. Ce sont réuni 160 000 emplois nets
créés sur dix ans, soit une progression de 30 %. Au niveau de la formation,
31 000 jeunes ont été formés en 2006. À côté de
ça, la profession a affiché en 2006 une expression de besoins de l'ordre
de 56 000 personnes. On a demandé aux entreprises, lors du dernier congrès
national du Synhorcat (lire L'Hôtellerie
Restauration 3054 et 3055),
ce qu'elles mettaient en place pour recruter et fidéliser. On s'est aperçu
que les entreprises travaillent beaucoup aujourd'hui sur le recrutement des personnes
étrangères au territoire français. La profession s'oriente sur
ce biais-là et semble satisfaite de ces recrutements dès lors que toute
la procédure vis-à-vis de la Direction départementale du travail
est mise en place."
"Adapter profil et compétences"
"On a dans un deuxième
temps une tendance au recrutement des personnes porteuses d'un handicap. Sinon,
dans l'idée,
c'est vraiment de trouver des personnes qu'on va former puis faire entrer dans le
secteur. Il y a notamment des développements de partenariat avec de grandes
sociétés d'intérim, pour former des salariés qui n'ont rien
à voir avec le secteur. L'important, c'est de bien adapter profil et compétences.
Autre axe essentiel ensuite, c'est la fidélisation. Ça passe par les
accords de branches, qui sont une stabilité pour le secteur, par des améliorations
des conditions de travail, mais aussi par l'aspect 'parcours professionnel'. De
plus en plus, les entreprises proposent des 'montées en compétences' des
salariés, on essaie notamment de faire reconnaître des diplômes.
Les salariés sont très sensibles à cette démarche, c'est une
vraie valorisation de leurs capacités. Cela est possible via la valorisation
des acquis de l'expérience notamment. Ces systèmes de fidélisation
doivent être davantage affichés. C'est un système de communication
que les entreprises doivent saisir et avoir. "
'Management participatif'
"On s'est rendu compte
que les entreprises faisaient de très belles choses, mais qu'une grande partie
d'entre elles n'osait pas communiquer. Il faut qu'elles s'ouvrent dans ce sens.
Il faut aussi développer le 'management participatif', le terme est pompeux
mais cache un excellent moyen pour les petites entreprises de satisfaire leurs salariés.
Certains organisent un déjeuner avec leur personnel pour savoir s'ils ouvrent
ou non le 24 décembre. Ils l'impliquent dans la vie de l'entreprise. Dans ces
établissements où l'on discute avec le personnel, où les décisions
qui concernent les salariés sont prises avec eux, le turn-over est beaucoup
moins marqué."
Développement personnel
Catherine
Augereau-Leloup, Groupe Flo
:
"Il y a effectivement un
manque crucial de candidats pour nos métiers. Nous nous sommes demandés
comment faire pour attirer ceux qui sont déjà plus ou moins dans le
circuit et les autres. Je vous rappelle qu'il y a 40 % de plus d'offres d'emploi
en 2007 qu'en 2006 dans notre secteur. Ce qu'on a découvert, c'est que les
jeunes ont une attente claire à l'égard du monde du travail ; ils n'attendent
pas la même chose que nous, nous attendions auparavant. Ils souhaitent recevoir
et trouver au sein de l'entreprise les moyens de leur développement personnel.
C'est primordial. L'entreprise en soi ne les intéresse pas plus que ça.
Ce qui les intéresse, c'est comment ils vont pouvoir évoluer et se développer
dans l'entreprise. Nous avons ainsi été obligés d'adapter notre
communication, c'est-à-dire leur parler
d'eux et de leur carrière. Pour les fidéliser, il faut leur proposer quelque
chose qui va les intéresser eux. Ils sont à la fois très influencés
par la société de consommation, par le zapping et ils sont très méfiants.
On peut dire tout ce qu'on veut, ils ne nous croient pas comme ça. En résumé,
il faut être transparent, avoir un vrai projet à leur proposer, leur
donner de l'autonomie et leur faire confiance."
Candidature par SMS
"Le salaire ne fait pas
partie des critères. Au travers de chats sur internet, on obtient des renseignements
intéressants sur leurs attentes, leurs motivations. Comme ils ne vous voient
pas, ils n'ont pas de tabous. Lors du dernier chat, on a eu une seule question sur
les salaires, alors qu'on peut atteindre 800 contacts en deux heures. C'est un moyen
de communication extraordinaire. On est en train de faire une autre expérience
: communiquer avec eux par téléphone mobile. Vous mettez un numéro
et eux envoient leur candidature par SMS. Depuis quinze jours, j'ai 8 candidatures.
Concrètement, il faut s'adapter aux moyens de communication des jeunes. Les
gens ont besoin qu'on aille les chercher. On dépose le CV sur le net et c'est
à vous (à l'employeur potentiel) d'aller le chercher. Nous, nous n'avons
pas de tabou non plus : dès lors qu'on est clair quand on cherche un collaborateur,
il n'y a pas de souci. "
Valoriser l'expérience
"Quant
à la fidélisation, elle passe d'abord par une bonne intégration, dès l'arrivée.
Chaque collaborateur a un tuteur et des parcours qu'on a normés. Même si le
nouveau salarié rentre pour un poste d'encadrement, il va pendant un mois porter
des assiettes et on va lui expliquer pourquoi il se rode à ce poste ou à
un autre. Aujourd'hui, on a descendu notre taux de turn-over de manière significative.
On est passé de 200 % à 60 %. La dernière chose aussi que voudrais
souligner, c'est le partenariat que nous avons mis en place avec l'académie
de Versailles sur la validation des acquis d'expérience. Nous proposons à
nos collaborateurs qui ont le savoir-faire, les capacités et le niveau de le
formaliser grâce à la VAE. On va les accompagner dans leur projet et
les aider à passer un diplôme, qui peut être de niveau bac, BTS,
master, etc. C'est un système gratifiant pour eux et pour l'entreprise. Ça
motive tout le monde et c'est très simple à mettre en route."
Des formations spécifiques
Frédéric
Bas, groupe Buffalo Grill
:
"On a eu de gros challenges
en 2007. On a ouvert 17 restaurants et on prévoit 20 nouvelles ouvertures en
2008, soit 400 personnes à recruter et à former. Évidemment
ce sont des implantations sur tout le territoire français. Nous recrutons
sans expérience que ce soit en cuisine ou en salle, car nous avons mis en place
notre propre système de formation. Ces parcours là durent dix semaines
et les candidats obtiennent une validation (Afpa). Cela se passe par module et ils
ont trois ans pour obtenir leur diplôme. Ils conservent leur statut de demandeur
d'emploi durant cette période. À l'issue, on les embauche en CDI à
temps plein. C'est une politique qui permet d'avoir des gens parfaitement formés
à nos spécificités. L'autre axe, ce sont les contrats 'pro et apprentissage',
on va privilégier les CQP [certificats de qualification professionnelle, NDLR]
de la branche. Pour des postes de serveurs, d'agents de restauration ou d'assistant
d'exploitation, c'est-à-dire nos futurs assistants managers, c'est vraiment
important que l'évaluation repose sur l'entreprise. Le problème de la
filière de formation, c'est qu'elle reste axée sur les métiers de
la restauration traditionnelle et assez peu sur les métiers de la restauration
commerciale. "
zzz76v
*Enquête Ifop novembre 2007
Complément d'article 3059p32
Pour retrouver l'enquête Ifop : cliquez ici
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L'Hôtellerie Restauration n° 3059 Hebdo 13 décembre 2007 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE