du 13 décembre 2007 |
ÉDITO |
Classement sans suite
Dieu
merci, nous n'avons pas beaucoup de mémoire. Sinon, la chaîne de
restaurants Buffalo Grill serait encore aujourd'hui dirigée par d'épouvantables
négriers, trafiquants de main-d'oeuvre clandestine, esclavagistes de haut vol,
et on en passe.
Essayez de vous souvenir : au début de l'année, ce n'est
pas si lointain, on assiste à un lynchage médiatique en règle de
l'entreprise à la suite d'un contrôle de police qui décèle
l'emploi de salariés en situation irrégulière, c'est-à-dire
sans documents leur permettant de résider et de travailler en France. Comme
vous l'avez remarqué en d'autres circonstances, ce n'est jamais, aux yeux des
médias, les intéressés qui sont coupables d'infraction à la
loi. C'est, au choix, la "répression policière", le ministère de
l'Intérieur qui prétend faire appliquer les lois de la République,
sans oublier les patrons avides de personnel à bas coût.
Le cas de Buffalo Grill est, hélas, une parfaite illustration
de ces excès qui donnent lieu par voie de presse à de véritables
procès d'intention où le coupable est désigné d'office par d'impitoyables
procureurs, donneurs de leçons et autres professionnels du droit de l'hommisme
à bon compte. Ce fut un déferlement de reportages sur les chaînes
de télévision aux heures de grande écoute, le témoignage émouvant
du cégétiste de service qui eut enfin son quart d'heure de gloire médiatique,
les condamnations sans appel par des journalistes investis d'une mission salvatrice
de l'humanité souffrante.
Et puis, bien sûr, on passe à autre chose,
le jugement a été rendu, l'entreprise déstabilisée - on le serait
à moins - par cette vague inattendue, et définitivement condamnée
sans le moindre commencement de preuve. Mais ce n'est pas cela qui interpelle les
petits procureurs qui s'époumonent depuis le Café de Flore, pour reprendre
l'expression du président de la République (ce n'est pas le Café
de Flore qui est en cause…).
Plus grave : la semaine dernière, la justice a rendu dans
l'affaire Buffalo Grill une décision totalement passée inaperçue.
En effet, les magistrats chargés de se prononcer sur l'opportunité
de poursuivre l'employeur pour emploi de travailleurs en situation irrégulière
a décidé de 'classer
sans suite' le dossier instruit à l'encontre
de l'entreprise.
Et là, c'est le silence le plus absolu. Aucun des
Fouquet-Tinville autoproclamés de l'hiver dernier n'a cru bon de relever l'information
selon laquelle Buffalo Grill est lavé de toute implication dans ce qu'on avait
qualifié à l'époque de trafic de main-d'oeuvre, les accusateurs
publics ne craignant pas les abus de langage.
Aussi, au cas où une telle mésaventure vous arriverait
(nul chef d'entreprise n'est à l'abri), il vaut mieux s'en remettre à la
sagesse des instances juridictionnelles et ignorer les déferlements d'outrances
médiatiques. Plus facile, il est vrai, à dire qu'à faire, la 'communication de
crise' étant par définition un art difficile et inhabituel.
L.
H. zzz80
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L'Hôtellerie Restauration n° 3059 Hebdo 13 décembre 2007 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE