du 3 mai 2007 |
HISTOIRE DE TRIBUNAUX |
Les attentes de votre clientèle ont changé, et vous souhaitez modifier votre activité, même légèrement, pour y répondre. Vérifiez au préalable que votre bail ne vous l'interdit pas, ou vous pourriez avoir de mauvaises surprises. Illustration à partir d'une affaire récemment jugée par la cour d'appel de Paris.
Tiphaine Beausseron avec Marc Gaillard, avocat au barreau de paris et auteur du sujet interactif 'Le bail commercial en CHR' sur www.larestauration.fr
Jugée par la cour d'appel de Paris
L'andouillette l'emporte sur le croque-monsieur
L'HISTOIRE
: Le contrat de bail de l'exploitant d'une brasserie précise que les lieux
sont destinés à une activité de "bar, vins, liqueurs, snack-bar".
Avant d'accepter de renouveler le bail, le propriétaire fait faire une
expertise pour évaluer la valeur locative des lieux. Suite à cette
visite, le propriétaire prétend qu'il vient de découvrir que l'activité
exercée est de la restauration traditionnelle. Il estime que cette activité
n'est pas une activité de "bar, vins, liqueurs, snack-bar", et décide
de faire jouer la clause résolutoire du bail qui lui permet de mettre fin
au bail sans aucune indemnité. Pour se défendre, l'exploitant saisit
le tribunal pour faire constater que son affaire est exploitée conformément
aux termes du bail. LA
DIFFICULTÉ
:
Le bail limite l'exploitation des lieux à une activité de "bar,
vins, liqueurs, snack-bar". Cette définition interdit à l'exploitant
d'en faire un restaurant traditionnel. Si une activité de restauration traditionnelle
est constatée, le propriétaire peut obtenir la résiliation du
bail sans délai ni indemnité. Les parties se penchent donc sur la liste
des plats affichés à la carte. |
Le tribunal en faveur du propriétaire
Le propriétaire estime que l'activité
de snack-bar se caractérise par la rapidité du service et la simplicité
des plats proposés à la consommation rapide, et que l'offre d'un petit
salé aux lentilles, d'une poularde au riz ou d'un confit de canard ne répond
pas à ce qu'attend la clientèle d'un snack-bar désireuse d'omelettes,
de saucisses frites et de croque-monsieur. Pour lui, il s'agit donc de restauration
traditionnelle, et cela justifie la résiliation du bail. En première
instance, le tribunal donne raison au propriétaire en estimant que certains
plats affichés à la carte sont des plats de cuisine traditionnelle.
Il condamne l'exploitant à retirer les plats de cuisine traditionnelle de
sa carte sous peine de résolution du bail sans indemnité via la clause
résolutoire. Mais l'exploitant n'accepte pas cette décision et saisit
la cour d'appel.
Mais
la cour d'appel donne raison à l'exploitant
La cour d'appel estime que la notion de
snack-bar correspond à "toute cuisine rapide à préparer, donc
à servir, la rapidité englobant désormais des préparations
en conserves prêtes à servir après un simple réchauffement".
Au contraire, "la cuisine traditionnelle se caractérise par de la cuisine
élaborée ou mijotée (longue durée de cuisson, plats macérés
avant cuisson ou sauces délicates à lier)".
Elle constate que les plats affichés à la carte "sont
tirés de boîtes de conserve que l'on réchauffe (petit salé
aux lentilles, poularde au riz ou confit de canard) ou qu'il suffit de faire
griller (steak au poivre, pavé de rumsteck, côte d'agneau ou andouillette)".
Elle remarque par ailleurs que ces plats sont très minoritaires sur la carte.
Elle en conclut que l'exploitant ne propose pas de la cuisine traditionnelle,
mais des plats de petite brasserie, et que cette qualification entre dans la
notion de snack-bar. Elle juge donc que l'exploitant respecte la destination
de "bar, vins, liqueurs, snack-bar" telle que définie dans le bail,
et le propriétaire n'est pas fondé à faire jouer la clause
résolutoire.
(* CA Paris, 26.10.2005, 16e chambre - section A).
L'AVIS DE L'AVOCAT Questions à Marc Gaillard, avocat au barreau de Paris et auteur du Sujet Interactif 'Le bail commercial en CHR' consultable sur www.larestauration.fr
La cour d'appel a rendu une décision après avoir donné sa propre
définition de la cuisine traditionnelle et du snack-bar, tout en jugeant que
l'activité de petite brasserie entrait dans celle de snack-bar. Une autre cour
d'appel aurait-elle pu avoir un avis différent ? La
Cour de cassation pourrait-elle infirmer l'arrêt de la cour d'appel et condamner
l'exploitant à la résolution du bail ?
Dans
cette affaire, tout est parti d'une visite des lieux pour une estimation de
la valeur locative. Quelles leçons peuvent en tirer les exploitants ? Dans
cette histoire, c'est l'exploitant qui a pris l'initiative de saisir le tribunal,
alors qu'il aurait pu attendre que le propriétaire saisisse lui-même
le tribunal pour faire jouer la clause résolutoire. Est-ce une pratique
que vous conseillez ?
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L'Hôtellerie Restauration n° 3027 Magazine 3 mai 2007 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE