du 28 février 2008 |
PATRIMOINE |
STRATÉGIE DE GESTION D'HÔTELS
Murs et fonds : idylle ou couple infernal ?
C'est dans l'air du temps. Au cours de l'été 2007, la chaîne B&B Hotels vendait une partie de ses murs au fonds d'investissement ANF après avoir racheté Villages Hotels. Le groupe Dynamique Hôtels annonçait lui d'autres projets de rachats, après ceux de Géo, Balladins et Akena. Au sein du groupe Accor, également, on annonçait en décembre une nouvelle cession des murs de 57 hôtels du groupe, après une première annonce en septembre… Effet de mode ou stratégie de groupe ? Le phénomène est-il duplicable pour tous, chaînes et indépendants ? Quelle logique économique pousse-t-elle les entreprises à vendre leurs murs aujourd'hui ?
Georges Sampeur, d.g. de B&B : "Un besoin important de liquidités." |
Dans un contexte économique satisfaisant, les hôtels affichent au cours de l'année 2007 d'excellents taux d'occupation, après les très bons scores de 2006, à savoir 72 % (en hausse de 2,9 points par rapport à 2005), tout en bénéficiant d'une bonne dynamique touristique internationale, avec une augmentation annuelle de 4 à 5 % d'après l'Organisation mondiale du tourisme. Surfant sur cette croissance, les hôteliers veulent accélérer leur développement en augmentant le nombre d'unités au sein de leur groupe, afin d'acquérir une taille stratégique par rapport à la concurrence internationale. C'est ce qu'affirme Georges Sampeur, directeur général de la chaîne B&B Hotels : "Nous avons un besoin très important de liquidités pour lancer notre politique de développement. Pour cette raison, nous avons vendu à ANF 159 murs de nos hôtels pour un montant de 471 millions d'euros. Nous restons cependant locataires de nos hôtels et nous en assurons le management." Cette politique devrait ainsi permettre au groupe d'ouvrir une filiale en Pologne, de se développer sur les marchés nouveaux (Europe centrale) ou stratégiques (Italie et Espagne).
L'exemple Accor : une politique
bénéfique pour tous
Chez Accor, la vente des
murs permet d'assurer le développement du groupe, mais aussi de gommer "la
volatilité des résultats", notamment sur les marques haut de gamme,
plus cycliques, et de se concentrer sur son coeur de cible : le métier d'hôtelier.
C'est en 2005 que fut présentée pour la première fois la nouvelle
politique du groupe, sous le nom de 'asset rights'. Le groupe choisissait alors
plusieurs types d'actions :
Le dispositif reçut l'accueil
unanime des actionnaires. Le marché financier apprécia cette politique,
sanctionnée par un cours de Bourse en hausse de 60 % environ depuis 2005. Pour
Jacques Barré, directeur financier hôtellerie France, le système
mis en place est bénéfique pour tous :
pour les fonds d'investissement
immobiliers (Foncière des Murs, AXA…), la qualité des hôtels
cédés, la signature
Accor et ses performances de gestion répondent à leurs exigences d'investissement
;
pour les actionnaires (comme Colony Capital,
entré dans le groupe Accor et qui détient début 2008 plus de 10 %
du capital), la valorisation du cours de la Bourse est tout à fait satisfaisante.
Accor reste toutefois une des seules sociétés hôtelières à
détenir une partie significative de ses actifs, quand les autres ne sont que
gestionnaires, avec une valorisation boursière sous-cotée, donc riche
en potentialité de développement ;
pour le groupe Accor, la cession
des murs permet, d'une part, de s'affirmer comme un excellent gestionnaire, et,
d'autre part, de pouvoir assurer son développement à l'international
en libérant les liquidités. Pour le groupe, il s'agit surtout de s'implanter
dans les pays émergents (Chine, Inde) et, en France, de valoriser les fonds
de commerce (via la franchise). L'objectif de développement mondial du groupe
reste d'ouvrir 200 000 chambres d'ici à 2010.
Pour autant le groupe ne souhaite pas
céder la totalité de ses actifs : "Nous avons nous-mêmes fixé
les limites. D'ici 2008, 30 % de nos hôtels gérés seront en pleine
propriété ou en loyer fixe, 15 % seront sous forme de contrats de management,
25 % sous forme de contrats variables, et le reste en franchise", souligne Jacques
Barré.
Groupes et indépendants, des stratégies
divergentes Selon Richard
Livet, responsable tourisme chez Oseo, la séparation murs et fonds en hôtellerie
n'est pas réellement une nouveauté, et elle était même souvent
la règle, pour des raisons juridiques et fiscales. |
De nombreux avantages pour
les indépendants
Pour l'hôtelier indépendant,
si la logique économique reste la même, la motivation profonde qui le
pousse à vendre ses murs est surtout liée à une stratégie
de constitution puis de transmission de patrimoine, et répond à trois
critères : économique,
Une décision mûrement
réfléchie
Toutefois, cette décision
de choix du statut juridique doit être réalisé dès la création
de l'hôtel, explique un expert-comptable spécialisé, car de réaliser
cette opération de disjonction des murs et du fonds en cours d'exploitation
est beaucoup plus coûteuse : droits d'enregistrement de 5 % sur le prix de
vente en cas de cession du fonds de commerce, frais de notaire en cas de vente de
l'immeuble, impôts sur les sociétés à hauteur de 33,33 %
sur les plus-values, etc.
Par ailleurs, acheter un hôtel
dans sa totalité, pour une revente ultérieure, se justifie totalement
étant donné l'augmentation du foncier
dans
les centres urbains (Paris notamment) à condition, bien sûr, de disposer
du capital. "L'un de mes clients a acheté sur Paris son établissement,
murs et fonds, il y a dix ans, pour une valeur de 600 000 euros. Aujourd'hui, il
en vaut 2,5 millions d'euros", illustre ce comptable. Un exemple loin d'être
isolé, si l'on estime que les hôtels parisiens ont une rentabilité
de 55 % en termes d'EBE (excédent brut d'exploitation ).
En revanche, sur le plan fiscal, il est nécessaire
de prévoir une IRPP en hausse (dans la tranche la plus élevée) si
les murs sont achetés par une SCI. De plus, arrivé à la retraite,
si l'exploitant a vendu son hôtel mais a conservé les murs dans une SCI,
la valeur de l'immeuble sera à prendre en compte au titre de l'ISF car il
ne s'agit plus alors d'un bien professionnel.
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D'autre part, dans le cadre d'une acquisition
globale murs et fonds, étant donné que les prêts immobiliers sont
souvent étalés sur quinze ans, il sera plus difficile pour l'hôtelier
d'emprunter de nouveau pour effectuer les travaux de modernisation (à planifier
tous les sept et dix ans). Comment pourra-t-il donc refinancer ces travaux, pourtant
nécessaires pour préserver la modernité de son outil de travail ?
Aujourd'hui, la prudence reste donc de mise, car ce qui réussit aux uns peut ne
pas s'adapter aux autres. En effet, nous traversons un contexte de grande
turbulence immobilière, où la vente des murs atteint son paroxysme dans le
milieu hôtelier, grâce à un ensemble de circonstances favorables pour effectuer
une opération de ce type : optimisation fiscale pour les acheteurs, augmentation
du coût du foncier, valeurs boursières sous-cotées, conjoncture hôtelière en
pleine croissance… L'avis des spécialistes reste donc de rigueur.
Évelyne
de Bast zzz61 FC0607
Stratégie
de cession du groupe Accor
Mars
2006 : Accor cède les murs de 76 hôtels en France en Belgique et
aux États-Unis, ainsi que sa participation dans Compass Les participations des fonds d'investissement dans la restauration et l'hôtellerie, 2005-2007
2005 Le fonds Eurazeo rachète B&B Hotels au fonds Duke Street Capital. Le fonds Starwood Capital rachète le groupe Taittinger (chaînes Campanile, Première Classe, Kyriad). Septembre : le Groupe Flo change d'actionnariat. Le fonds d'investissements Butler Capital vend pour 140 ME la part du capital qu'il possédait à l'homme d'affaires belge Albert Frères, l'un des actionnaires de Quick. 2006 2007 (Sources : L'Hôtellerie Restauration et L'Expansion) |
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L'Hôtellerie Restauration n° 3070 Hebdo 28 février 2008 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE