du 3 avril 2008 |
ÉDITO |
Quel patrimoine culinaire ?
En
relançant inopinément - personne ne semblait s'y attendre - la candidature
de la gastronomie française au titre de Patrimoine mondial de l'humanité
dans la catégorie "immatérielle", le président de la République
a repris une idée du quinquennat précédent qui paraissait avoir été
enterrée. Ce sont des choses qui arrivent. Mais le retour de cette grave
question, qui n'agite peut-être pas l'opinion publique tous les matins, contient
néanmoins plusieurs contradictions qu'il serait inopportun d'ignorer.
Par définition, un patrimoine correspond à une notion
historique de durabilité, de résistance à l'épreuve du
temps et des modes, figeant le plus souvent dans la pierre, le marbre ou sur une toile, une
oeuvre dont la cohérence esthétique remporte tous les suffrages. Or, la
cuisine est certes un art, mais elle correspond d'abord à la nécessité
quotidienne de s'alimenter du mieux possible. Et donc participe dans le meilleur
des cas à une création éphémère plus difficile à
appréhender que le Taj Mahal ou le château de Versailles.
Certes, la reconnaissance officielle et internationale de notre
immense créativité culinaire que tous les peuples de la planète sont
censés nous envier (mais si, même les Italiens…) contribuerait
à la consécration définitive d'un métier par ailleurs si exigeant.
Et notre gallicanisme gastronomique ne pourrait qu'en éprouver une légitime
satisfaction. Encore faudrait-il savoir de quel patrimoine culinaire il s'agit.
Si c'est pour figer dans une tradition stérilisante les emblèmes désuets
des repas dominicaux à la campagne, l'opération ne sera pas davantage
utile qu'en consacrant les créations les plus fameuses des étoilés
du Michelin. Vaste débat, on en conviendra, qui est loin d'être
clos.
L.H.R.
zzz80
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L'Hôtellerie Restauration n° 3075 Hebdo 3 avril 2008 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE