du 15 mai 2008 |
ÉDITO |
Les bonnes intentions
Aujourd'hui,
gouverner, c'est communiquer, avec tous les risques d'incompréhension, de précipitation
et de malentendus qu'une telle méthode engendre forcément. Certes,
en ces jours de célébration débridée de la 'libération'
de mai 68 qui vit surtout éclater un florilège de slogans aujourd'hui
bien poussiéreux, il est de bon ton chez nos élites qui nous gouvernent
de prendre la parole pour un oui ou un non comme si on était à la tribune
de l'Odéon il y a quarante ans !
Résultat : des annonces inattendues, imprévisibles et
manifestement pas préparées dans n'importe quel domaine, le dernier
épisode de cette course à la déclaration péremptoire concernant
la profession avec l'obligation d'installer des éthylomètres à
la sortie de tous les cafés, bars et discothèques pour les clients incertains
de leur aptitude à prendre le volant.
C'est bien évidemment sous le coup de l'émotion suscitée
par la répétition de tragiques accidents de la route pendant ce long week-end
de Pentecôte que Jean-Louis Borloo, qui a la charge des Transports dans ses
attributions, et pas seulement des OGM, a cru bon d'annoncer une mesure qui est
depuis quelques semaines déjà à l'étude, le projet de décret
d'application devant être soumis au Conseil d'État pour une entrée
en vigueur au 1er janvier 2009.
La précipitation ministérielle est loin de répondre
aux inquiétudes des professionnels qui sont bien évidemment partisans
de toutes les mesures susceptibles de faire cesser le massacre routier hebdomadaire,
mais pas dans n'importe quelles conditions.
Comme l'a souligné Francis Attrazic, vice-président
de l'Umih, les modalités de mise en Ïuvre de cette mesure ne doivent pas créer
de contraintes supplémentaires pour les établissements qui ont une fois
encore le désagréable sentiment d'être désignés à
bon compte comme les responsables de l'alcoolisme au volant.
D'autant que nombre de questions sont loin d'avoir reçu
un début de commencement de réponse : qui va payer l'installation des
appareils (environ 3 000 E l'unité), qui va contrôler leur utilisation,
qui va obliger le client récalcitrant à s'en servir, et surtout, qui
va intervenir en cas d'incapacité manifeste d'un automobiliste à reprendre
la route pour éviter un nouveau drame ?
La question est bien évidemment trop grave pour qu'elle soit
traitée dans l'improvisation et la précipitation dont les instances gouvernementales
sont devenues coutumières. Dans d'autres domaines, moins tragiques il est vrai,
les pouvoirs publics savent avancer lentement. En ce cas précis, il ne faudrait
pas que les meilleures intentions soient gâchées par des subites réactions
à l'événement, des tiraillements dus à la répartition
des compétences ministérielles aux contours parfois incertains.
La profession a toujours fait preuve du sens des responsabilités
en matière de sécurité publique, notamment par sa collaboration avec
les autorités, qu'il s'agisse de la mise en place de la législation
sur le tabac, des dispositifs destinés à prévenir les excès
de consommation d'alcool ou le contrôle des trafics de stupéfiants dans
les établissements. Elle mérite aujourd'hui qu'on lui fasse confiance
sans lui imputer trop facilement les comportements irresponsables des consommateurs.
L.
H. zzz80
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L'Hôtellerie Restauration n° 3081 Hebdo 15 mai 2008 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE