du 30 octobre 2008 |
ÉDITO |
Prohibition sélective
En réglementant les modalités de ventes des boissons
alcoolisées, le gouvernement entend, bien évidemment, lutter contre l'un
des fléaux qui ravagent aujourd'hui une société où les comportements
déviants se multiplient.
Certes, la consommation excessive d'alcool n'est pas un phénomène
nouveau ni exclusivement français, mais les conséquences sanitaires,
sociales et humaines sont telles qu'il faut bien légiférer avant qu'il
ne soit trop tard.
Si l'interdiction de la vente aux mineurs de moins de 18 ans de
boissons alcooliques - selon la terminologie en vigueur - est pleinement justifiée,
elle ne pourra suffire à éradiquer le fléau si elle demeure isolée.
Car un effort de réalisme s'impose : l'amende de 7 500
euros prévue pour le commerçant contrevenant à la loi, cafetier,
épicier ou grande surface, aura un effet dissuasif auprès de l'immense
majorité des intéressés qui respectent la légalité.
Elle sera plus difficile à mettre en oeuvre à l'égard d'une clientèle
déterminée à continuer de consommer plus que de raison.
Un seul cas concret pour illustrer la difficulté de l'application
de cette loi : interdire à un mineur de boire une bière dans un bistrot
ou d'acheter une bouteille de vodka dans un supermarché n'empêchera pas
un jeune conducteur - théoriquement âgé de plus de 18 ans - de dépasser
la dose permise par le code de la route.
De même, l'interdiction des 'open bars', une idée
sympathique rapidement détournée de son but initial pour se transformer
en beuveries estudiantines, permettra d'éviter des comportements excessifs
lors de soirées destinées aux futurs diplômés des universités.
Enfin, à condition que l'esprit de la loi soit respecté et que son application
soit stricte.
En revanche, l'idée farfelue de faire passer le permis d'exploitation
des cafetiers aux commerçants qui vendent des "boissons alcooliques réfrigérées"
n'aboutira sans doute pas à faire baisser le taux d'alcoolémie des assoiffés
invétérés. Comment le fait d'avoir suivi trois jours de stage aura
un effet sur la vente des canettes de bière ou des bouteilles de vin dans les
épiceries ?
Il ne s'agit bien évidemment pas ici de dégager la profession
de ses responsabilités dans la lutte contre l'alcoolisme, sujet de préoccupation
majeure de la santé publique, notamment à l'égard d'un public jeune
et sensible aux 'codes' d'une société parfois mal inspirée.
Mais cette responsabilité ne pourra s'exercer pleinement
qu'en accord fondé sur la confiance réciproque avec les pouvoirs publics
et les consommateurs. Inutile de stigmatiser les cafetiers ou les restaurateurs
tant que le taux d'alcoolémie au volant ne sera pas réduit à zéro.
Dans de nombreux États américains, c'est une loi absolue, et la profession
ne s'en est jamais portée plus mal.
L.
H. zzz80
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L'Hôtellerie Restauration n° 3105 Hebdo 30 octobre 2008 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE