L'Impérial
Palace, fleuron de l'hôtellerie
annécienne, pourrait être un établissement de luxe comme les autres. Les plus
grandes célébrités s'y sont croisées, il a connu des heures de gloires et d'autres
plus sombres. Ce qui fait sa particularité, c'est l'attachement que lui portent
ses habitants, qui se sont battus pour conserver les bâtiments et le parc,
toujours public à ce jour. Tout commence en 1912, quand René Leyraz,
hôtelier de métier, décide construire un établissement de luxe à Annecy et le
baptise l'Impérial Palace. L'homme est pressé, il faut que l'investissement
rapporte vite. Le pari est ambitieux et difficile. La proximité du lac rend le
terrain instable, il faut construire sur des pieux. La profondeur de l'eau, à
hauteur du bâtiment, ne permet pas d'accoster. Mais les tacherons font
merveille et le 14 juillet 1913, après dix mois de travaux, le palace ouvre
enfin ses portes. Fastueux, il crée l'événement dans la haute société. Le
mobilier et les tentures proviennent des magasins du Louvre pour un million de
francs or, une somme faramineuse à l'époque.
Célébrités
L'Impérial Palace devient la
résidence d'été des têtes couronnées et des grands de ce monde, venus goûter au
charme des Alpes françaises. Sacha
Guitry, la famille Peugeot, le bey
de Tunis, le sultan du Maroc, George VI (futur
roi d'Angleterre) et bien d'autres y ont leurs habitudes. Mais les fastes de l'Impérial
se heurtent vite à la conjoncture. Dans les années 1930, il connaît son premier
revers. Revendu puis réquisitionné pendant la guerre par les Allemands, il
devient un hôpital militaire et un centre de tri des prisonniers.
L'après-guerre lui apportera
ses derniers clients prestigieux : Winston
Churchill, Édith Piaf, Charlie Chaplin. La bâtisse reste
malgré tout difficile à rentabiliser. Les dettes s'accumulent et en 1958, les
propriétaires, acculés, décident de le revendre en appartement. C'est un lever
de bouclier général. Les Anneciens refusent de perdre ce qu'ils considèrent
comme leur parc. En 1967, la ville achète l'ensemble de la propriété, une
opération jugée d'utilité publique en conseil municipal. Les Anneciens ne
voudront plus jamais y renoncer.
La renaissance
Le bâtiment est, malgré tout, mis
en vente, mais les deux conditions imposées par la municipalité découragent les
acheteurs. Ceux-ci doivent accepter la non-privatisation du parc et la
conservation de l'exercice hôtelier. Incendié en 1981, ouvert à tout vent,
infiltré d'eau, l'Impérial Palace attend durant vingt-cinq ans sa
réhabilitation. Enfin, le groupe allemand Hopf relève le gant, réhabilite l'hôtel,
créé un centre de congrès et un casino. En décembre 1990, l'hôtel renaît de ses
cendres et accueille ses premiers clients.
Vingt-trois ans plus tard, en
2013, le groupe Hopf le revend à PVG, un groupe hôtelier local. Ses dirigeants,
Gaston et Olivier Pollet-Villard, connaissent l'histoire et acceptent la
règle du jeu. Un programme d'investissement de plus de 5 M€, est
entrepris, un spa ouvert à la clientèle extérieure est créé. "Je veux que
les habitants d'Annecy continuent à fréquenter cet hôtel. Les locaux sont un
atout, une base de fonds de commerce, surtout entre saisons", explique Philippe
Gourgaud, directeur général. Dans le parc, devant la terrasse l'hôtel, là
où dînait Churchill ou Charlie Chaplin, les petits Anneciens jouent au ballon
ou font du vélo sous l'oeil surpris et amusés des clients. "Cette mixité ne
pose pas de problème. C'est le parc des Anneciens, ils en prennent soin."
Publié par Fleur Tari