Michel Sarran, du gastronomique au consulting
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Toulouse (31) Connu pour son restaurant gastronomique toulousain, le chef a développé depuis une dizaine d’années une société de conseil qui lui permet d’envisager l’avenir sereinement.
“Nos métiers sont très proches du fonctionnement de la haute couture avec le restaurant gastronomique, peu ou pas rentable, et le reste, le prêt-à-porter ou l’accessoire, dans lesquels on va chercher la rentabilité”, explique, réaliste, Michel Sarran. À 48 ans, le chef originaire du Gers est à la tête d’un restaurant gastronomique à Toulouse auréolé de 2 étoiles Michelin et de 4 toques au GaultMillau. Sa table, qui fêtera ses quinze ans en juin prochain, fut pendant quelques années la seule étoilée de la Ville rose. Le restaurant qui porte son nom emploie aujourd’hui une vingtaine de personnes, dont la moitié en cuisine, et tourne à plein régime. Le chef y consacre trois jours par semaine, élabore la carte et crée les nouveaux plats, mais a confié les clés de la cuisine à son second, Xavier Blancou. Les deux jours restants, il les dédie à ses activités de consulting, qu’il exerce depuis dix ans.
“On est venu me chercher, raconte-t-il, je n’étais pas du tout dans cette logique. J’avais cinq ans d’activité, une étoile Michelin et ce premier contrat est arrivé par hasard.” À cette époque, le président d’Airbus cherchait un chef étoilé pour s’occuper de sa salle à manger, Le Club. On est venu le voir et on lui a fait comprendre qu’il fallait qu’il s’associe à un groupe de restauration s’il voulait avoir une chance de remporter le marché. Le groupe de restauration Elior, par le biais de sa filiale haut de gamme Arpège, a approché Michel Sarran. Ensemble, ils ont remporté l’appel d’offres et défini le type de contrat qui allait les unir. “Le chef est mon salarié, le reste des équipes est employé par Elior. J’étais un peu perplexe face à un groupe, je ne voulais pas perdre mon autonomie. Le fait d’avoir le chef comme salarié était un vrai contrepouvoir pour moi au départ, par méfiance. Mais aujourd’hui, ça fonctionne très bien comme ça. Nous avons bien déterminé les fonctions de chacun : Elior s’occupe de la gestion et du fonctionnement, moi j’ai demandé un pouvoir décisionnel sur tout, la cuisine, les produits, les équipes, les arts de la table… C’est spécifié dans le contrat et, au final, avec un groupe de restauration, on arrive à faire une cuisine d’un niveau une à deux étoiles Michelin, ce qui était demandé.”
Un premier contrat qui en appelle d’autres
Ce mode de fonctionnement, Michel Sarran le déclinera dans toutes ses futures activités de conseil. Avec Elior encore (toujours la filiale Arpège), mais à Paris cette fois-ci, où ils gagnent en juillet 2006 l’appel d’offres pour la gestion de la salle à manger de la Fédération nationale des travaux publics. Une première adresse hors de Toulouse prestigieuse, puisque les locaux sont situés sur l’avenue des Champs-Élysées. Le type de contrat est le même et le chef, Frédéric Le Guen-Geffroy, est son salarié.
Quelques mois plus tard, retour sur ses terres, à Toulouse, où les deux acteurs s’associent une nouvelle fois et remportent la gestion de la restauration de l’aéroport de Toulouse Blagnac. Le chef conseille le groupe dans le choix des concessions, celui des fournisseurs et participe à la définition du concept du restaurant Le 8e Ciel, inauguré il y a quelques mois, et à l’élaboration de la carte. Seule exception ici, le chef est employé par Elior.
Les activités de consulting de Michel Sarran avec Elior ne s’arrêtent pas à ces établissements. Depuis un peu plus d’un an, le chef a négocié un partenariat renforcé avec cet acteur majeur de la restauration sous contrat. “C’est une collaboration sur trois ans, en profondeur, afin de mener une vraie action”, insiste-t-il. En somme, il intervient en tant que consultant sur toutes les activités et les branches du groupe qui comprennent les filiales Avenance Entreprises (dont Arpège fait partie), Avenance Santé, Avenance Enseignement et Eliance (restauration de concession). Son rayon d’action va de la formation des chefs à un travail de fond sur les recettes en passant par l’audit des activités du groupe. “Cela m’apporte une sérénité économique et, en même temps, c’est un vrai plaisir intellectuel de faire ça, de travailler par exemple sur les problématiques des cantines scolaires. C’est un secteur qui a besoin d’être défriché.”
Depuis 2002, Michel Sarran conseille également la Brasserie du Stade toulousain avec qui il a passé un contrat en direct et dans les mêmes conditions que celles convenues avec Elior. Depuis 2006, il collabore aussi avec Newrest, une société de catering aérien basée à Toulouse. Cette alliance comprend l’élaboration de 5-6 collections de menus une fois par an pour Air Caraïbes, soit, à chaque cycle, une entrée et deux plats servis en classe affaire sur les vols Paris/Pointe-à-Pitre et Paris/Fort-de-France, et des interventions de manière ponctuelle sur des demandes spécifiques ou des marchés délicats.
Présence constante sur le terrain
Michel Sarran essaie de visiter une fois par semaine les restaurants dont il s’occupe. “Je n’ai pas toujours besoin de le faire, ça marche tout seul, mais je veux montrer aux équipes que je suis là, que je connais les problèmes. De toute façon, je suis en relation permanente et directe avec les sites”, note-t-il. Et côté juridique ? “Le restaurant et les activités de conseil étaient jusqu’à l’an dernier deux sociétés distinctes mais, avec la crise, afin d’anticiper les éventuelles pertes, nous avons créé une structure de type holding avec l’activité de conseil comme société mère et le restaurant comme société fille afin de pouvoir réinjecter de l’argent dans le restaurant en cas de besoin”, ajoute le chef d’entreprise dont la société de conseil compte une demi-dizaine de salariés.
Michel Sarran ne cache pas que ces activités annexes lui permettent d’envisager l’avenir plus sereinement. Et demain ? “Les deux activités sont étroitement liées. Ça m’embêterait de devoir faire un choix entre l’univers 2 étoiles et le fait de toucher à l’industriel. Je sais que certains me critiquent, disent que je vends mon âme au diable mais j’y suis un peu obligé pour faire vivre mon restaurant… Et puis ça fait partie de ma vie d’entrepreneur, c’est une société qui doit vivre avec, toujours, l’espoir d’accroître le CA, d’avoir de nouveaux marchés, c’est une entreprise à part entière même si je suis très attaché à la première, qui vit de manière indépendante”, conclut le chef multi-étoilé.
Julie Gerbet |
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