Benoît Bernard part au top. Il a pris la suite de Ludovic Vantours en 2002, après s'être fait connaître à Tourcoing (59). L'établissement de Lambersart est une ancienne laiterie où, il y a plus d'un siècle, on servait des verres de lait et des tartines… Avec Benoît Bernard, elle est devenue une référence gastronomique au nord de Paris : une étoile acquise en 2006, une 4e toque en 2011, et une nomination du chef pour le titre de 'cuisinier de l'année'. Avec vingt-six salariés et un chiffre d'affaires de près de 2 M€, en progression de 15 %, c'est aussi une belle entreprise. "Un peu trop par rapport à ce que je veux faire", tempère Benoît Bernard, qui s'envole la semaine prochaine pour Madagascar, parle d'acheter un bateau, de faire un tour du monde et peut-être de "reprendre un truc plus cool, pas en France…"
Turbulent, tonitruant, connu pour ses coups de gueule, Benoît Bernard est aussi un homme de coeur. "Avec La Laiterie, tu es obligé d'être sentimental. C'est comme la fin d'une histoire d'amour", souligne le chef qui a proposé son établissement à plusieurs restaurateurs de la région, sans qu'aucun ne soit tenté par l'aventure.
Un nouveau challenge
L'affaire s'est conclue après la rencontre improbable entre l'enfant terrible de la gastronomie et un très respectable chef d'entreprise de la métropole lilloise. "Mais ce n'est pas moi qui rachète la Laiterie, c'est Benoît qui me la vend", nuance le repreneur. À la tête d'un groupe éponyme employant 5 000 salariés et spécialisé dans l'immobilier et la propreté, Pascal Boulanger reconnaît qu'il est novice dans la restauration. "Nous avons plus de dix métiers dans notre groupe et celui-ci n'est pas du tout le nôtre. Mais La Laiterie n'est pas une danseuse. D'abord, je suis un vrai Lambersartois et ensuite pour moi, ce restaurant est un nouveau challenge."
Balayé aussi l'argument des mauvaises langues qui le soupçonnent de lorgner sur le terrain de 2 000 m2 à deux minutes de Lille sur lequel est implanté La Laiterie. Au contraire, il imagine déjà embellir les extérieurs, le parking ou la terrasse. Lui-même ne veillera à la destinée du restaurant qu'avec l'oeil du gestionnaire. En revanche, son épouse Sophie, directrice générale avec Steeven Ramon, le second qui prend du galon (lire encadré), sera bien présente. Elle apportera à la maison quelques touches personnelles et sans doute un peu de féminité. "De l'élégance", corrige Benoît Bernard, autant réputé pour sa cuisine que pour sa façon de rudoyer le client. Surtout présent en salle ces derniers temps, le chef jouait les ogres débonnaires et nul ne savait vraiment à quelle sauce il allait être mangé…
"Il y avait une clientèle qui venait pour lui et une autre qui ne venait pas à cause de lui", note Pascal Boulanger, qui compte sur son propre relationnel, plus 'establishment'. Mais l'idée n'est clairement pas d'oublier le chef charismatique. "Je vais suivre l'histoire, en sous-marin", reconnaît d'ailleurs Benoît Bernard. Son portrait, peint à l'aquarelle par un ami artiste, trônera d'ailleurs toujours dans le salon.
Publié par Marie-Laure Fréchet