Yves Sévenier et son épouse sont des militants du développement durable et du commerce équitable. Ils pratiquent des tarifs accessibles : 16 € à midi, 19 € le soir en semaine et 24 € le week-end. Le restaurant fait le plein, avec 1 000 à 1 200 couverts par mois. Profitant de ce succès, le couple se lance un nouveau défi en 2011. Au bio, ils ajoutent le volet social en ouvrant la Table de Cana, à Nîmes (30), restaurant d'insertion. Absorbés dans ce nouveau projet, ils laissent Les Saveurs de l'escale reposer sur les salariés. La clientèle est toujours au rendez-vous, mais les coûts s'envolent et les impayés s'accumulent.
Six mois pour redresser la barre
En 2012, Laurine, la fille d'Yves Sévenier, se destine à une carrière d'expert-comptable, après des études de management et de gestion. Jeune maman de 26 ans, elle est se sent concernée par la qualité de la nourriture et l'environnement. Aussi, elle ne peut se résoudre à voir les Saveurs de l'escale sombrer. Elle décide donc d'épauler sa mère avec ses compétences professionnelles. Elle examine les comptes de son "oeil de comptable et avec le sens 'cost killer' du contrôleur de gestion".
Mi-2012, malgré les 25 000 € de chiffre d'affaires (CA) mensuel, l'entreprise a 100 000 € de dettes et aucune trésorerie. Laurine Sévenier découvre très vite pourquoi : "50 % du CA partait en achat de marchandise et 35 % en masse salariale ; la marge brute était catastrophique !", explique-t-elle.
Les produits sont achetés au coup par coup à une quarantaine de producteurs locaux. Ils nécessitent beaucoup de main d'oeuvre pour être transformés. Sans transiger sur la qualité des matières premières, elle conseille de réorganiser totalement les achats, en diminuant le nombre de fournisseurs. Elle décortique la structure des coûts. Cela conduit à revoir les recettes du buffet pour diminuer la part de protéines animales (plus couteuse) et augmenter l'offre de recettes végétales, ce qui va dans le sens de l'équilibre alimentaire.
Un autre levier d'action se présente avec le départ de deux des cinq salariés, dont le chef cuisinier. Jérémy Fourel, le compagnon de Laurine Sévenier, possède une formation hôtelière. Il a exercé en salle et connaît aussi la cuisine. Gourmand et créatif, il se met aux fourneaux à l'automne, renouvelle les recettes suivant les nouveaux préceptes. La jeune femme continue à conseiller pour assainir la situation financière de l'entreprise. Elle calcule un échéancier de paiement des dettes avec les fournisseurs et les sociétés de recouvrement pour le social, met un point d'honneur à être ponctuelle dans le paiement des salariés. L'exploitation mensuelle devient saine, car le CA n'a pas baissé ; les dettes sont réduites par trois en moins de six mois. Sa recette : "Combiner une vision globale de l'entreprise avec l'attention au plus petit détail, qui permet de réduire les coûts." Elle ne doute pas de la rentabilité à terme de cette formule de buffet bio et décide de reprendre les Saveurs de l'escale.
Nouveau départ en 2013
Depuis le début de l'année, le fond du restaurant a été séparé de l'exploitation. La nouvelle SARL Cotrarest intervient en location gérance. Le loyer versé continue à rembourser les dettes. Laurine Sévenier gérante minoritaire de la SARL, envisage 2013 sereinement. Elle décide de renoncer au label bio sur le restaurant. En effet, le nouveau cahier des charges d'octobre 2012 imposant le contrôle des entrants et sortants est impossible à tenir pour un buffet à volonté.
Elle compte bien continuer à chercher le meilleur des producteurs locaux pour offrir cette qualité à des prix mesurés. "Ultra vigilante sur tout [ses] tableaux d'analyse et de suivi", elle met sa gestion rigoureuse au service d'un projet mené avec "coeur et honnêteté", et insiste sur la nécessité de ne "jamais être en retard dans le paiement du social, ne jamais ignorer la situation... Les relances conduisent très vite aux huissiers".
Publié par Anne Sophie Thérond