L’Hôtellerie Restauration : Vous avez quitté le Plaza Athénée, 3 étoiles Michelin, en 2021, après la fin de la collaboration d’Alain Ducasse avec l’établissement. Qu’aviez-vous envie de faire ensuite ?
Romain Meder : J’avais envie de continuer cette histoire de la naturalité. Je cherchais un projet pour moi, avec un pied à Paris, parce que c’est là que les gens me connaissent le mieux, et un autre à la campagne, pour faire sortir cette cuisine, pour qu’elle gagne le reste du territoire. J’ai un parcours fait d’opportunités, je vis par étape, par rencontres. Je m’interdis juste de m’ennuyer.
Que représente pour vous la naturalité, ce chemin culinaire initié par Alain Ducasse autour d’une cuisine axée sur les légumes, les céréales et le poisson, respectueuse de la planète, et meilleure pour la santé ? Avec Alain Ducasse et Jessica Préalpato, vous l’avez retranscrit dans le livre La Naturalité…
La naturalité, c’est dans mes veines, c’est ma philosophie, mon engagement. J’essaie de planter la graine de cette naturalité dans la tête des personnes qui travaillent avec moi. Après, cela prend ou pas. C’est une réflexion qui doit être dans la tête de tous, c’est l’avenir, pour les chefs d’aujourd’hui et de demain.
C’est une réflexion que vous développez également au sein du restaurant Les Chemins, à Primard ?
Bien sûr. Ici, j’ai la même approche qu’au Plaza, c’est-à-dire une approche radicale de la nature. Aujourd’hui, nous savons que nous devons manger moins de viande : il faut arrêter la surconsommation pour mieux en manger. Il ne faut pas arrêter complètement, car nous devons aussi soutenir les éleveurs. Même chose avec le poisson, il faut s’orienter vers une pêche responsable et arrêter d’acheter le poisson facile. En 2014, nous étions précurseurs, aujourd’hui ces idées entrent au sein de toutes les familles.
Vous êtes désormais installé en tant que chef des cuisines du Domaine de Primard. Continuez-vous à travailler avec vos producteurs du Plaza ?
Bien sûr, on ne peut pas crier haut et fort que l’on a 3 étoiles et abandonner ses partenaires ensuite. C’est une histoire d’hommes. J’ai un attachement particulier envers les femmes et les hommes qui cultivent ces produits. En tant que chefs, nous avons une responsabilité envers ces paysans, nous devons continuer à les soutenir. Un réseau, cela met du temps à se construire, donc j’y tiens. Aujourd’hui, mes producteurs m’envoient ce qu’ils veulent, je leur fait confiance. J’ai également créé un nouveau réseau autour du domaine de Primard. J’ai par exemple rencontré une hélicicultrice [productrice d’escargot]. C’est la première fois que j’en sers !
Comment construisez-vous votre menu ?
Le menu évolue au fil du temps. Dès que je suis prêt avec un produit, on le met à la carte. J’ai une règle, celle de ne jamais changer tous les plats en même temps. Cela nous permet d’être sans arrêt dans un processus de création, qui nécessite de s’adapter tout le temps. Sinon, je m’ennuie très vite. Et je découvre encore des choses, c’est ce qui me passionne. Je travaille avec des produits de manière nouvelle et ensuite, je ne les retravaillerai plus jamais comme ça. Je repars à zéro systématiquement.
On structure le menu en deux phases : une première attaque avec les amuse-bouche et des hors-d’œuvre, en allant du délicat vers des choses avec plus de caractère. Puis on redémarre avec des propositions avec plus de gras comme les escargots, pour remettre le palais à plat et repartir sur des plats qui ont du caractère comme le homard. Même chose avec les desserts. Pour terminer le repas, nous proposons des fruits frais de saison et un morceau de chocolat. On essaie d'amener les clients vers une expérience intéressante.
Quel ton avez-vous souhaité insuffler au service en salle ?
Nous recherchons un service décontracté. Il n’y a pas de code, pas de sens spécifique pour le service. Le seul sens, c’est celui où on ne dérange pas le client. En salle, les équipes se sont approprié les recettes et les présentent avec leurs mots aux clients, ce qui leur permet de rester très naturelles. J’ai la chance d’avoir une équipe curieuse, qui capte la cuisine, avec qui je peux partager toutes mes découvertes. En sommellerie c’est la même chose, on ne se donne pas de limite si ce n’est celle d’être cohérent. Celui qui excellence dans ce domaine, c’est Denis Courtiade. Je compare souvent l’expérience dans un restaurant gastronomique à un manège de Disneyland, type Smallworld. On entre, on est plongé dans le noir pour découvrir un univers féérique, complètement incroyable, hors du temps, avant de revenir à la réalité. C’est ça, l’expérience. C’est accompagner les clients pour les faire entrer dans notre univers.
Qu’est-ce qui vous inspire, au-delà de la naturalité ?
Les épices. J’ai beaucoup voyagé, notamment au Moyen-Orient et en Inde. Cela m’inspire. J’y ai appris cette cuisine des épices. La majorité des chefs ont de l’admiration par le Japon, moi c’est le Moyen-Orient. Il y a un travail incroyable sur les légumineuses et les légumes.
Qu’est-ce qui vous passionne ?
Les légumes. Ce que j’adore, ce sont les produits qui me donnent du fil à retordre, qui ne sont pas dans l’évidence.
Le plat le plus représentatif de votre cuisine ?
La galette de châtaigne, laitue, foie de lotte. Ce ne sont que des produits qui ont une image populaire. Le challenge, c’est de leur apporter de la noblesse, un côté sexy pour séduire le client.
Le produit que vous aimez le plus cuisiner ?
Au printemps, les petits pois. En début d’automne, la courge musquée de Provence. On arrive à lui donner un côté viande. Il faut la brusquer un peu.
Avant de devenir cuisinier, que vous vouliez faire ?
Je voulais être éleveur de cailles. J’ai eu des oies dans ma jeunesse, que je m’étais payé avec mon argent de poche. J’ai un vrai amour pour l’élevage. Je pense que si je n’avais pas été cuisinier, j’aurais surement été paysan.
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Publié par Romy CARRERE