“On a souvent en tête l’image d’hommes préhistoriques dévorant de la viande à pleines dents. Mais en réalité, ils étaient omnivores”, rappelle Emmanuel Perrodin. L’ancien chef du Relais 50 (Marseille) propose un plongeon à l’époque de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs, à l’occasion de trois dîners donnés au sein de la réplique de la Grotte Cosquer (les 23 et 24 février, et le 3 mars). “Il faut faire avec beaucoup d’imagination, car il n’y a quasiment aucune trace de recettes. Mais j’essaie d’être le plus juste historiquement”, confie celui qui a collaboré étroitement avec le préhistorien Gabriel Behara, responsable médiation de Cosquer Méditerranée.
Au menu : huître cuite, tartare de chevreuil, foie fermenté, bison ou lichen grillés, fromage de lait caillé, feuille de mauve à la vinaigrette de silex… “Je me suis interdit d’utiliser des produits trop clivants : du petit gibier comme des écureuils ou des loirs, des insectes et autres limaces, admet-il. En revanche, on travaille beaucoup sur les goûts, qui doivent plus tirer vers le sauvage, l’amertume. La fermentation des viandes leur donne un goût de roquefort. Un œuf cuit au grand froid et maturé, par exemple, donne des goûts plus brutaux que ceux auxquels on est habitué. On sert une cuisine sans sel, alors que nos palais actuels sont habitués aux assaisonnements, et les produits nécessitent plus de mastication.”
Cuisson au feu de bois et boissons primaires
Les sept plats s’enchaînent, sans touche sucrée finale. “Un menu avec le format entrée, plat, dessert n’aurait pas de sens”, note-t-il. En cuisine, la cuisson au feu de bois (grillades, marmites en terre cuite) est de mise. En salle (côté grotte), les recettes sont servies sur des pierres, du bois, du cuir, dans des os… Piques, cuillers en bois et coquillages font office de couverts. Des verres en terre cuite ont été choisis pour les boissons : bières primaires, Jiahu Jiu (boisson à base d’aubépine, de raisin, de riz et de miel de la Maison Ferroni) et Tedj (boisson à base de miel et de houblon éthiopien, l’un des premiers alcools selon les préhistoriens).
“Les gens sont très intéressés par l’expérience, mais ils peuvent être aussi perturbés. J’interviens donc pour expliquer les plats et ne pas perdre les gens. Le travail de médiation est essentiel, glisse Emmanuel Perrodin. Cette démarche permet aux clients et aux futurs professionnels qui nous aident* de voir ce qui fait racine dans ce que nous mangeons aujourd’hui, comme le glanage de coquillages, et les ruptures en termes de goûts, d’assaisonnements et de textures.” Une vraie leçon de (pré)histoire.
*Les dîners sont organisés en association avec les lycées hôteliers marseillais Pastré-Grande Bastide Marseille et Cadenelle, ainsi que les apprentis des jardins du Cloître, pour la production et le service.
Publié par Violaine BRISSART