Entretien entre José Bové et les restaurateurs de l'Umih

Strasbourg (68) La rencontre s'est déroulée au siège du Parlement européen. Trois représentants de la restauration traditionnelle de l'Umih – Hubert Jan, président national de la branche, Jean Terlon, vice-président national et Roger Sengel, président départemental du Bas-Rhin – ont demandé à José Bové son opinion sur le rôle du secteur dans l'alimentation. Chemins croisés, de la terre à l'assiette.

Publié le 04 avril 2013 à 14:27
Pas de champs de maïs dans le collimateur mais la volonté de rapprocher des secteurs dont les aspirations sont tendues vers la qualité, le respect des produits et des consommateurs. Les dirigeants de l'Umih veulent une clarification de l'offre. « Quand le client ouvre la porte d'un restaurant, il ne sait pas quel type de cuisine il va trouver. Il devient primordial d'identifier ce que nous représentons ». Le président des restaurateurs de l'Umih plaide dans ses propos pour une « cuisine de cuisinier, qui fabrique sur place, élabore, travaille à partir de produits bruts ». Si le scandale de la viande de cheval n'a pas tourné à la crise sanitaire, il montre toutefois « l'envers de la production agro-industrielle » note José Bové. Pour lui, ce dossier doit permettre de « réfléchir à froid » devant le cynisme de certaines pratiques et impose de « reconstruire les bases du bien manger ». Cela commence évidement à la maison avec ce constat : « aujourd'hui, les gens ont de très belles cuisines mais ne cuisinent pas » ou encore cet exemple, plus grave et triste, évoqué par l'altermondialiste : « je me suis occupé d' un agriculteur qui était en surendettement et qui avait une cuisine entièrement équipée, avec tout le matériel ménager possible, et quand j'ai ouvert le frigo, il n'y avait que de l'industriel » : sur l'exploitation, pas un poulailler, pas un plan de tomates, pas un arbre fruitier, pas une rangée de salades ou de carottes… Pas de larmes à l'oeil, mais une mise en garde sévère : ne pas se laisser attirer par le chant des sirènes du toujours plus. Le message est à destination des consommateurs. Il est aussi plus large, comme dans la nécessité sans doute de raccourcir la chaîne des circuits de distribution. Le restaurateur a réellement un rôle à jouer dans l'éduction au « bien manger » mais il ne peut pas le faire en sautant les saisons, en usurpant le rythme des productions. Parole de José Bové : l'alimentation – qui est saine, qui ne remet pas en cause l'avenir immédiat ou les générations futures- ne peut fonctionner qu'avec les circuits courts. Dans le débat : la course aux prix. Et ses intermédiaires.  L'homme prend l'exemple du blé. Entre la ferme et le boulanger, autour de 42 intermédiaires… Impressionnant. Surprenant. Quoi que… Une certitude à ce stade, les restaurateurs qui revendiquent un savoir-faire doivent privilégier les circuits courts. Les dirigeants de l'Umih pointent également du doigt un retour aux techniques de base. La formation est sur la sellette. A tort ? A raison ? Les restaurateurs présents à Strasbourg sont des inconditionnels de l'apprentissage, moult exemples à l'appui. Hubert Jan estime et le répète : il existe « un fossé colossal» entre les écoles et les besoins. Le constat est celui d'un passionné, sans doute excessif. Il pose toutefois les fondements d'une prise de conscience générale, en faveur non pas d'un sempiternel colloque mais de passerelles solides entre les différentes institutions. Dans l'objectif : redonner au métier de restaurateur (comme aux paysans ou aux marins pêcheurs) ses lettres de noblesse,  que les professionnels artisans de la restauration se réapproprient l'alimentation et surtout que le discours mené soit cohérent, en termes de santé, de goût, de savoire-faire et même de fiscalité.

Publié par Sylvie SOUBES



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