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du 25 mars 2004 |
GASTRONOMIE
MOLÉCULAIRE |
< Hervé This vous le dit
: l'uf, cuit à 60° et quelque
< Vincent Mary, Ecole
Lenôtre, confirme avec l'oeuf au plat sucré
Hervé This, chercheur INRA au Collège de France en
'gastronomie moléculaire', aime transmettre aux chefs et aux pâtissiers ses inventions
techniques, véritables sources de créativité. L'Hôtellerie
se propose de vous présenter quelques-unes de ces inventions et a demandé à Philippe
Gobet, MOF en cuisine, directeur de l'Ecole Lenôtre et à son équipe, de travailler sur
ces inventions. Vincent Mary, professeur de pâtisserie et responsable des formations
hôtelières, après Eclosion*, nous propose l'uf au plat sucré pour
fêter les prochaines Pâques. zzz44d
Par B. Gutel
L'invention technique d'Hervé This
< L'uf cuit à 65 ° C
"Quand les cuisiniers font cuire un uf mollet,
poché ou dur, ils le plongent dans de l'eau bouillante, donc à 100 °C, et se demandent
combien de temps ils doivent le laisser. En tant que scientifique, je me pose la question
suivante : à quelle température un uf cuit-il ? La cuisson d'un uf est en
effet plutôt une question de température qu'une question de temps, tout simplement parce
que le blanc et le jaune d'uf contiennent de l'eau et des protéines qui coagulent
sous l'action de la chaleur. Les protéines sont comme de minuscules pelotes repliées sur
elles-mêmes qui se déroulent, pour chaque sorte, à une température bien précise : 61
°C, 68 °C, 70 °C... Quand elles sont déroulées, elles s'associent en un réseau qui
ressemble à un filet de pêcheur où sont dispersées (comme le seraient des poissons)
d'autres molécules de protéines, d'eau, etc. Plus la température augmente, plus les
types de protéines déroulées sont nombreux et plus le réseau du filet se resserre.
Ainsi dans le blanc d'uf, composé de 90 % d'eau et de 10 % de protéines variées,
c'est à 61 °C que la première protéine (l'ovotransferrine) commence à se dérouler et
à former un filet très fragile. A 70 °C exactement, une autre sorte de protéine se
déroule et renforce le premier filet. Le gel formé est plus dur. A mesure que la
température augmente, de plus en plus de filets viennent se former et à 100 °C les
ufs finissent par être caoutchouteux. Le jaune se comporte un peu comme le blanc,
mais la première transformation importante se fait à 68 °C. Fort de ces constations, je
me suis alors demandé ce qui se passe quand on met des ufs dans un four à 65 °C.
Comme cette température est supérieure à 61 °C (température de première coagulation
des protéines du blanc) mais inférieure à 68 °C (première coagulation des protéines
du jaune), on obtient des ufs étranges dont le blanc est pris mais délicat et dont
le jaune est resté liquide avec son goût de jaune frais." < Pour
réaliser un uf cuit à 65 °C
- Utiliser un four, un bain-marie ou un bain de cuisson à basse
température dont la température doit être nécessairement supérieure à 61 °C et
inférieure à 68 °C. Vous pouvez mettre autant d'ufs que vous le voulez.
- Laisser les ufs chauffer doucement au moins pendant une heure. Vous pouvez en
effet les laisser plusieurs heures ainsi et les sortir quand vous voulez les utiliser.
- Les écaler comme des ufs durs, mais avec beaucoup de précaution. Ils sont
très fragiles.
Vous verrez que des résultats différents arrivent à 61 °C, 62 °C, 63 °C, 64
°C, 65 °C, 66 °C... Ce serait trop long d'entrer dans les détails théoriques. A vous
d'expérimenter. |
Le dessert de Vincent Mary
< L'uf au plat sucré
"L'uf cuit à 65 °C, de par son étrange texture,
m'a rappelé le Yema de Santa Teresa en Espagne, du jaune d'uf mélangé à du sucre
présenté dans des tonnelets de bois et que l'on déguste dans la rue à la petite
cuillère, ou bien une gourmandise brésilienne, des boules de jaunes d'ufs roulées
dans de la noix de coco et vendues dans du papier journal. Dans ces deux cas, le jaune est
'cuit' par le sucre. Alors, dans ma recette de l'uf au plat sucré, j'ai imaginé de
pocher ce jaune encore mollet et délicat dans un sirop de sucre épicé maintenu à 63/65
°C pour qu'il ne coagule pas. Quant au blanc, je l'ai mélangé tel quel avec de la
crème pour rendre sa texture laiteuse plus soyeuse, et je l'ai parfumé avec du sucre et
de la vanille en gousse." < L'avis de Vincent Mary sur l'uf à 65 °C
- La cuisson de l'uf à 65 °C demande tout d'abord un four ou un bain-marie
très fiable, réglable à 1 ou 2 °C près. Il faut absolument que la température soit
maintenue entre 63 °C et 65 °C. Au-delà, l'uf est trop cuit.
- Une fois cuit à 65 °C, cet uf doit être manipulé avec beaucoup de
précaution. On le casse comme un uf dur au-dessus d'un récipient. Le blanc laiteux
est très facile à récupérer, mais le jaune encore liquide demande beaucoup de
délicatesse.
- La température du sirop ne doit jamais dépasser 65 °C.
- Une fois poché dans le sirop, le jaune chargé de sucre est plus facile à
manipuler et on peut le rouler dans de la noix de coco ou autre.
- Le blanc laiteux peut être utilisé sans cuisson supplémentaire. |
L'uf au plat sucré
Recette de Vincent Mary, professeur
de pâtisserie et chargé des formations hôtelières à l'Ecole Lenôtre
![](LOeufAuPlat.JPG)
INGRÉDIENTS
POUR 4 PERSONNES
- 4 ufs
- 400 g de sirop à 60 % (500 g d'eau + 650 g de sucre)
- 200 g de crème liquide
- 50 g de sucre
- Noix de coco râpée et torréfiée
- 3 pincées de cannelle en poudre
- 3 graines de cardamome verte écrasées. PRÉPARATION
- Mettre à cuire les ufs avec leur coquille
dans un four ventilé à 65 °C pendant 1 heure.
- Ecaler les ufs avec précaution. Séparer les jaunes des blancs.
PRÉPARATION DU JAUNE
- Préparer un sirop à 60 %. Y ajouter la poudre de cannelle et les graines
de cardamome. |
- Pocher les jaunes dans le
sirop aux épices à 65 °C pendant 20 minutes environ. Couvrir le sirop pour éviter
l'évaporation de l'eau et celle des parfums des épices.
- Sortir délicatement les jaunes du sirop. Les égoutter. Les laisser
tiédir.
- Les rouler dans la noix de coco torréfiée. Réserver au frais. PRÉPARATION DU BLANC D'UF
- Lisser au blender les blancs avec la crème, le sucre et la gousse de
vanille.
- Garnir l'assiette avec le blanc.
- La filmer puis faire cuire au four ventilé 15 minutes à 65 °C. Ne pas
dépasser cette température pour que le blanc ne coagule pas. Réserver au frais.
DRESSAGE
- Au moment de servir, déposer le jaune d'uf poché aux épices sur le
blanc refroidi. zzz84 |
|
Pour en savoir
plus
a Hervé This
Tél. : 06 86 49 89 01 ou 01 44 27 13 10 - Fax : 01 44 27 13 56
hthis@paris.inra.fr ou herve.this@college-de-france.fr
a Ecole Lenôtre
Tél. : 01 30 81 46 34 - Fax : 01 30 54 73 70
vincent-mary@lenotre.fr
Gastronomie
moléculaire : une véritable source de créativité
Hervé This, physico-chimiste de l'Inra au Collège de France, est chercheur en
gastronomie moléculaire, une exploration scientifique de la cuisine.
"La gastronomie moléculaire, explique Hervé This, consiste à
comprendre d'un point de vue scientifique ce que les cuisiniers font de façon empirique
et intuitive. Elle cherche, par exemple, à comprendre ce qui se passe quand on fait cuire
un uf ou quand on monte une chantilly. Elle cherche également à tester
expérimentalement les dictons, tours de mains, pratiques et on-dit...ce que je nomme des
'précisions'. C'est ainsi qu'on obtient des informations et des idées qui peuvent avoir
des retombées technologiques, aussi bien dans les cuisines que dans les industries
agroalimentaires.
Je tiens à souligner que les propositions technologiques de la gastronomie
moléculaire, ces inventions techniques, ne font pas ni les plats ni les desserts. Ces
inventions techniques sont mises à la disposition des cuisiniers et des pâtissiers en
tant que catalyseurs de créativité pour inventer des plats originaux avec des textures,
des structures, des saveurs ou des odeurs nouvelles." |
Avec
Hervé This et Christophe Mitray, la gastronomie moléculaire au service de votre
créativité
Art culinaire, émerveillez-moi... avec un spectacle !
Une nouvelle tendance artistique, de la gastronomie moléculaire au
constructivisme culinaire
La science ne menace pas la tradition culinaire française, elle lui permet
d'avancer
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moléculaire
Née d'un soufflé au roquefort, la gastronomie moléculaire transforme
l'art culinaire en science (presque) exacte
Chimie et art culinaire
Une invention technique d'Hervé This : le Chocolat Chantilly
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Restauration n° 2865 Hebdo 25 mars 2004 Copyright © - REPRODUCTION
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