Marseille à 3 heures de Paris en TGV
Inauguré le 7 juin par Jacques Chirac, le TGV Méditerranée ouvre au public 3 jours après. Il place Marseille à 3 heures de Paris et 1 h 35 de Lyon. Pour les professionnels de l'hôtellerie, la donne change. Elle déplace le centre de gravité des établissements, optimise les taux de remplissage et attire de nouvelles clientèles. Elle rend aussi plus évidente le sous-équipement relatif de Marseille et d'Aix.
Vingt ans après Lyon, dix
ans après Bordeaux, Marseille (plus Aix, Nîmes et Avignon) est reliée à grande vitesse
à Paris et Lyon. Pour gagner 1 h 20 de trajet sur Paris et 1 heure sur Lyon, il a fallu
réaliser 250 km de ligne nouvelle pour un coût de 25 MdF. Au passage, la Provence
s'enrichit de 2 gares, Avignon et Aix (Arbois). Quant à Saint-Charles, en travaux
jusqu'en 2003, sa rénovation lui permettra d'accueillir 8 millions de voyageurs, soit 2
millions de plus. Avec 17 fréquences aller-retour par jour entre Marseille et Paris, 7
entre Aix et Paris et 15 entre Lyon et Marseille, le TGV va renverser le rapport de force
avec l'aérien et séduire une partie de la clientèle affaires. Avec 2,4 millions de
passagers sur la ligne Marseille-Orly et 600 000 sur Marseille-CDG, en 2000, l'aérien
réalisait près des deux tiers des déplacements. L'abandon de la ligne Marseille-Orly
par Air Liberté (528 000 passagers, loisirs essentiellement) est finalement une assez
bonne affaire pour Air France. Bernard Bazot, directeur régional, commente : "En
année pleine, on pensait perdre 600 000 passagers. Ce sera beaucoup moins. Une fois
l'effet TGV passé, on ne devrait perdre que 10 à 12 % du trafic." Il ajoute : "Ce
qui me préoccupe le plus pour Marseille, c'est la sous-capacité hôtelière. Elle m'a
obligé à reporter à Lyon la convention d'affaires que je voulais organiser et pour
laquelle il fallait 80 chambres."
Pour réussir, la SNCF avance des arguments de choc. Des temps de parcours raccourcis mais
aussi l'augmentation des capacités : + 6 fréquences quotidiennes aller-retour sur
Marseille-Paris, + 5 sur Marseille-Lyon, 7 arrêts à Aix, jusque-là non desservie. Ce
n'est pas tout, le TGV va 'impacter' 140 destinations, le quart des dessertes françaises.
La SNCF prévoit notamment 6 TGV (+ 1) entre Lille et Marseille, avec un gain de temps de
50 minutes. Elle propose une cadence, toutes les heures ou toutes les 30 minutes en
pointe, un aller-retour dans la journée Marseille-Paris, dans la demi-journée sur
Marseille-Lyon, et, enfin, une tarification agressive. Pour un aller-retour, les tarifs
augmentent de 20 F pour la seconde classe en période normale, de 30 F en heure de pointe
et de 40 F en 1re classe. Enfin, la SNCF s'engage sur une ponctualité (à 10 minutes) à
90 % (87 % à 15 minutes chez Air France) et met l'accent sur le confort et les services :
espacement des sièges, possibilité de ranger des vélos, de recharger ordinateurs et
téléphones portables, mise en service de rames Duplex, salons 'grands voyageurs'...
Un rééquilibrage
Le TGV ne devrait pas seulement prendre des parts de marché à l'aérien (40 % selon la
SNCF), il devrait aussi en prendre à la route, notamment sur Lyon, où 80 % des
déplacements affaires se faisaient sur une autoroute très chargée. Il devrait aussi
conquérir une nouvelle clientèle. Au total, ce sont 6 millions de voyageurs en plus qui
sont attendus, d'ici 2003, "sur l'ensemble du périmètre géographique de l'offre
nouvelle." Ces chiffres sont à prendre avec précaution. Personne ne quantifie
exactement l'impact du TGV. Cependant, tous tombent d'accord pour affirmer que les
retombées en matière de tourisme d'affaires ou de loisirs seront importantes. Sans
compter l'impact sur l'économie.
Marc Thépot, président du CHR 13 pour l'hôtellerie de chaîne, fait ses comptes. Le TO
des hôtels, en semaine, est de 82 à 83 %. Il se décompose ainsi : 85 % sur Aix, 78 à
80 % sur le centre-ville marseillais, 70 % sur les zones périphériques et 90 % à
proximité de l'aéroport. En week-end et période creuse, il tombe respectivement à 65
%, 62 %, 40 % et 55 %. Il déduit : "Le TGV va générer des flux touristiques le
week-end et en période de congé où les disponibilités existent. De l'ordre de 15 % de
plus. En semaine, il permettra une optimisation des hôtels." Il précise : "Pour
la clientèle affaires, les choses sont différentes. Il s'agit d'un transfert. Il
rééquilibre l'hôtellerie marseillaise, très axée sur le Vieux Port, vers les hôtels
de la Gare (Citadines, New Hôtel, Ibis, Hôtel Beaulieu, Mercure Euro-Centre...)
et ceux du Parc Chanot, reliés par métro. Il justifie la construction (rue Charles
Nedelec), d'ici deux ans, de deux établissements de 150 chambres chacun (Suite
Hôtel 3 étoiles, et Etap Hôtel)." Il ajoute : "Les 12 hôtels de la
zone aéroportuaire (956 chambres) ne devraient pas souffrir du report de clientèle. Avec
la gare de l'Arbois, à 10 minutes de l'aéroport, ils restent à un excellent
emplacement. A nous de travailler sur la signalétique et la mise en place d'une
navette."
"Marseille, la plage de Lyon"
Pour la clientèle tourisme, tous, ou presque, sont dans le wait and see avant de
mettre en place des packages. Maxime Tissot, directeur adjoint de l'office de tourisme,
commente : "Le premier enjeu est de communiquer sur la liaison à grande vitesse.
Le deuxième est de proposer une offre commerciale, packagée court séjour, du type train
+ hôtel + activités (plongée, visite de la ville...). Nous y réfléchissons avec le
CHR 13 et le Snav." Il précise : "Proposer une offre commerciale, c'est
bien, mais il faut aussi avoir les capacités hôtelières, donc viser les week-ends et
l'arrière-saison." Mais il tempère : "Il ne faut pas trop exagérer
avec les produits packagés. Après tout, nous nous adressons à une clientèle qui a
l'habitude de voyager et Marseille n'est pas Djerba." Seul bémol à son
enthousiasme, l'heure de fermeture trop précoce des restaurants alors que le métro est
ouvert, cet été, jusqu'à minuit. Pour lui, pas de doute, la clientèle individuelle,
couple et famille, est visée, avec celle des seniors, essentiellement en provenance de la
région lyonnaise. Patrick Menucci, président du CRT PACA, va plus loin : "Marseille
devient la plage de Lyon."
En dehors de la clientèle de week-end, dopée par l'effet 35 heures, le TGV devrait aussi
drainer les touristes atterrissant à Roissy (qui possède une gare). Dans chacune des
missions organisées aux Etats-Unis, au Japon... la liaison à grande vitesse est mise en
exergue.
Pour Georges Antoun, hôtelier et vice-président de la CCIMP : "Ce n'est pas
parce que la Chambre gère l'aéroport qu'elle oublie que 17 trains arrivent en gare
Saint-Charles et 7 à Aix." Il ajoute : "Le TGV amène de la clientèle
nouvelle, dans tous les segments de marché. Il va bouleverser les habitudes. On pourra
travailler à Marseille et habiter Lyon. A nous d'exploiter ces flux et de terminer
l'aménagement de la gare, améliorer la sécurité, soigner l'environnement, augmenter la
capacité des parkings, construire des hôtels..." Et d'insister : "Restons
prudents tout de même, il nous faudra gérer le problème de la sous-capacité
hôtelière de Marseille avec un plan d'investissement hôtelier cohérent et progressif,
et nous en tenir à l'audit de Dominique Vlasto, adjointe au tourisme. Selon ses chiffres,
il manquerait 3 000 chambres à Marseille à l'horizon 2006-2007."
Autre cible, celle des croisiéristes. Ils devraient être 200 000 cette année pour 200
escales dont le tiers en tête de ligne. Pour le Club de la croisière, "Paris, à
3 heures, positionne Marseille comme port d'embarquement. Nous réfléchissons, avec les
armateurs, sur un pré et post acheminement par le TGV". Mieux, d'ici 2003-2004,
le train pourrait décharger les croisiéristes directement sur le port, déjà embranché
fer. Ce serait alors l'explosion tant attendue, de l'ordre de 500 000 croisiéristes,
selon Jacques Truau, le président du Port Autonome. Un vrai pactole pour la ville.
D. Fonsèque-Nathan
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La règle de 3L'équation est connue des professionnels. Au-delà de 3 heures de trajet, l'aérien l'emporte sur le fer, avec 60 à 80 % de part de marché. A 3 heures, la proportion s'inverse. A moins de 3 heures, le train prend 90 % du marché. C'est le cas de Lyon-Paris. A 1 heure, l'avion reste au sol. C'est ce qui vient d'arriver à la ligne Air France entre Paris et Bruxelles. |
Marseille en
manque de chambres
Restauration à Marseille, Hippotamus occupe le
terrain
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L'HÔTELLERIE n° 2721 Hebdo 7 Juin 2001