Les restaurateurs veulent absolument que la TVA baisse sur le service en salle. Mais plutôt que de répercuter cette réduction de la taxe sur leurs prix, les professionnels entendent y trouver le moyen de régler les problèmes de recrutement et de rentabilité.
Une étude exclusive de Coach Omnium pour L'Hôtellerie
Et si la TVA sur la restauration en salle baissait... 98 % des professionnels de la restauration en seraient satisfaits. C'est en tout cas ce que révèle une étude réalisée par Coach Omnium auprès des restaurateurs français (échantillon représentatif de 386 restaurateurs interviewés dans toute la France en juin 2002). En pleine bataille et faisant pression sur les politiques, les restaurateurs voient dans une réduction significative de la TVA, la bouffée d'oxygène nécessaire à leur activité. Pour les plus petits établissements, c'est le plus souvent une question de survie. Pour tous, on espère ce changement de toute urgence. L'enjeu est de taille et le calcul du bénéfice de cette mesure fiscale espérée est simple à faire. Si la TVA sur la prestation en salle passait à 5,5 % au lieu de 19,6 % - ce qui n'est d'ailleurs qu'une hypothèse car on se réfère à la taxe qui existe sur la vente à emporter -, un restaurateur au chiffre d'affaires annuel moyen proche de 260 000 e TTC (moyenne nationale) récupérerait environ 28 800 e de différentiel. Ce n'est pas rien. Il y a de quoi assurer au minimum un poste supplémentaire de salarié... si tant est qu'il soit nécessaire au bon fonctionnement de l'entreprise et il resterait encore une poire pour la soif.
Privilégier les salaires
Car justement, consacrer cette 'cagnotte' à l'embauche ou encore à augmenter les
salaires, voilà le projet le plus concret qu'échafaudent la majorité des restaurateurs.
"Il est temps que nous donnions enfin des salaires décents à nos collaborateurs,
même si nous ne pouvons pas encore leur promettre de travailler durant moins
d'heures", plaide cette restauratrice strasbourgeoise. Car la pénurie de
main-d'uvre dans la profession est vécue comme un véritable traumatisme. Et le mot
n'est pas trop fort. Ce n'est pas une surprise, les professionnels sont 78 % à s'accorder
à dire qu'ils ne trouvent pas de personnel, ou alors, quand ils en trouvent, ils le
jugent peu compétent. Et quand ils embauchent, ils avouent avoir du mal à garder les
nouveaux venus et même les plus anciens ; qu'ils ne sont pas motivés, qu'ils ont des
revendications à la limite du supportable... "Il n'est pas normal que nous
devions attendre l'artifice d'une baisse de la TVA pour améliorer les faibles salaires
nets de nos employés, et ce, pour compenser les prélèvements obligatoires qui sont
exagérément élevés", s'exclame un professionnel lyonnais. Enfin, la mise en
place de la RTT dans les restaurants est le sujet qui génère la confusion la plus
totale, les restaurateurs ne sachant pas par quel bout prendre cette nouvelle
organisation, manquant surtout de moyens. Ils sont donc près d'un intéressé sur deux à
envisager l'utilisation du différentiel de TVA récupéré, soit pour améliorer les
salaires du personnel, soit pour motiver les candidats par de meilleures rémunérations,
soit encore pour créer un ou des postes de travail. En filigrane, les restaurateurs
concernés croient intimement que cela pourra à la fois régler en partie leur problème
de réduction du temps de travail, diminuer leur propre charge de travail et améliorer la
qualité de la prestation fournie aux clients.
Peu de retouches sur les prix
La réintégration de la part de TVA économisée dans une diminution des prix ne paraît
guère être une priorité pour la majorité des restaurateurs interrogés. Ils
n'entendent pas remettre aussitôt sur un plateau le fruit de ce qu'ils auront eu tant de
mal à récolter ! S'ils sont 40,3 % à accepter de retoucher à la baisse leurs tarifs,
en fait, seulement 7 % en tout souhaitent appliquer intégralement une réduction
tarifaire. D'une manière générale, des retranchements partiels de prix pourraient avoir
lieu, et plus particulièrement dans les menus, ce qui serait certainement plus remarqué
par les clients, disent les intéressés. Certains exploitants font remarquer que si leurs
tarifs ne chuteraient pas, la reprogrammation de la TVA leur permettrait au moins de ne
pas les augmenter dans un premier temps. D'autant plus que beaucoup sont d'avis que leurs
prix ne sont pas excessifs et que leurs clients s'y sont familiarisés. Il faut dire que
le client en restauration peut lui-même jouer sur son addition en limitant sa
consommation et il est vrai que le prix n'est pas pour lui le premier critère de choix
d'un restaurant. Enfin, quelques restaurateurs imaginent par avance, sans remodeler leurs
tarifs, de mettre dans leurs menus des plats plus nobles, et donc plus chers en prix de
revient, en remplacement d'autres.
Fausse bataille ? 23 % des professionnels interrogés
par Coach Omnium sont très clairs : pour eux, on se trompe de bataille en revendiquant
une baisse de la TVA. Bien qu'ils soient d'accord pour que la taxe à 19,6 % sur le
service en salle diminue, ils admettent volontiers aussi qu'il fallait trouver une
harmonisation dans les taux européens, et surtout, recouvrer une équité dans un secteur
français à deux vitesses où apporter du service est plus taxé qu'en le minimisant
(vente à emporter avec une TVA à 5,5 %). Mais ces exploitants en restauration sont
néanmoins d'avis que le véritable enjeu se trouve plutôt dans un fort allégement des
charges sur les salaires. Dans un secteur qui est gros utilisateur de main-d'uvre,
qui n'en trouve plus et qui aimerait revaloriser les rémunérations, sans en avoir les
moyens, cette préoccupation semble des plus légitimes. |
Un véritable piège
Quoi qu'il en soit, certains patrons de restaurants interrogés par Coach Omnium sont
d'avis que la réduction de la TVA sera pour eux une sorte de piège. Les consommateurs,
encouragés par les médias, vont s'attendre fortement à profiter d'une 'remise', si elle
a lieu, qui reste avant tout une taxe sur la consommation. S'ils ne retrouvent pas, sous
une forme ou une autre, ce changement dans leurs additions, ils risquent de le faire payer
aux restaurateurs. Ces derniers sont à leur tour pris en tenaille dans ce dilemme
insoluble, tiraillés entre améliorer leurs moyens d'uvrer et "faire
directement plaisir" aux clients en baissant les prix. Ils sont surtout
conscients qu'il s'agit d'un marché de dupes, car d'une part, ils pensent que les
consommateurs ne ressentiront que faiblement une différence de quelques dizaines de
centimes d'euro sur les tarifs des plats, et que d'autre part, ils auront vite fait
d'oublier ces modestes cadeaux destinés à moins dégarnir leur portefeuille. D'ailleurs,
il est plus qu'improbable qu'une érosion dans les additions donnera un coup de fouet
durable par une hausse de la fréquentation. La relative stagnation des prix en
restauration depuis plus de 8 ans l'atteste.
Aller à l'urgence dans les priorités
Selon les calculs de Coach Omnium, si les restaurateurs appliquaient leurs souhaits
exprimés durant l'enquête et bien sûr, si la TVA baissait demain, 20 % du différentiel
non reversé au fisc irait à la baisse des prix, 28 % à une hausse des salaires, 16 % à
l'amélioration de la marge et 36 % à d'autres fins, dont l'embauche ou des
investissements prévus ou retardés par faute de moyens. Cela ne va pas dans le sens des
directives données par les syndicats ou le Club TVA qui parlaient d'1/3 de baisse des
prix, d'1/3 d'augmentation des salaires et d'1/3 de marge. Et les restaurateurs ont des
avis très homogènes et cohérents dans leur envie d'utiliser ce supplément de budget
potentiellement obtenu par un allégement de la TVA. Situés à Paris, au marché très
atypique, ou en province, et quels que soient le niveau d'addition et la taille de leur
établissement, les restaurateurs ont tous une tendance à répondre aux mêmes
préoccupations et à envisager plus ou moins les mêmes solutions. En cela, la profession
semble unie sans avoir reçu d'improbables consignes venues d'en haut.
L'exemple du bâtiment Avant
les restaurateurs, d'autres professions ont bénéficié d'une baisse de la TVA, comme les
fleuristes, mais aussi les artisans du bâtiment. µ |
L'argent non reversé au fisc doit se voir
Si on peut s'alarmer - et les médias ne se gêneront pas pour le faire, d'où le
sentiment par les restaurateurs d'être piégés - sur le fait que finalement les
consommateurs ne verront que peu la couleur de la diminution de la TVA, les professionnels
leur répondent que c'est indirectement et sur du long terme qu'ils en profiteront.
Embaucher du personnel, le former et mieux le rémunérer, investir dans les équipements,
proposer des produits de meilleur niveau au même prix, auront fatalement une portée
favorable sur la qualité de la prestation. Spontanément, 26 % des exploitants
interrogés par Coach Omnium déclarent vouloir informer leurs clients de l'utilisation de
la 'cagnotte' pour contrecarrer une incompréhension et des accusations gratuites. Bref,
si les prix ne seront pas réduits, les exploitants veulent que l'argent ainsi récupéré
se voie quand même. C'est ainsi que la profession envisage les événements et qu'elle
pourra sans doute débuter dans la revalorisation de son image, plus qu'en baissant de
quelques euros les additions. Il est également probable que la baisse de la TVA ne sera
qu'une étape avant des revendications plus motivées pour un allégement des charges.
M. Watkins zzz66 f
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La question peut surprendre et paraître provocatrice. Pourtant, elle n'est pas si
anodine que cela. A lire les statistiques officielles ou encore les résultats d'études
variées, le secteur se porterait plutôt bien.
Selon l'Insee, si les créations ou réactivations d'entreprises dans les CHR sont en
léger recul depuis quelques années (30 000 créations par an en 2000, soit - 3,2 %
depuis 1993), les défaillances seraient en franche régression : - 34 % depuis 1993.
Côté emploi, cela ne va pas mal non plus. Selon l'Unedic, la restauration et
l'hôtellerie ont créé plus de 30 % d'emplois salariés supplémentaires en 10 ans. Mais
l'arbre ne doit pas cacher la forêt... Si la restauration à service rapide traite en
moyenne 950 couverts par jour par établissement, contre seulement 600 couverts il
y a 10 ans, dus au succès de la formule et à la création d'unités plus grandes, les
restaurateurs indépendants demeurent avec un score moyen de 50 couverts par jour, qui n'a
pas changé en une décennie.
Le baromètre de la restauration L'Hôtellerie/Coach Omnium lancé en 1994 confirme
cette tendance avec une demande dans les restaurants qui est globalement en stagnation
(les hausses régulières sont suivies de baisses récurrentes compensatoires). Avec près
de 115 000 adresses, le secteur se compose également d'une majorité de petites
entreprises dont 85 % ont un chiffre d'affaires annuel moyen inférieur à 300 000 e et
emploient peu de salariés (3 en moyenne à équivalence temps plein). D'une manière
générale, la situation des restaurateurs est préoccupante à plus d'un titre. Ils
subissent mécaniquement une augmentation de leurs charges (salaires, matières
premières, énergie, loyers), sans pouvoir réellement la répercuter sur les additions.
Réduction des marges
Les clients eux-mêmes, s'ils vont davantage au restaurant qu'il y a une dizaine
d'années, y consomment moins (moins de plats, moins de vin, etc.) et veulent diversifier
leur plaisir en se fidélisant moins.
Avec cela, les restaurateurs voient réduire leurs capacités à embaucher, ne trouvent
plus de personnel compétent et motivé par l'exercice de la profession. Eux-mêmes
doivent souvent remplacer un poste de salarié qu'ils ne peuvent plus financer. A présent
- nouvel obstacle -,
ils doivent traiter la réduction du temps de travail, alors qu'une majorité souffre d'un
énorme retard de modernité dans leurs équipements.
Tout cela a de quoi faire frémir, et voir se réduire à grande vitesse la marge
bénéficiaire, quand elle existe encore ici et là, et les moyens d'investir. Enfin, si
la profession dispose encore d'une petite considération de la part du public, même si
les jeunes ne veulent plus y exercer, il n'en va pas de même de la part des gouvernants,
des banquiers, des administrations. Le fisc, les services vétérinaires, l'Urssaf, la
répression des fraudes, se sont tous accordés pour avoir les restaurateurs dans leur
collimateur respectif. Alors, que penser du seul signal de soutien que recevrait la
profession par la baisse de la TVA ?
Elle est forcément à prendre comme une aubaine, même si l'urgence se trouve ailleurs,
notamment dans la baisse des charges et la revalorisation du métier. Et les
professionnels ne sont pas aussi roublards que l'on voudrait le dire. Selon l'étude de
Coach Omnium, la majorité des restaurateurs ne semble pas vouloir tout bonnement mettre
dans sa poche les fruits de la baisse de la TVA, si elle intervient. Seulement 5 % sont
dans ce cas. Les autres souhaitent avant tout réaliser des embauches et soutenir la
qualité de leurs prestations pour relancer la demande.
L'utilisation envisagée par les
restaurateurs de la différence de TVA
non reversée - ensemble des restaurateurs
Types d'utilisation envisagée * | Total répondants | dont intégralement | dont partiellement | NSP |
---|---|---|---|---|
Embaucher et/ou créer des postes | 48,3 % | 22 % | 78 % | - |
Augmenter les salaires | 51,0 % | 16 % | 77 % | 7 % |
Baisser les prix | 40,3 % | 18 % | 75 % | 7 % |
Améliorer la marge | 30,7 % | 16 % | 75 % | 9 % |
Réaliser des investissements | 11,7 % | |||
Former le personnel | 1,3 % | |||
* Plusieurs réponses possibles | ||||
Source : Coach Omnium |
L'utilisation envisagée par les
restaurateurs de la différence de TVA
non reversée - selon le ticket moyen (TM) TTC des restaurants
Types d'utilisation envisagée * | TM inférieur à 20 e/repas | TM de 20 à 30 e/repas | TM supérieur à 30 e/repas |
---|---|---|---|
Baisser les prix | 39 % | 36 % | 43 % |
Améliorer la marge | 35 % | 28 % | 30 % |
Augmenter les salaires | 38 % | 59 % | 53 % |
Embaucher | 50 % | 55 % | 51 % |
Autres | 61 % | 69 % | 58 % |
* Plusieurs réponses possibles | |||
Source : Coach Omnium |
Les promesses pourront-elles être tenues ?
Parce que les politiques ont enfin pris en compte la
demande des restaurateurs en matière de baisse de la TVA, certains se sont plu à
imaginer qu'il était possible de passer outre la réglementation européenne... C'était
aller bien vite en besogne, c'était oublier qu'en période électorale, il faut décoder
les messages et savoir que certaines règles de TVA sont régies par l'Europe. |
L'utilisation envisagée par les
restaurateurs de la différence de TVA
non reversée - selon le nombre de salariés des restaurants
Types d'utilisations envisagées * | De 0 à 5 salariés | De 6 à 10 salariés | Plus de 10 salariés |
---|---|---|---|
Baisser les prix | 38 % | 39 % | 30 % |
Améliorer la marge | 32 % | 30 % | 29 % |
Augmenter les salaires | 41 % | 51 % | 63 % |
Embaucher | 45 % | 59 % | 48 % |
* Plusieurs réponses possibles | |||
Source : Coach Omnium |
L'utilisation envisagée par les
restaurateurs de la différence de TVA
non reversée - selon les zones géographiques
Types d'utilisations envisagées * | Paris | Ile-de-France | Province |
---|---|---|---|
Baisser les prix | 42 % | 36 % | 43 % |
Améliorer la marge | 49 % | 20 % | 32 % |
Augmenter les salaires | 49 % | 57 % | 47 % |
Embaucher | 65 % | 45 % | 51 % |
* Plusieurs réponses possibles | |||
Source : Coach Omnium |
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L'Hôtellerie n° 2775 Hebdo 27 Juin 2002 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE