du 10 juillet 2003 |
ENTREPRISE |
n L'OUSTAU DE BAUMANIÈRE (BAUX-DE-PROVENCE)
A l'heure où certains manifestent parce qu'ils veulent travailler de moins en moins longtemps, Jean-André Charial, le chef-propriétaire de l'Oustau de Baumanière et de la Cabro d'Or, remet tout à plat et investit dans son outil de travail à travers des rénovations d'envergure, mais aussi et surtout, dans ses équipes. Une redynamisation qui fait souffler au pays du mistral un fort vent de modernité. C'est sûr, Jean-André Charial ne prendra pas sa retraite demain...
"Je
voulais faire ces travaux depuis longtemps, j'avais tout en tête, mais je reportais
l'échéance. C'est l'incendie des caves du 31 décembre 2001 qui a été le déclencheur.
Il fallait que j'aille jusqu'au bout de mes idées et que je repense dans leur ensemble
cuisine, cave, vestiaires pour le personnel, salle de restaurant", explique
Jean-André Charial. Des travaux d'envergure ; la maison dut fermer 4 mois. Il fallut
creuser une nouvelle cave, mais surtout, ces travaux furent l'occasion de refaire la
cuisine, d'agrandir le restaurant, de réaménager les accès pour les personnes
handicapées, et de créer un espace vestiaires et douches pour le personnel, mieux
adapté aux besoins. En même temps, de nouvelles chambres furent créées ; on est loin
dans cette nouvelle décoration du style provençal : "Nous nous devons d'avoir un
produit clairement imprégné de modernité", explique Jean-André Charial. Des
chambres où l'on a fait la part belle à la lumière, aux volumes, aux ambiances, aux
espaces de vie. Des lignes très pures, des couleurs très apaisantes.
Mais évoquer les travaux réalisés sans mettre en avant les conséquences humaines, du
fait de Jean-André Charial, serait oublier l'essentiel. "J'ai réalisé que nous
allions enfin avoir l'outil de travail dont j'avais toujours rêvé, et c'est là que j'ai
fait le point sur ma manière de travailler mais aussi sur celle de mes chefs de service
dont certains sont dans la maison depuis plus de 20 ans."
Travailler sur les ressources humaines
De toute évidence, Jean-André Charial a pointé du doigt l'essentiel des problèmes que
l'on rencontre dans les maisons anciennes, de très bonne renommée : un personnel
fidèle, impliqué, qui fonctionne beaucoup par habitude et qui ne remet pas assez souvent
en cause ses méthodes de travail. "L'intégration des jeunes se faisait de plus
en plus difficilement, je ne pouvais plus accepter l'idée selon laquelle les jeunes
d'aujourd'hui pouvaient tous être moins motivés que ceux d'hier. Or, c'était le
discours que tenaient mes collaborateurs en place, explique Jean-André Charial. Il
fallait travailler sur les ressources humaines, apprendre aux chefs de service à
transmettre leur savoir, à diriger en motivant les équipes. Il fallait qu'ils soient
capables d'écouter les autres, qu'ils soient à même de comprendre comment fonctionnent
les nouvelles générations, ce qui les motivait pour répondre à leur attente
professionnelle qui est réelle et forte contrairement à ce que l'on entend."
Jean-André Charial décida dès lors, au-delà des travaux, d'investir cette fois dans
les hommes. Un bilan fut fait avec une société de formation et un plan de formation fut
établi : "Au début, ils étaient peu nombreux à adhérer au principe d'une
telle démarche, puis ils ont compris tout l'intérêt qu'ils avaient à appréhender le
mécanisme du commandement, à apprendre à se positionner en tant qu'animateur. A tel
point qu'aujourd'hui, c'est eux qui me demandent quand aura lieu la prochaine session..."
Remise en cause permanente
Une opération dont Jean-André Charial n'a pas encore aujourd'hui les moyens de mesurer
les retombées, mais, semble-t-il, cette saison ne s'est pas ouverte comme les autres...
L'investissement a été important. "Dans nos maisons, nous nous devons de rester
au plus haut niveau tout le temps, mais il ne peut être maintenu que si nous nous
remettons en question tout le temps. Une remise en cause sur le produit qui se doit
d'être en parfaite adéquation avec ce qu'attend le client d'aujourd'hui, pas celui
d'hier. Il faut que l'on arrête de croire que ce que nous faisons est bien parce que ça
fait des années qu'on le fait comme ça, et que si ça plaisait beaucoup aux clients il y
a 20 ans, il n'y a pas de raison pour que ça ne leur plaise plus aujourd'hui. Tout
évolue très vite autour de nous, le client aussi. A nous de nous investir pour rester
constamment en phase avec la modernité. La modernité c'est le produit dans son ensemble,
c'est le décor, c'est la manière de communiquer avec le client. Derrière, il y a bien
entendu les savoir-faire techniques de tous les collaborateurs, mais ce n'est plus
suffisant, il faut aussi que le savoir-faire humain trouve sa place dans le processus de
remise en cause collective de l'entreprise." Pour Jean-André Charial, il est
incohérent de se contenter de faire des travaux sans impliquer dans le processus
d'évolution du produit les équipes. "Quand on dispose d'un outil de travail
exceptionnel, il faut, sur le plan technique mais aussi et surtout sur le plan
psychologique, se donner les moyens d'en tirer le meilleur parti. Autrement,
l'investissement sera mal rentabilisé."
Le coup de jeunesse est évident, ça se voit, mais aussi, ça se sent, bien au-delà des
travaux de rénovation. L'ambiance n'est plus la même, le personnel semble plus épanoui,
plus efficace, plus autonome. La cuisine de Jean-André Charial a suivi cette évolution,
plus créative, parfaitement maîtrisée, elle est le fruit du travail d'un homme "qui
revit"... "J'ai enfin l'outil de travail dont j'ai toujours rêvé, je me
sens aujourd'hui à même de réaliser la cuisine comme je la sens, et je motive mieux mes
collaborateurs."
La saison, malgré une conjoncture internationale peu favorable, a bien démarré, "avec
une clientèle de plus en plus jeune, un signe très encourageant pour nous",
précise Jean-André Charial. Son prochain challenge, "me donner les moyens de
laisser la maison tourner sans moi plus souvent, déléguer davantage pour prendre du
recul et mieux anticiper les besoins des clients".
Quand, en conclusion, on demande au propriétaire de l'Oustau de Baumanière s'il est
exact, comme se plaisent en ce moment à le dire certains, que ces maisons de haut niveau
ne sont plus rentables, il sourit... "Je sais compter, j'ai toujours été
gestionnaire dans mes choix, j'ai encore investi beaucoup d'argent ces dernières années
dans mon outil de travail. Je ne suis pas fou... Je compte bien le rentabiliser."
PLN zzz22v
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L'Hôtellerie Restauration n° 2829 Hebdo 10 Juillet 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE