du 31 juillet 2003 |
COURRIER DES LECTEURS |
Peut-on refuser de servir une carafe d'eau payante ou non au restaurant ? J'ai entendu dire à la radio que nous pouvions désormais faire payer la carafe d'eau. Pouvez-vous nous confirmer cette information ? Est-ce bien légal ? (C.B. de Paris)
Depuis au moins 2 ans, nous vous rappelons qu'effectivement vous pouvez faire payer la
carafe d'eau au restaurant (ce n'est pas une obligation).
Les services de la concurrence et de la consommation considèrent que les restaurateurs
n'ont plus l'obligation de fournir la carafe d'eau gratuitement, mais à la condition de
prévenir clairement la clientèle. Toutefois, cette position ne vous met pas à l'abri
d'un recours devant les tribunaux face à un client mécontent qui porterait ce litige
devant la justice.
Petit rappel chronologique des textes pour bien comprendre les enjeux de ce problème.
Nous avons toujours écrit que le restaurateur avait l'obligation de fournir la carafe
d'eau, conformément à l'article 4 d'un arrêté du 8 juin 1967.
En effet, cet arrêté prévoit dans son article 4 que "le couvert comporte
obligatoirement, outre le pain, l'eau ordinaire, les épices... usuellement mis à la
disposition du client à l'occasion des repas".
Puis un arrêté du 27 mars 1987 est venu définir de nouvelles règles applicables aux
établissements servant des repas, denrées ou boissons à consommer sur place.
Seulement, ce nouvel arrêté de 1987 ne précise pas qu'il abroge le précédent (celui
de 1967). D'autant plus qu'il ne vient que préciser certains points relatifs à
l'affichage des prix. Par conséquent, nous avons toujours considéré que l'article 4 de
l'arrêté du 8 juin 1967 était toujours applicable.
Cependant, la DGCR du Gard, dans une réponse écrite à un client qui se plaignait de la
non-fourniture de la carafe d'eau, a apporté les précisions suivantes :
"L'arrêté ministériel du 27 mars 1987, modifié par l'arrêté du 29 juin 1990
pris en application de l'article 28 de l'ordonnance n° 86.1243 du 1er décembre 1986
codifié à l'article L. 113-3 du Code de la consommation, a défini de nouvelles règles
de publicité des prix dans les établissements servant des repas, denrées ou boissons à
consommer sur place. S'il n'a pas abrogé explicitement l'arrêté du 8 juin 1967, il a
abrogé implicitement ce dernier texte qui est ainsi devenu caduc. Ainsi, bien que
la définition du couvert, et donc de la fourniture de l'eau ordinaire n'ait pas été
reprise dans l'arrêté du 27 mars 1987, les contrôles opérés par mon service ont
montré que les professionnels continuaient, dans la très grande majorité des cas, à
fournir gratuitement l'eau ordinaire à l'occasion des repas."
La DCGR de Paris que nous avons également consultée, nous a confirmé que dans le cadre
des contrôles qu'elle opère auprès des restaurateurs, elle ne sanctionne pas la non
fourniture ou le paiement de la carafe d'eau à condition que ce soit prévu sur tous les
documents commerciaux mis à la disposition de la clientèle (menus intérieur,
extérieur, cartes...). Mais elle précise que cette argumentation ne tiendrait pas devant
un tribunal qui serait saisi par un client mécontent. En effet, l'abrogation d'un texte
doit être clairement prévue, et l'abrogation implicite est une notion qui n'existe pas
en droit.
En clair, la position de la DCGR permet aux restaurateurs qui le souhaitent de ne pas
fournir une carafe d'eau ou de la faire payer pendant les repas, à la condition toutefois
que ceci soit clairement précisé sur les cartes et menus que vous présentez à la
clientèle. Toutefois, cet organisme n'incite pas spécialement les restaurateurs à avoir
recours à cette pratique. En effet, la carafe d'eau au restaurant est considérée comme
faisant partie des prestations minimales auxquelles s'attendent vos clients. Revenir sur
cet usage risque de mécontenter ces derniers. L'enjeu en vaut-il la chandelle ? zzz66h
Pendant la saison estivale, nous réservons nos chambres en priorité aux clients qui prennent la demi-pension. Mais un collègue nous dit que ce n'est pas légal, et que nous risquons d'avoir des problèmes avec les services des fraudes. Est-ce vrai ? Merci de votre réponse. (F.L. de Saint-Malo)
Le fait de vendre une chambre avec la prise d'un repas constitue une vente jumelée ou
subordonnée. Effectivement, au regard de la loi, c'est interdit. En effet, l'article
L.122-1 du Code de la consommation dispose : "Il est interdit de refuser à un
consommateur la vente d'un produit ou la prestation d'un service, sauf motif légitime, et
de subordonner la vente d'un produit à l'achat d'une quantité imposée ou à l'achat
concomitant d'un autre produit ou d'un autre service, ainsi que de subordonner la
prestation d'un service à celle d'un autre service ou à l'achat d'un produit."
Ce texte interdit donc à l'hôtelier de subordonner la location d'une chambre à la prise
d'un repas, mais il conduit à pénaliser les petits établissements hôteliers qui ont
peu de chambres, et qui ont besoin de remplir leur capacité d'hébergement comme de
restauration. Dans la mesure où le client est clairement informé de cette condition, il
peut trouver un autre hôtel pour l'héberger. C'est pour cette raison que les syndicats
hôteliers ont demandé à ce que ce principe soit aménagé. Il a été apporté une
réponse favorable à cette demande par l'administration dans certaines circonstances, et
à la condition de ne pas en abuser.
Si l'article L.122-1 s'oppose à ce qu'un hôtelier subordonne la location d'une chambre
à la prise d'un repas, l'administration tolère néanmoins cette pratique à titre
exceptionnel lorsque, notamment en période de pointe, l'hôtelier est manifestement
assuré de pouvoir louer l'intégralité des chambres disponibles à une clientèle qui
prendra également son repas dans l'établissement. Toutefois, cette tolérance, qui peut
toujours être remise en cause par l'appréciation souveraine des tribunaux, cesse d'avoir
cours dès lors que l'hôtelier dispose de chambres en quantité suffisante pour répondre
normalement aux demandes d'hébergement simple, sans être conduit à refuser
ultérieurement le gîte à des clients souhaitant également prendre leur repas dans
l'établissement. (Réponse ministérielle n° 10389 : JO Sénat Q 22 octobre 1998, p.
3380).
Attention ! Le principe est donc une interdiction, même s'il existe une tolérance de
l'administration. En effet, les services de la Direction générale de la concurrence, de
la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ne manquent pas de sanctionner
cette pratique chaque fois qu'un exploitant en abuse au point d'en faire une condition de
vente courante des prestations qu'il offre. En outre, une telle tolérance ne vous met pas
totalement à l'abri de poursuites judiciaires. En effet, un jugement rendu par le
tribunal de police de Paris, en date du 2 juillet 1993, a considéré que cette pratique
constituait une subordination de vente conformément à l'article L.122-1 du Code de la
consommation, et que l'hôtelier était punissable d'une contravention de 5e classe, soit
1 500 e.
Nous vous rappelons que l'hôtelier ne doit pas oublier d'en informer clairement sa
clientèle, en le mentionnant à l'entrée de l'hôtel, ainsi que dans toute publicité et
correspondance commerciale.
Pour éviter tout litige, nous conseillons aux professionnels de prendre contact avec les
services de la concurrence de votre région afin de savoir s'ils tolèrent une telle
pratique et dans quelle mesure. zzz66h
J'ai lu qu'un cafetier de Nice faisait payer le verre d'eau à ses clients. Est-ce que cette pratique est vraiment légale ? Certains clients me disent que j'ai l'obligation de leur donner un verre d'eau, mais face aux abus de certains, je souhaite mettre en place ce système. Est-ce possible ? (E.L. de Bandol)
Il n'y a aucune loi qui impose aux cafetiers de donner gratuitement un verre d'eau à
sa clientèle ou aux passants. Les clients ne peuvent donc l'exiger. On peut trouver deux
sources à cette croyance erronée.
w La première résulte d'un article, paru il y a fort
longtemps (dans les années 70) dans un magazine féminin, qui déclarait que les
cafetiers avaient l'obligation de fournir un verre d'eau à la personne qui le demandait.
Affirmation qui n'a jamais eu aucun fondement juridique, mais qui est malgré tout bien
restée ancrée dans la tête du public.
w Quant à la deuxième, elle tient au fait que, souvent,
lors de la prise d'un café, les cafetiers servaient d'eux-mêmes un verre d'eau avec,
selon la mode italienne.
De là à déduire qu'il y avait une obligation, le pas était vite franchi.
Vous êtes un commerçant qui a pour but de vendre des produits, et non pas de les
remettre gratuitement. Il est vrai qu'un usage s'est instauré selon lequel les cafetiers
offrent gracieusement le verre d'eau aux clients qui le demandent en complément d'un
produit qu'ils ont commandé. Cependant, il ne faut pas oublier que c'est vous qui payez
cette eau. Une solution pour remédier à ces abus de plus en plus fréquents : faire
payer le verre d'eau du robinet. Mais attention ! Dans ce cas, il faut absolument en
informer votre clientèle, et faire en sorte que le prix de ce verre d'eau soit clairement
affiché sur tous vos documents (cartes, affichages extérieur et intérieur). zzz66b
Le 1er juillet dernier, la personne qui a réservé une nuit en demi-pension pour le 2 juillet dans mon établissement me téléphone pour m'avertir qu'elle a subi une intervention chirurgicale, et qu'elle ne pourra pas venir le 2 juillet. Puis-je légalement garder les 30 % d'arrhes qu'elle m'a versés par carte bancaire en juin, et qui existent, a priori, pour pallier ce genre de déficience ? (R.A. de Port-Cros)
Sachez que constituent des arrhes la somme d'argent imputable sur le prix total,
versée par le débiteur au moment de la conclusion du contrat, et qui constitue un moyen
de dédit selon l'article L.114-1 du Code de la consommation. En tant que moyen de dédit,
cela signifie que chacune des parties peut revenir sur son engagement, aucune ne s'étant
engagée définitivement. Mais en cas de désistement du débiteur, c'est-à-dire du
client, ce dernier perd le versement anticipé. De même, si celui qui les a reçues, en
l'occurrence l'hôtelier, ne respecte pas son engagement, il doit restituer au client le
double des arrhes reçues selon l'article 1590 du Code civil. Tels sont les grands
principes en la matière.
En ce qui vous concerne, votre client vous a versé 30 % d'arrhes pour une nuit. Il s'est
désisté la veille de son arrivée en justifiant des problèmes de santé. Donc, vous
pouvez garder les arrhes reçues en toute légalité. zzz66h
Rubrique animée par Pascale Carbillet et Tiphaine Beausseron. Exclusivement réservée aux établissements abonnés.
E-mail : pcarbillet@lhotellerie-restauration.fr
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L'Hôtellerie n° 2832 Hebdo 31 Juillet 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE