du 25 décembre 2003 |
FORMATION |
S'il est dit que les solutions sont souvent dans les questions, posons-nous les bonnes questions. Qu'attend-on de nous, enseignants dans les écoles hôtelières ? Qu'attend l'Etat ? Qu'attend la profession ?
L'Etat attend que nous
préparions les jeunes à trouver une place dans la société, et à y tenir un rôle.
L'Etat, aujourd'hui, attend que nous formions des citoyens ; un citoyen idéal est un
'actif', c'est-à-dire une personne qui travaille à la production nationale, et qui
génère des recettes. A cette question, nous répondons que nous jouons parfaitement
notre rôle, car tous les jeunes que nous formons sont soit préparés convenablement à
l'exercice de la profession, soit 'restructurés' scolairement et socialement, et
prolongent leurs études, ou trouvent un emploi productif. La profession attend que nous
préparions les jeunes à être le plus rapidement possible opérationnels dans ses
différentes entreprises. A cette attente nous devons reconnaître que nous ne
satisfaisons pas parfaitement, car le vivier que nous proposons, sa qualité et sa
compétence, demeure bien en deçà de la demande.
Y a-t-il adéquation entre les objectifs de l'Etat et les attentes de la profession ?
Assurément non. Alors que l'enseignement français était l'un des meilleurs au monde, si
ce n'était le meilleur, l'un des plus diversifiés et des plus complets quand il
s'agissait de donner aux élèves un très bon niveau de culture générale, il n'est
absolument plus en phase avec les besoins des professions hôtelières.
Celles-ci recrutent :
- leurs cadres commerciaux en école de commerce ;
- leurs responsables de l'hébergement dans les pays d'Europe du Nord (maîtrise de
plusieurs langues) ;
- leurs chefs de partie ou leurs maîtres d'hôtel en Italie, en Espagne, ou en école
privée...
S'il nous reste un créneau, c'est celui du personnel d'exécution, et notre recrutement
sans exigence de niveau ne convient pas aux demandeurs !...
Ne considérons pas non plus qu'être en troisième correspond à un niveau : nous
recevons des jeunes qui sortent de troisième incapables de lire un texte ! Alors leur
faire comprendre en 4 ans que le jurançon est un vin du Sud-Ouest de la France devient
une gageure !...
Les paliers diplômants proposés aux élèves sont-ils cohérents ?
"Si je n'ai pas le niveau pour continuer en bac pro, mon BEP est-il une
référence ?
- Non !
- Si je n'ai pas le niveau pour continuer en BTS, mon bac technologique est-il le
garant d'une qualification professionnelle ?
- Non !
- Mais alors, si votre enfant n'avait pas le potentiel pour aller jusqu'en bac pro ou
en BTS, il aurait mieux valu l'orienter vers un CAP !
- Sûrement pas ! Le CAP est complètement dévalorisé ! Vous avez une idée de l'avenir
promis à un élève de troisième que l'on dirige en CAP ?..."
1RE SUGGESTION :
Restituons aux BEP et bac techno leur caractère professionnel
Les élèves entrant en lycée professionnel ou en lycée technique sont-ils satisfaits de
la part minime consacrée à l'enseignement professionnel ? Non.
Un élève qui veut être cuisinier choisit une école hôtelière pour apprendre le
métier de cuisinier, et non pour ne faire que 2 heures et demie de cuisine et 2 heures et
demie de service dans une semaine d'au moins 30 heures.
Et quel maître de stage va comprendre que le jeune qu'il accueille ne sait que ce qu'il
sait après une année d'école hôtelière (dont seulement 60 heures d'apprentissage
technique, soit 2 semaines pleines !) ? Est-il alors un chef illustre, fut-il Bocuse,
Ducasse ou Robuchon, pour assurer une meilleure formation en 2 semaines ? Est-il normal
qu'à un élève qui veut devenir cuisinier en sortant de troisième, et pour lequel les
études ne sont pas la tasse de thé, on doive répondre qu'il lui faudra encore 4 ans de
lycée (bac pro) ? Est-il normal qu'après ces 4 ans et son bac pro en poche, il s'échine
pendant plusieurs années à un poste de commis ? Est-il étonnant que le chef
d'entreprise ne trouve plus de candidats pour les postes de commis ? Certes, ce chef
d'entreprise doit-il aussi se demander s'il fait le maximum pour intéresser le jeune à
sa profession et le conforter dans son choix.
N'oublions pas l'élève de cycle technologique qui s'engage pour 5 ans en espérant
obtenir un BTS qui ne le conduit plus forcément vers ce dont il avait rêvé tout au
début !
Par contre, est-il normal qu'avec son BTS, il ne trouve pas d'emploi sachant qu'au poste
qu'il convoite, le chef d'entreprise lui préfère un élève issu d'une école de
commerce ?
2E SUGGESTION :
Créer des collèges d'enseignement professionnel
L'un des reproches que l'on peut faire à notre système éducatif est de précipiter le
choix des élèves, leur retirant le droit à l'erreur ; les parents quant à eux ne sont
pas les derniers à exiger une progression parallèle entre âge et études, provoquant
souvent l'erreur.
Autrefois, seuls les enfants en ayant la capacité entraient en sixième ; les autres
continuaient leur parcours vers le certificat d'études. Mais, ayant obtenu celui-ci, ils
pouvaient réintégrer le collège en cinquième, et qu'importe leurs 2 ans de plus, ils
réussissaient tout aussi bien ! Donnons donc du temps à ces élèves 'indéterminés',
mais mettons en uvre structures et programmes qui leur éviteront les chemins
chaotiques qu'ils parcourent en accumulant les échecs.
3E SUGGESTION :
Supprimons le CAP tel qu'il est, et transformons-le en un diplôme professionnel post-bac
ou post-formation générale
Plutôt que 80 % de 'bacheliers' et 20 % de laissés-pour-compte, ne vaudrait-il pas mieux
100 % de têtes bien faites ? Qu'elles soient au niveau de l'ingénieur, du technicien, de
l'artisan, ou de l'ouvrier qualifié ! Ne vaudrait-il pas mieux permettre aux élèves
qui, dès la cinquième, n'apprécient plus les sciences, les langues étrangères...
d'apprendre la vie professionnelle à la carte, non pas dans un établissement, mais dans
un district ? District où ils pourront en '4e' appréhender plusieurs métiers et se
spécialiser dans l'un d'eux, voire 2 en troisième, pour passer un certificat
d'apprentissage des collèges. Lequel leur permettra d'intégrer soit un CFA, soit un LEP.
Mais sans doute peut-on aussi mettre tout en uvre pour qu'en 6e ou 5e ils ne soient
plus désabusés ! Faisons alors en sorte qu'ils ne soient plus 'illettrés' au seuil de
la 6e, et prenons en charge les jeunes qui viennent d'autres horizons en multipliant les
classes d'apprentissage intensif de la langue française avant tout, puisque la
révélation de leurs connaissances des mathématiques, des sciences, du monde
contemporain, passe par la compréhension puis la maîtrise de notre langue.
J.-M. Flageul - Chef de travaux zzz68v
Article précédent - Article suivant
Vos réactions : cliquez sur le Forum des Blogs des Experts
Rechercher un article : Cliquez ici
L'Hôtellerie Restauration n° 2853 Hebdo 25 décembre 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE