du 19 février 2004 |
RESTAURATION |
< JEAN-PAUL LACOMBE (LÉON DE LYON)
Le chef lyonnais évoque tout à la fois la prochaine vente de sa bibliothèque gastronomique, l'avenir de la haute gastronomie et les mesures gouvernementales. Tour d'horizon...
Propos recueillis par J.-F. Mesplède zzz22v zzz66f
Jean-Paul
Lacombe avec Jean-Claude Anaf, chargé de la vente, et une partie de la collection.
Jean-Paul Lacombe est né collectionneur. De timbres et de buvards publicitaires lorsqu'il était gamin. De menus, de livres de cuisine plus tard, poursuivant ainsi la collection paternelle. Même s'il avoue la décision difficile à prendre, ce sont ces livres qu'il a décidé de vendre. "C'était un choix à faire, car tellement de choses sont rattachées à ces livres. J'ai eu la chance que mon père me montre le chemin. Dans les années 70, je me souviens des longues chines avec mon ami Michel Rostang lorsque nous étions chez Lasserre ! Nous dévalisions les bouquinistes, en fonction de nos moyens qui n'étaient pas très importants. Depuis quelques années, la passion s'était estompée. Après des périodes de folie, il faut savoir passer à autre chose pour continuer à investir professionnellement."
L'Hôtellerie :
Comment jugez-vous votre métier aujourd'hui ?
Jean-Paul Lacombe : En 2002, j'ai fait le choix
d'investir 300 000 e au Léon de Lyon : c'est la preuve que je crois en la restauration
gastronomique et que j'éprouve le même enthousiasme. Mais je pense aussi que j'ai eu la
chance d'avoir l'idée de monter d'autres affaires dès 1974. Il est clair qu'aujourd'hui,
si je n'avais pas mes Bistrots de Cuisinier, il me serait difficile de maintenir le
standing de la maison mère (1). Nous voulons continuer à y croire, sans tricher sur la
qualité des produits, sur le travail d'un personnel compétent. Je ne suis pas adossé à
un groupe financier, et je n'ai pas de chambres au-dessus du restaurant. Je suis
totalement indépendant, avec 2 étoiles depuis 25 ans, mais si je n'avais que la
restauration haut de gamme pour vivre, je n'y arriverais pas.
L'Hôtellerie : Quel
regard portez-vous sur la haute gastronomie française ?
J.-P. L. : Paradoxalement, alors qu'il n'y a
jamais eu autant de bons cuisiniers, de jeunes talentueux et une magnifique qualité de
produits, la situation devient difficile, et je pense qu'il y aura de moins en moins de
grandes maisons indépendantes. La clientèle qui peut dépenser entre 125 et 140 e par
couvert, sauf pour une occasion exceptionnelle, se raréfie !
L'Hôtellerie :
Pensez-vous que les mesures gouvernementales soient de nature à résoudre ces problèmes
?
J.-P. L. : Je constate avant tout que depuis le
passage aux 39 heures, la profession est exsangue. Il faut savoir aussi que la haute
cuisine n'est qu'une niche qui représente 0,5 % du marché de la restauration et qu'il y
a beaucoup de disparités dans nos métiers. Enfin, à propos de la baisse de la TVA, il
est quand même bon de préciser qu'elle ne s'appliquait que sur le solide, alors que chez
nous, cela ne correspond qu'au 2/3 du coût de l'addition, c'est-à-dire que la baisse
aurait été de moins de 10 %. Dans ce cas, j'avais envisagé 1/3 dans la formation du
personnel, 1/3 dans les travaux et 1/3 pour l'embauche ou la revalorisation des salaires.
Même si la baisse des charges sociales ne représente que 50 % de ce qui était attendu
initialement, tout est bon à prendre, et il me semble que le Premier ministre, issu des
PME-PMI, a reçu le message. La TVA, c'était merveilleux, mais il faut savoir se
contenter du reste qui, de toute manière, fera du bien.
(1) Entre ses 8 Bistrots de Cuisiniers et Léon de Lyon, Jean-Paul Lacombe emploie de 120 à 130 salariés dont 30 personnes au Léon. Il a réalisé en 2003 un CA de 10,7 Me, dont 2,3 Me au Léon.
La bibliothèque
gastronomique de Jean-Paul Lacombe dispersée Des pièces exceptionnelles dans un catalogue exceptionnel ! Hormis les livres dédicacés ou issus de la collection paternelle et ceux qui s'attachent à la cuisine lyonnaise, Jean-Paul Lacombe vend toute sa collection. Au total, 989 pièces dont la plupart sont des éditions originales ou des tirages particuliers, avec des estimations allant de 100 à 200 e pour de nombreux lots à 25 000-30 000 e pour le n° 588. Les Sept péchés capitaux illustré par des eaux-fortes de Marc Chagall. Une grande variété d'où ressortent, par exemple, Le banquet des savants par Athénée (4 000-5 000 e), l'original de la Physiologie du goût de Brillat-Savarin (1 500-2 000 e), Le Grand dictionnaire de cuisine d'Alexandre Dumas (700-1 000 e), Le Pâtissier royal de Carême (1 200-1 500 e), les 27 volumes de la France gastronomique de Curnonsky et Rouff (1 000-3 000 e), L'Heptaméron des gourmets de Nignon (15 000-20 000 e), les 28 volumes de L'Art culinaire (2 000-3 000 e), pour ne citer que ces livres-là ! Erudits, chercheurs, curieux et simples amateurs devraient trouver leur bonheur à Lyon pendant 3 jours d'une vente qui fera date ! "Rechercher, trouver, feuilleter, toucher, bref collectionner ces livres, m'a procuré un tel plaisir. J'ai adoré cette période presque frénétique. En les lisant, ils ont complété mon acquis culinaire, ils m'ont fait me poser des questions et trouver les réponses", dit Jean-Paul Lacombe. Tout à une fin. Au cas précis les dimanche 7 mars 2004 à 14 h 30, lundi 8 à 17 heures et mardi 9 à 15 heures en l'Hôtel des Ventes de Lyon-Brotteaux (Tél. : 04 37 24 24 24). Tiré à 1 500 exemplaires, un catalogue a été édité. |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2860 Hebdo 19 Février 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE