du 10 juin 2004 |
ACTUALITÉ JURIDIQUE |
Votre argent
En abolissant l'obligation de respecter la loi sur l'usure lors de l'octroi d'un crédit professionnel, la loi Dutreil pour l'initiative économique marque le retour à un peu plus de liberté en matière financière. Mais quelles sont les conséquences pour les professionnels emprunteurs de cette libéralisation des taux d'intérêt ?
De
1966 à 2003, la réglementation française sur l'usure n'a cessé d'évoluer dans un sens
restrictif. C'est pourquoi la suppression définitive par la loi du 1er août 2003 de la
notion de taux usuraire pour les crédits professionnels est originale. Elle marque en
effet une rupture nette de cette évolution : depuis le 5 août 2003, les taux d'intérêt
pratiqués pour les prêts consentis aux entreprises ne sont en effet plus limités par
aucune restriction réglementaire.
Une banque peut donc pratiquer les taux qu'elle souhaite. Une exception toutefois,
les découverts en compte et les prêts non professionnels demeurent soumis au respect des
taux usuraires.
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, cette loi est positive pour les
professionnels. En effet, le taux d'intérêt demandé pour un crédit est fonction du
risque pris. De ce fait, si une banque considère qu'elle ne peut pratiquer, lors de
l'octroi d'un crédit, en raison d'obligations réglementaires, le taux qui lui réduit au
maximum son risque de non-remboursement, elle choisira de ne pas l'accorder.
Or, les plafonnements imposés par la Banque de France dans le cadre de la loi sur
l'usure en matière de crédits professionnels étaient fort bas par rapport aux crédits
à la consommation octroyés aux particuliers. Un prêt professionnel pour financer un
achat à tempérament ne devait pas dépasser 9,15 % au 1er juillet 2003 alors qu'un
crédit à la consommation pouvait atteindre 21,63 % à la même date.
De ce fait, les restaurateurs ou les hôteliers - notamment les jeunes souhaitant
s'installer - qui ne pouvaient pas offrir de garanties importantes avaient souvent du mal
à obtenir les crédits souhaités. La banque considérait alors que le respect des
plafonds de taux ne couvrait pas le risque pris.
Dorénavant, ils obtiendront leur crédit, et le surcoût payé sera vite amorti
par l'augmentation de revenus générée par l'investissement si celui-ci a été bien
étudié. De plus, il ne faut pas oublier que lorsqu'un recours au crédit est
nécessaire, il est toujours préférable de solliciter plusieurs organismes et de
comparer les mensualités afin de prendre en compte tous les frais annexes, histoire de
choisir le taux le plus avantageux.
Des cautions mieux informées
La loi Dutreil, dans ses articles 11 et 12, agit également sur un autre volet des
crédits professionnels en améliorant l'information et la protection des cautions. Est-il
nécessaire de rappeler que lorsqu'un emprunteur ne peut fournir de garanties réelles,
comme par exemple une hypothèque sur un bien immobilier, il lui est demandé qu'un proche
(souvent le conjoint ou les parents) se porte caution de son crédit ?
Or, s'il est dans l'impossibilité de rembourser ses dettes liées à la vie
courante, ses dettes bancaires, ses dettes fiscales..., un particulier de bonne foi peut
saisir la commission de surendettement pour trouver un accord amiable avec ses
créanciers. Il n'en est pas de même pour un professionnel. De ce fait, une personne qui
s'est portée caution d'un entrepreneur individuel ou d'une société, et qui est appelée
à honorer son engagement, peut se retrouver dans une situation financière difficile.
Pour éviter que ce risque n'incite guère à signer un engagement de caution, la
loi Dutreil :
a Etend le
domaine de compétence de la commission de surendettement aux personnes physiques qui ont
donné leur caution, ou qui se sont engagées à acquitter solidairement la dette d'un
entrepreneur individuel ou d'une société, dès lors qu'elles n'ont pas été dirigeantes
de celle-ci.
a Si la
personne physique a souscrit un engagement disproportionné eu égard à ses revenus et à
ses biens, le créancier professionnel ne pourra lui demander d'honorer son engagement que
si son patrimoine, au moment où la caution est 'actionnée', permet d'y faire face.
De plus, afin qu'elles prennent conscience de l'étendue de leur engagement, les
personnes qui se portent caution devront faire précéder leur signature de la mention
manuscrite suivante :
"En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de... couvrant
le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou
intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les
sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même."
S'il s'agit d'un cautionnement solidaire : "En renonçant au bénéfice de
discussion défini à l'article 2 021 du Code civil et en m'obligeant solidairement avec
X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive
préalablement X...".
Enfin, l'information des cautions personnes physiques est renforcée :
- L'obligation de mentionner le montant maximal de l'engagement de la caution
(dette principale, intérêts, frais et accessoires inclus) est étendue au cautionnement
solidaire.
- L'obligation des établissements de crédit d'informer annuellement la caution du
montant et du terme de leur engagement, et de leur faculté de révocation de leur
engagement à durée indéterminée, est étendue à tout créancier professionnel et
quelle que soit la nature de l'engagement cautionné.
Ces mesures en faveur des cautions sont applicables depuis le 6 février 2004.
M.-C. Barbier
Un exemple Pour les besoins de son activité, un jeune restaurateur
achète du matériel en recourant à un emprunt bancaire. L'établissement de crédit est
d'accord pour financer cet investissement, mais il lui demande de fournir une caution. |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2876 Hebdo 10 juin 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE