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	du 28 octobre 2004	HISTOIRE DE...

AU SOMMET DE LA SOMMELLERIE MONDIALE

ENRICO BERNARDO, 28 ANS, VINISSIME…

Athènes Le Meilleur sommelier du monde 2004 est italien. C'est en France cependant qu'il a découvert le vin et qu'il exerce son métier. Il est sommelier au Cinq, le restaurant du Four Seasons Hotel George V à Paris. Élite confirmée.

L'Italie pour patrie, le français pour expression.

Mardi 12 octobre 2004, finale du concours du Meilleur sommelier du monde à Athènes. Aux premiers rangs d'une salle immense et comble, les yeux rivés sur le dernier candidat en lice, Andréa et Donata Bernardo, les parents d'Enrico. Le grand frère, Luigi, et les 5 soeurs, Antonietta, Nicoletta, Caterina, Silvana et Mary, les encadrent. La tribu est au complet. Ils serrent sur leurs genoux un immense drapeau italien. Ils ont confiance. Ils y croient. Avant les épreuves, M. Bernardo père, protecteur avant tout, lâche à son cadet : "N'aie pas d'inquiétude. Quoi qu'il arrive, je suis fier de toi." Ce Milanais dirige une petite entreprise de maçonnerie. Rien à voir avec la restauration. Quoique. Dans sa jeunesse, il faisait des saisons dans les grands hôtels. En Suisse, en Allemagne. Enrico, tout gosse, s'imaginait sur les traces de son paternel. Il rêvait à ces lieux magiques, qui l'intriguaient, entre deux absences. Enrico se souvient aussi des moments partagés entre hommes. Non pas à jouer au foot, comme les copains de son âge, mais avec les odeurs et les saveurs qui se dégagent des étals du marché. "Mon père a toujours fait les courses et j'adorais aller avec lui." À 14 ans, lorsque Enrico choisit "un peu par hasard" la cuisine pour filière, il songe à tous ces dimanches passés avec les siens autour des fourneaux familiaux. "Chez nous, on mange très bien, lance-t-il avec évidence. On n'est jamais devant la télé. On préfère la cuisine." Mitonner et discuter. Découvrir et réunir. Du cocon familial au challenge professionnel, la vocation prend forme.

Apprentissage
Dans les cuisines de chez Troisgros. Un 24 décembre. Enrico, l'apprenti, est 'aux crustacés'. "On tournait à 500 homards par semaine. Je devais, pour le plat, couper des lamelles de truffe noire. Malheureusement, elles étaient trop épaisses et je me suis fait jeter du poste. J'étais très vexé et je suis rentré chez moi en pleurant. Comme je n'avais pas été bon, j'ai passé 4 jours à farcir des cailles. J'en faisais des cauchemars. Mais j'ai tenu le coup. Je savais que je n'étais pas assez précis, et j'ai tout fait pour m'améliorer." L'intérêt pour le vin ? Enrico le doit à Éric Beaumard, son mentor à La Poularde de Montrond-les-Bains (42). C'est sur ses conseils qu'il se perfectionne, qu'il passe en candidat libre le diplôme italien de maître sommelier, qu'il devient sommelier professionnel. "C'est aussi grâce à lui que je me suis lancé dans les concours." À un iota près : Enrico a déjà remporté, à cette époque, le titre de Meilleur élève cuisinier d'Europe. Lorsque Éric Beaumard prend la responsabilité de la cave du Cinq, le restaurant du Four Seasons George V, Enrico intègre la nouvelle équipe. Il est alors Meilleur sommelier d'Italie et veut s'attaquer au titre européen. Didier Le Calvez, directeur général de l'hôtel, soutient le challenge. En 2002, bingo ! Enrico décroche la palme. Dans la ligne de mire, désormais : le mondial.
Début octobre, à quelques heures du trophée suprême, il peut au choix passer les épreuves en anglais ou en français. "J'ai préféré le français. C'est une langue poétique, avec laquelle je me sens à l'aise pour parler de vin." Quant aux derniers préparatifs, ils vont se résumer à de longues promenades en bord de mer, au petit matin, le soleil à peine levé sur l'île de Santorin. "10 minutes avant d'entrer en piste pour la finale, je me suis dit : je veux gagner. ça peut vous paraître naïf, mais c'est ce que j'ai pensé. Après, je me suis senti libre..." Un proche ajoute : "Il n'a pas laissé de doute aux juges."
Précision, aisance, naturel, au-delà des connaissances… "En fait, j'avais l'impression d'être seul avec les clients. Je n'ai pas vu les gens dans la salle, ni fait attention au jury." Le 12 octobre au soir, Enrico Bernardo inscrit son nom au palmarès des Meilleurs sommeliers du monde.
La suite ? Des applaudissements, des larmes de joie. Un retour à Paris sous les feux des projecteurs. En Italie, il doit être reçu par le président de la République avant un break bien mérité auprès de son frère et de ses soeurs. En projet ? "J'ai la chance, dans mon métier, de fréquenter de grands musiciens. La plupart ont une sensibilité commune avec le vin et j'ai vraiment envie d'apprendre un instrument de musique." Il hésite entre la batterie et le piano.
Sylvie Soubes

EN DATES

9 décembre 1976
Naissance en Italie
1995
le 15 juillet Obtient son bac pro à Milan
le 17 juillet
Devient sommelier professionnel
le 19 juillet
Passe son permis de conduire dans la foulée !

… et en titres
• Meilleur élève cuisinier d'Europe 1993
• Meilleur sommelier de Lombardie et Meilleur sommelier d'Italie 1996
• Meilleur sommelier d'Europe (trophée Ruinart) 2002
• Meilleur sommelier du monde 2004

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L'Hôtellerie Restauration n° 2896 Hebdo 28 octobre 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE