du 4 septembre 2003 |
À LA UNE |
A 46 ans, Michel Porcel affiche une insatiable soif d'entreprendre. A l'origine de son groupe : la restauration saisonnière, en haute montagne. Il s'est ensuite attelé à la mer, aux golfs et même au centre-ville. 19 Me de chiffre d'affaires prévus cette année. 41 enseignes en portefeuille fin juin. Autre caractéristique : sa capacité à motiver les équipes.
Sylvie Soubes
Un
village en balcon, entre lac et montagne. Deux châteaux surgissent des sapins. De coquets
chalets forment leur cour. Saint-Jorioz culmine à 1 690 mètres d'altitude. Au plus bas,
à 450 mètres, c'est la plage. La commune, voisine d'Annecy, partage ses loisirs entre
ski alpin et ski nautique. L'endroit, éloigné des grandes transhumances, accueille
également les amateurs de petite reine. L'ancienne voie ferrée, transformée en piste
cyclable, sillonne une nature préservée. Le chant des oiseaux, les clapotis de l'eau, un
doux manteau blanc l'hiver... Rien à voir avec l'agitation incessante des stations. C'est
ici que Michel Porcel a posé bagages, il y a une quinzaine d'années. Besoin de calme,
par opposition. Saint-Jorioz abrite aussi le siège de sa société : Restoleil. Plus de
40 enseignes réparties sur la France, 350 salariés en pic saisonnier, 19 Me de chiffre
d'affaires prévus en 2003.
Michel Porcel a des faux airs d'aventurier. Turbulent, charismatique, infatigable,
toujours prêt à l'action. Il a débarqué dans la restauration par hasard. Son énergie,
son enthousiasme ont fait le reste. Michel Porcel est né dans l'Isère. A 16 ans, le
lycéen abandonne livres et cahiers. Une PME grenobloise l'embauche. Le voici ouvrier dans
le textile. De son adolescence, il garde le souvenir joyeux des parties de pétanque avec
les communistes du cru. Son père a été pendant 10 ans délégué départemental de la
CGT. Le jeune Michel n'imagine pas, un jour, devenir patron. Après le service militaire,
il retrouve les chemins de l'usine. Manutention, pointeuse. Son boss voit les choses
différemment. "Pierre Planchon m'a poussé à reprendre l'école. Il sentait dans
le sauvageon d'autres dispositions", sourit-il. Sans lui, qui sait... Sur ses
conseils, il s'inscrit dans un IUT de gestion. Quatre ans de cours du soir.
Parallèlement, Pierre Planchon lui fait gravir les échelons. Il est responsable d'un
atelier de coupe de tissus et veille sur une équipe d'une vingtaine d'employées lorsque
son mentor décède. Fin d'une époque.
Débuts aux Ménuires
"J'étais démotivé. Un de mes amis, Edouard Jay, avait monté un chalet
d'altitude aux Ménuires. Il m'a dit de venir passer quelques jours. J'avais un
tempérament bout-en-train, l'ambiance décontractée m'a plu. J'ai lâché mon travail
pour porter des assiettes." Une première approche. "Edouard développait
d'autres affaires et comme je m'éclatais, il m'a confié la gestion du chalet. Il fallait
mettre le feu. J'ai su faire." Le pli était pris. "Vous savez, c'était
génial. Je quittais une petite banlieue austère pour une fête sans cesse renouvelée.
J'avais la possibilité de rendre les gens heureux. Je partais du principe qu'à chaque
fois qu'ils étaient dans l'établissement, ce devait être le plus beau jour de leur vie."
Une profession de foi qu'il réédite l'année suivante. Au cours de cette deuxième
saison, il rencontre Christine. Elle a 24 ans, il en a 28. Tous deux sont divorcés et
libres... Le coup de foudre est réel. Dans le même temps, un dirigeant de Pierre &
Vacances, client du chalet, lui propose la direction du restaurant de leur site de
Val-Thorens. "J'étais déjà directeur. Pourquoi changer ? J'ai refusé."
L'opérateur n'avait pas dit son dernier mot. Nouvelle proposition, sous forme de
location-gérance cette fois. "Christine n'était pas du métier mais elle était
d'accord pour retrousser ses manches avec moi. Malheureusement, nous n'avions pas de
moyens. Alors que Pierre & Vacances nous donnait carte blanche, les banques n'ont pas
voulu suivre, évidemment. Et pour comble du bonheur, c'était l'année où le montant à
déposer lors de la création d'une SARL est passé de 20 000 à 50 000 F. Pour pouvoir
réunir la somme nécessaire, les parents de Christine et les miens ont hypothéqué leur
maison." Sans regret. "Le 1er décembre, on n'avait pas un rond. En
avril, on était riche, lâche Michel Porcel. Bon d'accord, j'exagère. Mais
quelque part, c'était ça." Meneur au rugby, sport qu'il a longtemps pratiqué,
meneur avec les copains, il se découvre des qualités de meneur au travail. "Contrairement
à ce que vous pourriez croire, c'était nouveau pour moi." Dans l'euphorie, le
couple prend une deuxième location-gérance en bord de mer, à Port-Bourgenay. "Nous
avions à peine le temps de souffler. On passait d'une saison à l'autre, quasiment sans
relâche." Dans le même temps ou presque, Michel Porcel investit dans une
pizzeria à Annecy. En propre. Puis dans les hauts de Val-Thorens. Le local retenu porte
sur une surface de 350 m2. "L'idée était saugrenue pour beaucoup.
L'établissement était en effet situé dans le vieux quartier de Val-Thorens, loin du
passage. En plus, je jouais la carte tex-mex." Très vite, cependant, El Gringo's
Café se révèle un succès. A l'époque, et dans la durée. Une clientèle jeune et
internationale s'approprie les lieux. El Gringo's Café fait bouger le quartier. "Les
chiffres continuent toujours de progresser", souligne avec satisfaction Michel
Porcel. 600 litres de bière par jour, 2 500 cols de tequila en 5 mois et demi au dernier
recensement.
Carte d'identitéMichel
Porcel est né près de Grenoble. Il a 4 enfants : Arnaud, 20 ans, issu de son premier
mariage. Charlotte 15 ans, Quentin, 12 ans et Lucie, 6 ans, qu'il a eus avec Christine, sa
seconde épouse et sa plus grande complice dans son succès professionnel. Il revendique
la Savoie pour patrie. |
Autre tournant
L'année 1995 marque un nouveau tournant pour Michel Porcel. Pierre & Vacances lui
confie en location-gérance leur site du Cap-Esterel. Soit 7 enseignes à pourvoir. "Nous
sommes passés de 17 à 33 millions de francs de chiffre d'affaires en quelques semaines !"
Plus de 5 millions d'euros... Le partenariat donne naissance à Restoleil. Une "société
prestataire de services en restauration commerciale dans le secteur du tourisme".
Champ d'action : la saison. Mer et montagne. Désormais animé par l'esprit de conquête,
Michel Porcel étend son cheptel. Selon l'opportunité, il est locataire, mandataire,
propriétaire... "Nous n'avons pas d'état d'âme. Notre objectif est le même
quel que soit le cas de figure : que l'exploitation soit rentable et que les gens qui
travaillent s'y sentent bien." La notion de l'humain est fondamentale dans la
méthode Porcel. "Pour réussir dans la restauration, il faut avoir une grosse
pêche et une sacrée santé. Il faut un investissement personnel au-dessus de la moyenne
et surtout, il faut aimer les gens", affirme-t-il. Un soupire en début de
service est mauvais signe. "Nous sommes en contact direct avec les gens. Leur
faire plaisir est essentiel. Si l'équipe est tiraillée, si elle n'est pas managée ou si
elle n'est pas encadrée, vous courez tout droit à la catastrophe. Si un barman n'est pas
à l'aise derrière son bar, il ne sera jamais au top vis-à-vis du client. La
satisfaction de ce dernier est directement liée à l'esprit qui anime l'équipe. En
saison, le phénomène est d'autant plus sensible qu'il est accentué par le rythme. Cela
dit, être saisonnier a ses avantages." Le plus intéressant selon vous ? "Quand
l'activité s'arrête, nous pouvons prendre du recul. Réfléchir. Nous interroger. Tirer
des conclusions. Chercher l'erreur. Ce qui n'est pas le cas du reste de la profession. A
un moment donné, le saisonnier peut sortir la tête de l'eau", estime Michel
Porcel. Vous avez pourtant, personnellement, à vos débuts, enchaîné les saisons ?
"Vous savez, nous avons rapidement appris l'importance de faire des pauses, à
utiliser l'entre-saison pour revoir la copie."
En chiffres |
Enseignes Plus de 40... Ouvertures 11 unités prévues en 2003 Effectif 350 salariés en haute saison Concernant le CA 17 millions d'euros (2002) 19 millions au prévisionnel 2003 40 % mer, 30 % montagne, 30 % ville Progression du groupe |
85 % de collaborateurs fidélisés
Au fur et à mesure que Restoleil s'est agrandi, Michel Porcel, comme une grande
majorité de professionnels, s'est trouvé confronté au problème de personnel. "Pour
conserver les meilleurs collaborateurs, j'ai imaginé un système à l'année possible
grâce à la diversité du portefeuille." Fin de la précarité du saisonnier,
début du plan de carrière. "Ça nous a permis d'obtenir un premier niveau de
fidélisation. Bien sûr, ça nous a obligés à établir un équilibre entre les sites.
Mais nous y sommes parvenus." Michel Porcel intègre volontiers des jeunes qui
débutent. "A 18 ans, on est généralement enthousiaste et on n'a pas d'attache.
Ces jeunes acceptent plus facilement d'aller d'un site à l'autre, même s'il n'est pas
toujours facile de leur fournir chaussure à leur pied. Notamment lorsqu'ils passent d'une
saison d'hiver à une saison d'été. Cela dit, nous prenons toujours en considération la
personnalité et le savoir-faire de nos employés, quel que soit leur âge. Nous avons, en
outre, un programme de formations internes qui marche bien." Le casse-tête
s'avère payant. Le taux de fidélisation du personnel entre l'été 2002 et l'hiver
2002-2003 s'est élevé à 82 %. Il est monté à 85 % cet été. Deux slogans sont
érigés par Restoleil à l'attention de ses troupes : 'Un métier qui assure dans un
groupe qui rassure' et 'Un avenir stable dans un métier qui bouge'.
Lorsque le groupe a pris son envol, Michel Porcel a également voulu que le staff
dirigeant puisse bénéficier des retours sur investissements. "Nous avions
progressé ensemble. Il était normal qu'ils soient intéressés à la progression."
Le principe : une ouverture du capital de la holding, sous forme d'acquisition ou de
location-gérance. La capitalisation ne porte pas forcément sur l'établissement dans
lequel la personne travaille. Quant aux termes du contrat, ils prévoient un barème de
valorisation amenant un certain nombre de garanties favorables à l'actionnaire. "C'est
un processus interne uniquement, ajoute Michel Porcel. Nous ne faisons pas entrer
quelqu'un dans le groupe parce qu'il a de l'argent. En revanche, nous faisons tout pour
que celui ou celle qui participe, à terme, au développement comme à la pérennité de
l'entreprise, soit récompensé."
Restoleil TempobacSiège Bureaux communication et marketing |
Autant de cartes que d'établissements
L'autre force de Restoleil réside dans son organisation. Lourde en apparence, mais
parfaitement huilée. Restoleil, qui n'est pas une enseigne, mais une marque commerciale,
a sous sa coupe 41 établissements, dont le dernier en date, à l'heure où nous
imprimons, est une brasserie à Aix-les-Bains (lire encadré En portefeuille). En
2003, il devrait y avoir en tout 11 ouvertures supplémentaires. Restoleil, structuré en
holding, veille sur la comptabilité, sur les achats (centralisation et négociation) et
sur le fonctionnement de tous les établissements au jour le jour. Caisses centralisées,
mises à jour quotidiennes des tableaux de bord, édition des menus ou des flyeurs à la
demande... Aucun des établissements n'est laissé à lui-même. Clients mystères,
questionnaires qualité, remontées des informations. "Nous normalisons l'ensemble
des restaurants et bars tout en restant très proches du terrain, c'est-à-dire des
hommes. Nous ne sommes pas monoproduit. Prenez l'exemple des cartes. Nous avons un chef
qui planche, en amont de saison, sur toutes les cartes et menus à venir. En prenant
compte des spécialités locales. Ensuite, il consulte les chefs qui sont en place et
discute avec eux de l'offre définitive." Echange, écoute, esprit vacances
aussi. "C'est vrai qu'il règne un côté GO au sein du groupe. C'est le côté
saisonnier qui veut ça. La saison, c'est la substance même de Restoleil." Même
si le groupe réalise actuellement 30 % de son chiffre d'affaires avec des établissements
de ville, c'est-à-dire à l'année. Une diversification entamée avec une Taverne de
Maître Kanter, puis deux, puis d'autres points de vente. Insatiable Michel Porcel, plus
à l'affût que jamais. Belle gueule en plus. n zzz18p
Types
d'établissements :
w Restaurants à thème : Provence,
Savoie, Italie, tex-mex, Cuba...
w Gestion de restaurants d'hôtel ou de
golf, brasseries de luxe, pubs, plage, concession...
Partenaires :
w Pierre & Vacances
w Maeva
w La Caisse des monuments historiques
w Formule Golf
w TPI Les Balcons
w Les Montagnettes
w Taverne de Maître Kanter
Quelques chiffres d'affaires par exploitation :
w Taverne de Maître Kanter
(Vienne) : 1 514 ke
w Grand Large (Cap-Esterel) : 429 ke
w El Gringo's Café (Val-Thorens) : 867 ke
w Pizzeria du Lac (Port-Bourgenay) :
277 ke
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L'Hôtellerie Restauration n° 2837 Hebdo 4 Septembre 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE