de novembre 2003 |
À LA UNE |
Convoyeur de fonds de la précieuse gastronomie française, Jacques Maximin continue son chemin dans le haut pays niçois. Coups de gueule et coups de cur d'un personnage authentique qui travaille sans filet.
Texte et photos Katia Kulawick
Sept
heures, au cur du mois d'août : devant son café et ses gitane, assis à 'sa table'
au restaurant, Jacques Maximin passe les premiers coups de fils à ses producteurs pour
prendre la température du jour. Puis direction le marché de Nice, au pas de course.
Premier stop aux fruits et légumes. Il a entendu dire que des cèpes sont passés ici ce
matin, "ça m'intrigue cette histoire. Tu sais d'où ils viennent ?" Il
harangue le maraîcher tout en faisant le tour du hangar pour voir les nouveautés. Il
repère des petits pois de la région. "T'as une idée du prix ? C'est plus cher
que ta bagnole...", annonce le patron. Jacques Maximin ne discute jamais les
prix, c'est sa philosophie. "Je fais mon choix et je compte après",
dit-il. "Les fraises sont très belles, c'est rare d'en avoir au mois d'août. Je
prends." "C'est quoi là-dedans ?", demande-t-il au mareyeur où il
vient récupérer, entre autres, des langoustines vivantes et un turbot blond. "Les
Saint-Jacques viennent d'où ?" Il jette un il aux langoustines, qui ont
l'air en pleine forme. "Maximin, c'est un emmerdeur, mais quand il voit qu'on
s'occupe bien de lui, il nous adopte", confie le mareyeur au café du marché. Il
est 9 heures. Il croise son ancien pâtissier, des connaissances le saluent de tous les
côtés. Bill, son petit chien, ne le quitte pas d'une semelle. La course contre la montre
continue chez un maraîcher de Vence où il trouvera ce matin de délicieuses fleurs de
courgettes. Les consignes de Maximin sont claires, ses exigences sont fermes. La qualité
d'abord, il veut ce qu'il y a de mieux, de plus rare, d'unique, de saisonnier. Et pour
cela, il faut tout le temps être à l'affût. "Tu ne veux pas faire des
cornichons rien que pour moi ?", demande-t-il à la maraîchère.
Sur son autoradio, on entend sa chronique matinale 'L'échappée gourmande', où il
distille, tous les matins à 9 h 30 sur Radio Bleue Azur, ses recettes et ses
envies du jour.
Enième coup de fil à son pêcheur, toujours en mer, qui ne répond toujours pas. Maximin
file sur le port de Cagnes pour en savoir plus : mais son pêcheur, personne ne l'a vu
revenir, il n'a rien pris ce matin et a même déchiré ses filets, pour cause de mistral.
Si la pêche aux informations est aussi importante pour Jacques Maximin, c'est que tous
les jours, il reconstruit sa carte en fonction de la pêche du jour. "Je suis du
signe du poisson. La démarche de mon travail se fait d'abord d'après le poisson. Je
construis ma carte autour de ça. Elle change tous les jours, pour ne pas lasser." Selon
les quantités, il met en place 1 à 4 menus, plus des suggestions. Avec l'expérience, il
fait tout au feeling, travaille sans filet, comme un acrobate qui retombe toujours sur ses
pieds. De temps en temps, il lui arrive de téléphoner à ses anciens 'élèves' pour
leur demander une recette, parce que lui ne prend plus de notes, même s'il conserve tous
ses cahiers de cuisine.
Les bonnes adresses du Sud de Jacques Maximin
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Préparer le menu selon le marché
10 heures. De retour au restaurant, pause-café cigarette et journaux du jour,
commande de pain. Les haricots verts extrafins qu'il attend depuis des jours ont
finalement été livrés. Il déballe, jette un il sur la provenance : Kenya. "Ça,
je n'en veux pas, demain ça repart." Maximin privilégie les produits cultivés
dans la région. "Les gens se disent, 'ah les marchés du Sud', mais les plus gros
centres sont Perpignan et Nantes, entre autres. Ici, il n'y a presque plus de
terrains." Brin de causette avec son producteur de mûres et de framboises, à
qui il rend hommage dans sa carte, avant de passer chez le boucher de Vence pour
récupérer un ris de veau français. Cette idée le met dans tous ses états. "Ça,
avec les petits pois..." Maintenant qu'il a fait ses courses, le chef va passer 1
heure à préparer la liste de ses denrées, avant de déjeuner en ville avec son épouse.
A la conversation, l'état de la saison et la baisse de la TVA... "Une saison
comme ça, on ne l'a jamais vécue, même avec la guerre du Golfe, commente Madame
Maximin. Comment baisser les prix alors que la marge est déjà si faible ? Embaucher,
ça nous plairait. Moi, j'aurai besoin d'une lingère. Mais si on embauche, c'est qu'il y
a du monde et qu'on travaille..." En été, le restaurant n'est ouvert que le
soir (et principalement sur réservations), un avantage qui lui permet de préparer son
menu selon le marché du matin. L'après-midi est consacré à l'élaboration de la carte,
qui sort finalement en salle à la dernière minute, puis direction les fourneaux.
Langoustines, homards, asperges, mûres, girolles, loup sauvage, saint-pierre, groseilles,
truffes d'été, selle d'agneau, ris de veau français. Ici, le rythme des saisons existe
encore. Et il a encore un goût. Et quel goût ! <
Jacques Maximin
689, chemin de la Gaude
06140 Vence
Tél. : 04 93 58 90 75 zzz18p zzz22v
PortraitSi sa cuisine vient du
Sud, Jacques Maximin vient du Nord. C'est peut-être pour cela qu'il apprécie tant cette
région. Né en 1948, il arrive à Monaco en 1965 après un apprentissage au Touquet. "Je
travaillais avec une blouse d'écolier bleu gitane, parce que mon père n'avait pas eu le
temps de m'acheter une blouse blanche." De ce père qui tenait un bar-tabac, mais
qui était également trancheur au Westminster au Touquet et mécanicien, il a retenu et
retransmis sa passion automobile, aujourd'hui entre les mains de son fils, pilote. |
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L'Hôtellerie Restauration n° 2846 Magazine 6 novembre 2003 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE