"Quelques rares bâtiments berlinois dégagent encore la même atmosphère, mais il ne reste qu'un seul espace d'une telle dimension en centre-ville", s'enflamme Tim Raue quand on l'interroge sur le site choisi pour La Soupe populaire, sa nouvelle aventure culinaire. Difficile d'imaginer endroit plus typiquement berlinois que la Bötzow Brauerei, imposante brasserie baignant encore dans son jus industriel, toute en tubulures métalliques et armatures de fer arachnéennes.
À 39 ans, Tim Raue figure parmi les chefs allemands les plus en vue. Son parcours comme ses goûts culinaires en font une sorte de Thierry Marx d'outre-Rhin - la cuisine moléculaire et Top Chef en moins : une jeunesse à la dure dans les quartiers populaires de Berlin, des influences asiatiques, un goût de la prise de risque contrôlée… Après l'ouverture remarquée du Sra Bua, son restaurant asiatique sis dans l'hôtel 5 étoiles Adlon Kempinski, et à quelques encablures de l'établissement qui porte son nom (deux étoiles Michelin), le chef s'est lancé dans une expérience bistronomique. Il a confié les commandes de la cuisine à son fidèle second, Michael Jaeger.
"Inscrit dans l'histoire de Berlin"
Fondée en 1885 par Julius Bötzow, la vaste bâtisse de briques ocre de la Bötzow Brauerei a abrité la première brasserie de la capitale. Restée en activité jusqu'en 1949 avant de devenir un entrepôt du temps de la RDA, celle-ci a ensuite été rachetée par l'industriel Hans Georg Näder. Habitué du Sra Bua, ce dernier propose au chef de transformer un recoin de ce labyrinthe en restaurant… en six semaines. Tim Raue raconte : "Cet espace est profondément inscrit dans l'histoire de Berlin et nous voulions en faire un lieu où les clients pourraient mesurer combien la ville a changé."
À la Soupe populaire, il revisite donc les classiques de la cuisine berlinoise : "J'avais plusieurs concepts en tête, dont celui de partir de recettes de ma grand-mère. C'est celui qui correspondait le mieux au cadre de la Bötzow Brauerei et c'est en outre ce que souhaitait le propriétaire."
Menu court et très travaillé
D'où un menu à la fois court (quatre entrées, cinq plats et deux desserts), simple et extrêmement travaillé : tel ce foie de lapin aux pommes cuites et à la marjolaine (16 €), ou les emblématiques Königsberger Klopse, boulettes de viandes accompagnées de betteraves et de purée, déclinées avec une subtilité à laquelle ne se prête pas de prime abord ce plat roboratif (18 €). Sans oublier un agneau braisé à la lavande (21 €), suivi d'un Bienenstich (nid d'abeille en version française), spécialité allemande de pâte briochée fourrée à la crème pâtissière et nappée d'amandes, à laquelle le chef a ajouté une note de glace à l'abricot (8 €).
On accède par un escalier à une salle de 54 places au décor minimaliste de fer et bois brut, à la touche 'industrielle chic'. Celle-ci surplombe l'espace des anciens ateliers, dont les murs servent de lieu d'exposition. Les arts de la table jouent également un rôle dans cet hommage au patrimoine de la ville : les clients sont servis dans des couverts signés de la manufacture royale de porcelaine de Berlin, vénérable institution qui souffle cette année ses 250 bougies.
Publié par Gilles BOUVAIST