Les tables se colorent et s’animent. Comme pour faire oublier la morosité d’une actualité ou tirer un trait sur un passé confiné. Du bistrot au restaurant gastronomique, on prend ses distances avec le blanc, l’immaculé. On suit les créateurs, inspirés par la couleur et les motifs. Avec des propositions pour tous les budgets. Quand la grande distribution, telle que Maison E. Leclerc, habille assiettes, plats, bols et pots de bleu Majorelle, la décoratrice et architecte d’intérieur Sarah Lavoine mise sur les vert lagon, rouge paprika, ‘bleu Sarah’ ou encore ‘radis noir’. Des tonalités franches, affirmées pour une ligne d’assiettes en grès, sets de table et serviettes, où le logo de la marque se décline en dentelle XXL. Une envie de couleurs partagée également par la maison Bernardaud. Cette Entreprise du patrimoine vivant (EPV) ne se prive pas d’illuminer les tables avec son service Terra Rosa, dont le camaïeu de roses et orangés rappelle autant les briques de Toulouse que les tomettes en terre cuite des riads de Marrakech. Coup de soleil aussi, et même invitation à l’évasion, du côté de la Compagnie française de l’Orient et de la Chine. Avec une couleur tilleul pour un set de table en laque. Du vert et une tonalité verveine pour une série de plats en grès. Enfin, un rouge massala pour des assiettes et des bols en porcelaine.
Associer une recette à une assiette
Le vintage et le dépareillé sont également sources de couleurs. Ainsi, la barbotine, objet typique du XIXe, à la fois audacieux dans ses formes et ses motifs, revient en force sur les tables. Même scénario pour le porte-couteau. Et, sans complexe, le tout s’accorde à une vaisselle d’époques différentes, à condition de respecter une harmonie de tonalités. Ce que réussit et prône François Motte, conseil en arts de la table et en art du recevoir, co-auteur du livre Seconde main – 32 tables de fêtes chinées & autant de recettes qui vont avec (Hachette). Quant à la maison Gien - EPV, elle aussi -, elle propose même une collection baptisée les Dépareillés - avec assiettes, coupelles, tasses, plateaux, nappes… -, qui existe en vert et désormais en bleu.
Au restaurant le Comptoir des fables, à Paris (VIIe), on pratique ce mélange des formes et des couleurs. Durant un même service, les assiettes et plats passent du rond à l’ovale, du beige sable au brun foncé, d’un grès moucheté à un autre barré de rayures. L’idée : associer une recette à une assiette, mais aussi déstructurer l’organisation parfois trop linéaire d’une table. Enfin, au restaurant Freia, à Nantes (Loire-Atlantique), la cheffe cuisinière Sarah Mainguy a confié la réalisation de son service de vaisselle, de 500 pièces, à la céramiste nantaise Julie Echavidre, qui travaille une terre locale. Le résultat : des créations aux motifs bucoliques et pastels, tout en légèreté, à l’instar de cette représentation de feuille d’arbre qui frôle le rebord d’une assiette. Du circuit court qui fait écho à la cuisine engagée de Sarah Mainguy, ainsi qu’au jardin potager intégré au cœur de ce restaurant dit durable. Preuve que les arts de la table font partie du positionnement d’un établissement. Dans le cas de Freia, ils en incarnent même un certain sens de l’essentiel.
Publié par Anne EVEILLARD