Au Grand Véfour : une équipe de salle fidèle et soudée autour de Christian David

Ce restaurant doublement étoilé, ouvert il y a 230 ans, provoque toujours l'émerveillement des clients.

Publié le 26 septembre 2014 à 17:45

Arrivé en janvier 1991, Christian David garde un mauvais souvenir de ses débuts au Grand Véfour. Lui qui venait de travailler dix ans en tant que maître d'hôtel chez Jacques Cagna, dans "une ambiance conviviale et détendue", se retrouvait directeur de salle dans un lieu "qui avait perdu ses valeurs au niveau de la salle, avait besoin de retrouver de la sérénité. J'ai essayé d'insuffler un renouveau dans l'état d'esprit et la mentalité de bien comprendre la chance que nous avons d'évoluer au Grand Véfour." Jusqu'à ce que la donne change avec l'arrivée, six mois plus tard, d'un nouveau chef : Guy Martin. Les deux hommes sont posés, à l'écoute, et communiquent. "J'ai accroché avec le personnage, sa philosophie, sa cuisine. Il fallait ressouder les liens, confie Christian David, passionné de musique et peinture comme Guy Martin. Nous avions un objectif commun : la troisième étoile [obtenue en 2000 et perdue en 2008, NDLR]. On ne pouvait pas se contenter d'un endroit anonyme, il y avait du potentiel."

Vingt-trois plus tard, l'équipe de salle est composée de 17 personnes (dont trois maîtres d'hôtel, deux chefs de rang, quatre sommeliers, quatre commis et trois apprentis). Elle est aujourd'hui incroyablement unie. La jeune génération apprend de l'ancienne (cinq salariés ont plus de vingt ans de maison). Et vice-versa. Cette complicité se ressent en salle. "J'ai travaillé sur le potentiel humain, la personnalité de chacun. J'ai aussi mis en place un briefing quotidien, avant le service du midi. Quand je vois une erreur, je la signale même si je dois répéter", poursuit-il. Autre évolution : le chef explique et fait goûter ses plats à la salle à chaque changement de carte (quatre fois par an). "Il est important de bien maîtriser la composition des recettes, la connaissance des produits et leur histoire."

Communication avec le client

Le leitmotiv de Christian David, c'est la communication avec le client, qui débute bien avant la prise de commande. Le client est accueilli par le directeur de salle, le chef et l'hôtesse, puis entend, à table, un petit historique du Grand Véfour afin d'avoir "tous les éléments qui puissent éveiller ses sens". Le maître d'hôtel prend la commande des apéritifs, avant de donner la carte : "il faut trouver la personne qui se met en avant pour la carte à prix".

Le descriptif d'un plat doit rester bref et fluide en y ajoutant une "diction poétique. L'emploi du vocabulaire a également évolué car on ne parle plus de sauce mais de jus, de jus foisonné, d'émulsion et on utilise le mot 'note' pour définir des nuances d'arômes".

Se déroule ensuite le service où il suffit d'un "simple regard" entre le personnel pour se comprendre. Un cardex indique toutes les particularités des clients habitués, ce qui évite les erreurs. Le service, qui peut durer jusqu'à quatre heures, fait 45 couverts maximum. Il n'y a quasi pas de technique de salle, faute de place. Le restaurant est ouvert du lundi au vendredi, midi et soir. Il n'y a donc pas de roulement de personnel. "Ce qui évite encore une fois les erreurs. Tout le monde a son week-end", souligne Christian David. Le maître d'hôtel a, par ailleurs, mis en place un plateau avec une bougie pour apporter le gâteau lorsqu'un client fête son anniversaire. La table est ensuite prise en photo et le client la reçoit à son départ. "Cela suscite toujours l'étonnement", assure-t-il en souriant.

 

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Les arts de la table



Le dressage de la table est volontairement épuré dans l'unique but de "laisser place au décor authentique". Sur la nappe blanche, les assiettes de présentation en porcelaine et les assiettes à pain, signées Haviland, évoquent le XVIIIe siècle. Estampillés par la même maison, les couverts style Directoire sont en argent : la fourchette est posée à l'envers, ce qui permet de voir le logo du Grand Véfour sur le manche. S'ajoutent les verres à pied en cristal Baccarat : ce verre à vin est plus grand que celui à eau. "Au fil du temps, les clients ont une meilleure connaissance des vins.", indique Christian David. La serviette est juste pliée en quatre dans l'assiette. Au centre de la table, une carte explique, en français et en anglais, l'histoire du lieu et son décor.



Côté sommellerie

La carte des vins du Grand Véfour compte 800 références (1 200 en cave pour 14 000 bouteilles), dont seulement trois sont étrangères (Hongrie et Italie). Les prix s'échelonnent entre 40 € pour un vacqueyras 2011 à 21 000 € pour un romanée-conti 1999. La plus vieille bouteille ? Un lafite rothschild 1902 qui coûte la coquette somme de 16 000 €. "C'est une bouteille de collection. Elle n'est donc pas en vente. Seul un client nous a acheté la deuxième bouteille que nous possédions car il recherchait précisément ce millésime ; il l'a ramenée chez lui mais ne l'a pas bue au restaurant. Difficile de faire prendre un risque au client à ce prix", racontent les sommeliers Patrick Tamisier et Romain Alzy, également responsable de cave, respectivement vingt-quatre et vingt-six ans de maison. 

 

Le lieu et sa décoration

Christian David est passionné d'histoire et toujours aussi attaché au Grand Véfour, après vingt-trois années passées dans les lieux. Le restaurant fut à ses débuts un lieu à la mode, connu sous le nom de Café de Chartres. C'est en 1820, sous l'initiative de son nouveau propriétaire, Jean Véfour, qu'il change de nom et devient un restaurant gastronomique. "Cet endroit, aujourd'hui classé aux Monuments historiques, est le seul témoin de cette époque. On lui doit le statut de restaurant gastronomique", insiste celui qui aime sensibiliser la clientèle dès son arrivée. La brigade de salle a aussi été initiée. Les plafonds sont d'origine et les panneaux décoratifs datent de 1838. Rien n'a été modifié depuis. Les miroirs dépolis et les banquettes rouges ajoutent au charme du décor. Des plaques aux noms de Bonaparte, Joséphine de Beauharnais, Lamartine, Victor Hugo... indiquent la table qu'ils occupaient.


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Publié par Hélène BINET



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